Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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Directoire, (suite)

La force du régime procède, en définitive, de ses succès militaires. La guerre se poursuit avec l'Angleterre et l'Autriche, mais les prouesses du général Bonaparte, commandant de l'armée d'Italie, font basculer les équilibres européens. Devant la menace d'invasion du Tyrol, l'empereur d'Autriche est obligé de réclamer, aux préliminaires de Leoben, une paix, signée à Campoformio le 17 octobre 1797, aux conditions d'un Bonaparte qui impose ses vues politiques sans en référer au gouvernement français. L'Italie du Nord est partagée : l'Autriche conserve le contrôle de la Vénétie - conquise pourtant par Bonaparte, qui garde les côtes ioniennes - ; la France annexe la Lombardie, et pousse à la création de « Républiques sœurs » - République Cisalpine et République de Ligurie -, en même temps qu'elle contrôle la rive gauche du Rhin, et qu'elle s'empare de la Belgique. Cette politique expansionniste se poursuit, même si les armées piétinent sur le Rhin, et si les Anglais gardent le contrôle des colonies (excepté de Saint-Domingue). La Suisse est transformée en République helvétique ; les États du pape sont érigés en République romaine ; les Pays-Bas, en République batave, et le royaume de Naples, conquis à son tour, devient République parthénopéenne. La « grande nation » française peut ainsi incarner les espoirs qui avaient mobilisé les soldats de l'an II, et, donc, unifier le pays autour de cette expansion qui, enfin, assure des ressources financières essentielles.

Le temps des coups d'État.

• Aux prises avec des ennemis de gauche et de droite, des difficultés économiques et sociales continuelles, le Directoire est un régime instable, qui connaît plusieurs tentatives de prise de pouvoir. Le brutal coup d'arrêt porté aux progrès des royalistes en 1795 a favorisé le retour des idées jacobines ; celles-ci trouvent un nouveau dynamisme avec l'action clandestine de Gracchus Babeuf. Ce publiciste fonde un « parti plébéien » réclamant « l'égalité sociale », puis un parti clandestin, infiltré par des agents provocateurs, qui organise la conjuration des Égaux. Le 10 mai 1796, Babeuf est arrêté ; il est jugé un an plus tard, puis exécuté. Son procès coïncide avec la découverte d'un complot militaire qui met en cause des opposants de gauche et qui permet au Directoire de réprimer violemment les derniers représentants de la gauche jacobine. Les royalistes tentent de profiter de cette situation : en effet, même si la Vendée est « morte », leurs réseaux d'espionnage restent puissants, et les chouans de Bretagne constituent toujours une menace ; les déserteurs sont soutenus par l'Institut philanthropique, qui diffuse des idées royalistes dans l'opinion ; les demandes de réouvertures d'églises se multiplient ; le club de Clichy rallie des personnalités désabusées, tels Carnot et le général Pichegru. Les élections de mars 1797 sont à nouveau favorables à ce courant. Les présidents des deux Assemblées sont élus dans leurs rangs, tout comme l'un des directeurs, Barthélemy. Contre cette présence royaliste, deux autres directeurs, Barras et Reubell, exécutent un nouveau coup d'État, le 4 septembre 1797 (18 fructidor an IV), cassent les élections, déportent 65 personnes (dont Pichegru et Barthélemy), et pratiquent la « Terreur sèche » contre les Églises. Le Directoire paraît renouer avec la politique jacobine.

Mais en 1798-1799 la situation échappe au pouvoir. Bonaparte se lance dans l'expédition d'Égypte, qui tourne court. Par ailleurs, les populations soumises se révoltent : en Suisse, une répression sévère est appliquée ; en Belgique, la « guerre des paysans » embrase les campagnes catholiques ; en Italie du Sud, des bandes se soulèvent au nom de la religion. Les troupes françaises capitulent dans Naples, assiégée sur terre par les ruraux armés et, par mer, par l'amiral Nelson. Enfin, un vaste mouvement contre-révolutionnaire essaie, en vain, de coordonner des soulèvements en France même, et des villes sont prises momentanément en Bretagne à l'automne 1799. La crise militaire met ainsi à nouveau en jeu l'existence du régime.

