Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
J

jésuites,

terme désignant les membres de la Compagnie de Jésus. C'est un sobriquet forgé après le concile de Trente.

Les origines.

• Elles remontent au 15 août 1534, lorsque, dans la crypte de saint Denis, à Montmartre, Ignace de Loyola, âgé alors de près de 40 ans, et six étudiants de la faculté des arts de l'Université de Paris prononcent leurs premiers vœux, renouvelés deux ans durant, avant que la reprise de la guerre entre la France et les Habsbourg ne disperse le groupe, en 1536. Les deux premières recrues, Pierre Favre et François Xavier, étaient arrivées à Paris à la rentrée de 1525. Ils ont donc consacré onze ans à leur formation universitaire, dans un temps de grande effervescence intellectuelle et religieuse ; mais tous ont aussi fait retraite à un moment ou à un autre, selon la méthode des Exercices spirituels qu'Ignace de Loyola a peu à peu mise au point. Si le recrutement des jésuites est déjà international, ils ne forment pas encore un ordre nouveau.

Dix compagnons rejoignent Venise en janvier 1537, pour accomplir leur vœu parisien de pèlerinage en Terre sainte. Ils passent par Rome, afin d'obtenir la bénédiction du pape Paul III, puis se font ordonner prêtres à Venise, mais la guerre avec les Turcs interrompt le voyage. Ils retournent donc à Rome, en 1539, pour se mettre à la disposition du pape, qui, le 27 septembre 1540, institue un groupe de clercs destinés au service de la propagation de la foi et du perfectionnement du prochain, et qui font vœu d'obéir au souverain pontife. La Compagnie de Jésus est née. Dès lors, et en dépit de modifications ultérieures, le caractère missionnaire de l'ordre est affirmé ad majorem Dei gloriam (« pour la plus grande gloire de Dieu »), selon la devise des Jésuites. Très vite, à la demande du roi de Portugal, François Xavier est désigné par le pape pour évangéliser l'Inde portugaise. Cette mission le conduit en Inde, en Insulinde, au Japon et sur les côtes de la Chine, où il meurt le 2 ou le 3 décembre 1552. Pour sa part, Pierre Favre parcourt l'Europe continentale, de l'Italie à l'Allemagne, à l'Espagne, aux Pays-Bas et au Portugal. Il meurt à Rome en se rendant au concile de Trente, le 1er août 1546.

L'organisation de l'ordre.

• Les premiers Jésuites sont des adultes relativement âgés, si l'on se réfère aux critères démographiques du temps. Le problème du recrutement se pose donc rapidement. Le général de l'ordre Jacques Lainez, élu en 1558, suggère d'accueillir des adolescents auxquels on donnerait une formation spirituelle et intellectuelle. Une première colonie est envoyée au collège des Trésoriers, à Paris ; mais l'hostilité du parlement de Paris et de l'Université paralyse l'expérience. Des fondations du même genre prennent le relais à Coïmbra, Louvain, Cologne, Padoue. Les programmes d'études sont une préfiguration de la ratio studiorum, qui organisera la formation jésuite sur des bases humanistes. Dès 1545 tous les candidats au noviciat sont soumis à un « examen général » incluant la retraite, selon les Exercices spirituels, qui permet de contrôler leur solidité.

Les constitutions de l'ordre ne sont définitivement approuvées qu'en 1558. Elles prévoient l'élection à vie, par la congrégation générale d'un préposé général, qui désigne les provinciaux et supérieurs des grands établissements. Les congrégations générales et provinciales sont convoquées sur l'ordre du pape. Les membres de la Compagnie de Jésus sont divisés en plusieurs classes. Les scolastiques (étudiants) prononcent les trois vœux simples et perpétuels de pauvreté, de chasteté et d'obéissance, au terme d'un noviciat de deux ans. Après deux années d'études scientifiques et littéraires, trois années de philosophie et quatre de théologie, le jeune jésuite, qui atteint alors la trentaine, est soumis à une troisième année de noviciat durant laquelle il refait les Exercices. Il est ensuite admis aux grands vœux : soit des vœux simples mais publics de coadjuteur spirituel, soit des vœux solennels de profès. Ces derniers, qui, seuls, promettent obéissance au pape, sont destinés à exercer les plus hautes charges. Avant d'être imités par les ordres nouveaux, bien des aspects de ces constitutions sont révolutionnaires au XVIe siècle : les vœux simples avant la profession, la suppression de la récitation commune de l'office au chœur, la longueur de la formation cléricale, l'obéissance absolue au supérieur, l'obligation d'une retraite spirituelle annuelle.

Une difficile implantation en France.

• Elle passe par la création de collèges, une activité qui n'était pas prévue à l'origine de la Compagnie. Le premier ouvre à Billom, en Auvergne, en 1556 ; Paris suit en 1561. Si l'organisation provinciale se met en place en France dès 1555, avant la mort de Loyola, les jésuites sont expulsés du ressort de plusieurs parlements, dont celui de Paris, en 1594, à la suite de l'attentat de Pierre Chastel contre Henri IV. Réintégrés par la volonté expresse du roi en 1604, mais contre l'avis des gallicans, ils deviennent les confesseurs attitrés des souverains. Pourtant, ils ne cesseront de subir l'hostilité du parlement de Paris, individuellement ou collectivement.

En 1610, 1 379 jésuites sont inscrits dans les catalogues des provinces françaises, dont seulement 462 au nord de la Loire, et 42 à Paris. Ils sont relativement âgés (34 ans en moyenne), en raison de la sévérité de leur sélection et de la longueur des études. Leur formation est encore profondément marquée par les cultures italienne et espagnole. Tout au long du XVIIe siècle, les jésuites français poursuivent leur effort d'installation. Celui-ci est si intense que rares sont ceux qui s'engagent dans les missions extérieures, sauf vers les « Turcs » et vers les « sauvages » (premier établissement au Canada en 1625). La moitié d'entre eux sont des enseignants, qui organisent de grands collèges, tels ceux de La Flèche ou de Pont-à-Mousson. En 1610, l'ordre compte en France 45 établissements, dont 38 collèges ; en 1700, 115, dont 91 collèges.

Influence spirituelle et controverses.