Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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Figaro (le), (suite)

Le Figaro a-t-il alors une ligne politique ferme, lui qui accueille un temps Jules Vallès et songe à recueillir Louis Veuillot ? À en croire Louis Ulbach, il « ne trahit personne puisqu'il ne défend rien ». Pourtant, la fibre légitimiste domine, l'anti-républicanisme y fleurit, jusqu'à ce que les successeurs de Villemessant opèrent un recentrage : c'est ainsi que Zola va y signer divers articles entre 1895 - « La vertu de la République » - et 1897 - où, dans une série intitulée « La vérité en marche », il mène campagne en faveur de Dreyfus. Mais, la clientèle modérée se détournant, le titre perd plus de la moitié de ses lecteurs, et Gaston Calmette (nommé directeur en 1902) doit réorienter la ligne politique du journal en menant de vigoureuses campagnes conservatrices (l'une d'elles lui vaudra d'ailleurs d'être assassiné par l'épouse du ministre Joseph Caillaux). Sous la houlette littéraire de Robert de Flers et d'Alfred Capus, le Figaro traverse la Grande Guerre en affichant un patriotisme à toute épreuve, qui lui permet de redorer partiellement son blason. Mais le capital, fragilisé, tombe entre les mains du parfumeur François Coty (1922), qui soumet le titre à ses humeurs politiques fluctuantes et par trop orientées vers l'extrémisme droitier ; une nouvelle fois, le lectorat modéré s'éloigne, et le quotidien atteint son étiage (moins de 10 000 exemplaires en 1932).

« Le Figaro » de Pierre Brisson.

• À la mort de Coty, en 1934, le capital passe entre les mains de sa veuve, remariée au milliardaire roumain Cotnareanu. Autour de Lucien Romier et de Pierre Brisson, un comité éditorial rassemble journalistes de talent et écrivains de renom : Mauriac, Giraudoux, Morand, Carco, Claudel, Montherlant, etc. Situé à droite, clairvoyant, critique à l'égard des fascismes, discrètement munichois, le journal doit installer ses locaux à Lyon dès 1940. Deux ans plus tard, Brisson - qui après son évasion a pris la tête de la rédaction - refuse de dénoncer « l'agression anglo-américaine » et décide de saborder le journal, qui reparaît en août 1944. S'ouvre alors un premier conflit entre Mme Cotnareanu, détentrice du capital, et les journalistes : au terme de nombreuses années de procédure, Pierre Brisson, s'appuyant sur le soutien de l'industriel lainier (et ancien propriétaire de Paris-Soir) Jean Prouvost, obtient de prendre la direction d'une société chargée de gérer le journal : l'indépendance du titre est sauvegardée. Défenseur des idées de la droite libérale, atlantiste et foncièrement anticommuniste, accompagnant la politique économique de Pinay, le Figaro de Brisson devient le grand quotidien de référence du matin. Favorable au retour de De Gaulle, il suit les retournements de politique intérieure (guerre d'Algérie) et extérieures (rapprochement avec la « Russie soviétique », refus de l'atlantisme systématique, etc.) auxquels procède le Général.

Crises et rebondissements.

• À la mort de Brisson en 1964, le Figaro a un tirage de plus de 500 000 exemplaires. Mais une nouvelle crise s'ouvre entre les détenteurs du capital, désormais contrôlé par Prouvost et le sucrier Béghin, et la rédaction. Craignant pour son indépendance, celle-ci obtient finalement d'être représentée au sein d'un directoire dont le président a titre de directeur de la rédaction : le cap est ainsi maintenu d'un journal globalement progouvernemental dès lors que les principes libéraux ne sont pas en danger.

En 1975, Prouvost vend ses parts au « papivore » Robert Hersant, qui fusionne peu après le titre avec l'Aurore : le journal accentue son orientation à droite, ce qui provoque des départs, dont celui de Raymond Aron (1977). L'arrivée de la gauche au pouvoir en 1981 en fait le porte-parole d'une opposition au ton polémique. Le recrutement surprise de Franz-Olivier Giesbert (1988), transfuge du Nouvel Observateur, semble redonner quelque crédit à un quotidien dont le lectorat n'a cessé de fondre, en dépit d'une politique de marketing très active.

Filitosa,

monumentale fortification (ou castellu) de l'âge du bronze, située sur la commune de Sollacaro (Corse-du-Sud) et datant de la seconde moitié du IIe millénaire avant notre ère.

Située à 10 kilomètres au nord de Propriano, la colline dite de Turricchju (« les petites tours ») est constituée d'un chaos rocheux qui domine d'une soixantaine de mètres la vallée du Taravo. Elle est occupée dès le début du néolithique et présente des traces d'habitat de l'époque cardiale ainsi que, plus discrètement, des phases ultérieures du néolithique (basien et terrinien). Toutefois, les principaux vestiges datent de l'âge du bronze. Il s'agit d'une enceinte de forme elliptique - maintenant, en ruine - faite de gros blocs de pierre, enserrant un village et trois tours. Le village se compose de petites maisons en pierres sèches, aux murs curvilignes, appuyées sur la partie est du rempart. Les tours sont implantées respectivement au sud-est, au nord-ouest et au centre de l'enceinte, les deux dernières présentant également des murs curvilignes.

Avec Araghiu, Cucuruzzu, Castellucciu ou Tappa, Filitosa est donc l'un de ces castelli caractéristiques de l'âge du bronze en Corse méridionale, témoignant de fortes tensions entre les chefferies naissantes, dans un milieu insulaire aux ressources limitées. Mais la célébrité du site tient aussi à la découverte de plusieurs statues-menhirs, retrouvées en réemploi dans le mur de la tour centrale, et dont certaines représentent des guerriers armés.

Filles de la Charité,

congrégation religieuse féminine fondée en 1634 par saint Vincent de Paul et Louise de Marillac, et vouée à l'assistance aux pauvres et aux orphelins.

Dans la première moitié du XVIIe siècle, la mise en place de la réforme tridentine en France suscite la naissance de nombreuses congrégations religieuses, qui, conformément aux nouvelles aspirations, cherchent à associer à la vie contemplative les actions caritatives ou éducatives. Les institutions féminines doivent donc s'adapter et assouplir les contraintes du vœu de clôture pour s'ouvrir davantage au siècle. Saint Vincent de Paul et Louise de Marillac désirent rendre plus efficace l'œuvre de la congrégation parisienne des Dames de la Charité, dont les membres, issues de l'élite sociale, sont peu formées à l'accomplissement de certaines tâches matérielles. Les Filles de la Charité sont, elles, surtout recrutées dans les milieux populaires de la campagne ; elles doivent seconder les Dames de la Charité et compléter leur action. Louise de Marillac, leur première supérieure, se charge de leur formation et apprend à lire aux illettrées. Certaines religieuses peuvent ainsi assurer un enseignement dans le monde rural, qu'elles connaissent bien et dont elles ont conservé le costume. À partir du XIXe siècle, on les reconnaît grâce à leur célèbre cornette, qui n'est plus en usage de nos jours.