Dans cette situation qu'aggravent une mauvaise conjoncture économique et l'accroissement du déficit, un nouveau coup d'État est préparé, dans l'entourage de Sieyès, pour établir un exécutif fort. En juin 1799, celui-ci impose un remaniement du collège directorial, mettant en place des directeurs jacobins, grâce à l'appui de l'armée. Celle-ci a besoin de mesures drastiques (levée en masse, emprunt forcé, loi des otages) pour faire face aux multiples agressions. Le général Bernadotte est pressenti pour prendre la tête du complot. En vain. Le retour de Bonaparte en France, le 9 octobre, offre un chef prestigieux aux conjurés, aidés par les directeurs et par le propre frère du général, Lucien Bonaparte, alors président des Cinq-Cents. Le coup d'État se déroule les 9 et 10 novembre 1799 (18 et 19 brumaire an VIII) : les Chambres sont transférées à Saint-Cloud, le commandement militaire de Paris est confié à Bonaparte, dont les soldats dispersent les députés insoumis. Au soir du 10, le Directoire est aboli par le vote des Anciens et des députés des Cinq-Cents restants, au profit d'un régime nouveau, le Consulat, qui donne les pleins pouvoirs à un triumvirat de trois consuls dirigé de fait par le premier d'entre eux, Bonaparte. Le Directoire n'apparaît plus, dès lors, que comme un régime de transition dont l'échec consacre celui des principes révolutionnaires, sur lesquels une société stable n'a pu se bâtir.

dissuasion nucléaire,

stratégie militaire consistant à empêcher une agression contre le territoire national par la peur d'une riposte avec des armes nucléaires.

La politique française en la matière est ébauchée sous la IVe République, avec des projets atomiques dont le général de Gaulle va accélérer la réalisation, pour faire de l'arme nucléaire l'instrument d'une politique d'indépendance nationale. Il s'oppose alors aux États-Unis, dont la théorie de la « riposte graduée » sous-tend la possibilité d'un conflit en Europe, et défend l'idée d'une « sanctuarisation » du territoire français, grâce à la dissuasion nucléaire. La théorie française affirme, en effet, qu'une force de frappe, même limitée, menace l'agresseur éventuel (c'est-à-dire, dans le contexte international de l'époque, l'URSS) d'une destruction telle qu'il est dissuadé d'attaquer. Aussi la France se dote-t-elle, après l'explosion de sa première bombe atomique au Sahara, en février 1960, de la bombe H, mise au point en 1968, lors d'essais à Mururoa. De 1967 à 1971 viennent s'ajouter aux soixante-deux Mirage porteurs de la bombe A les dix-huit missiles sol-sol balistiques stratégiques (SSBS) installés sur le plateau d'Albion et les missiles balistiques mer-sol (MBMS), qui équipent le sous-marin nucléaire le Redoutable. La constitution de cette force de frappe aérienne, terrestre et maritime permet, surtout après le retrait de la France des structures militaires de l'OTAN, en 1966, une orientation stratégique débouchant sur une défense tous azimuts qui n'exclut, a priori, aucun agresseur. Vu les implications politiques de la dissuasion, le président de la République assume la responsabilité de l'engagement des forces nucléaires (décret du 4 janvier 1964). Poursuivant l'action du général de Gaulle, ses successeurs cherchent à moderniser l'arsenal nucléaire en dotant l'armée, dans les années soixante-dix, d'armes tactiques - les missiles Pluton - et maintiennent le principe de la stratégie « du faible au fort ». La France refuse ainsi que soit prise en compte sa force de frappe dans les négociations Est-Ouest concernant le désarmement.