poilu,
terme familier utilisé pour désigner le soldat français de la Première Guerre mondiale.
Employé comme adjectif par Balzac pour décrire les grognards de Napoléon, « poilu » passe dans l'argot militaire au début du XXe siècle, mais c'est à la Grande Guerre qu'il doit son entrée dans l'histoire des substantifs : très tôt - sans doute au moment de la bataille de la Marne -, on a commencé à appeler les soldats français les « poilus ». Si l'appellation provient de l'« arrière », elle est rapidement adoptée par les intéressés eux-mêmes, comme l'atteste leur correspondance. Dès 1915 paraissent les premiers journaux de tranchée rédigés par les soldats : le Poilu, Poil de tranchée, le Poilu déchaîné. Ce mot de l'argot de guerre prend une double connotation. Avant 1914, « poilu » veut dire « brave », le poil étant le signe de la virilité. Par son héroïsme quotidien dans la guerre des tranchées, ce poilu-là est élevé à la hauteur d'un mythe. Proust ne s'y trompe pas, qui fait dire à son personnage Saint-Loup, peu avant sa mort au front : « Au contact d'une telle grandeur, ²poilu² est devenu pour moi quelque chose dont je ne sens même pas plus s'il a pu contenir d'abord une allusion ou une plaisanterie que quand nous lisons ²chouan² par exemple. Mais je sens ²poilu² déjà prêt pour de grands poètes, comme les mots déluge, ou Christ, ou Barbares qui étaient déjà pétris de grandeur avant que s'en fussent servis Hugo, Vigny ou les autres... »
Mais le mot renvoie aussi à une autre dimension : dans l'existence précaire de la première ligne, il n'était plus possible de se laver, de se raser, et beaucoup trouvèrent plus simple de se faire pousser la barbe. Ce sont cette misère et cette souffrance qui donnent son autre face à la condition de poilu. Les poilus deviennent donc spécifiquement les combattants des tranchées, ceux qui tiennent et souffrent, dans une fraternité où s'efface toute distinction d'âge, d'origine sociale ou géographique. Le poilu n'est pas seulement l'héroïque « statue de boue » créée par la propagande ; il n'est pas non plus cet homme forcé à l'obéissance par la brutalité des officiers, invention des pacifistes d'après-guerre : il fait son devoir de citoyen, non sans maugréer certes, mais avec ténacité. Joseph Delteil, dans les Poilus (1926), a sans doute rendu le plus bel hommage à ses anciens camarades de tranchée, tout en démystifiant l'idée de la séparation entre les Français pendant le conflit : « Le front, c'est l'homme. L'arrière, c'est la femme. Au front, le poilu ; à l'arrière, la poilue. »
Au moment de commémorer les soldats de la guerre, les communes françaises ont massivement choisi d'ériger une statue de poilu, combattant et/ou souffrant, comme monument aux morts. Ces héros de pierre ou de bronze sont emblématiques de la France à la fois victorieuse et orpheline de tant de ses fils.
Poincaré (Henri),
mathématicien et physicien (Nancy 1854 - Paris 1912).
Il est le cousin du président de la République Raymond Poincaré. Entré major à l'École polytechnique, ingénieur du corps des Mines, il enseigne dès 1881 à la Sorbonne, où il occupera successivement les chaires de physique mathématique (1886) et de mécanique céleste (1896). Ses premiers travaux portent sur la théorie des équations différentielles et sur la théorie des fonctions. Dans une série de mémoires publiés entre 1881 et 1886, il montre le rôle des considérations topologiques en géométrie différentielle. Par son mémoire Sur le problème des trois corps et les équations de la dynamique (1889) et ses trois volumes des Méthodes nouvelles de la mécanique céleste (1892-1899), il ouvre à la mécanique céleste théorique des voies neuves et un immense champ d'investigation qu'exploreront ses successeurs. Au très grand nombre de ses travaux scientifiques s'ajoutent ses ouvrages consacrés à la philosophie des sciences, la Science et l'hypothèse (1902), la Valeur de la science (1905) et Science et méthode (1909) ; il y pose, avec une remarquable acuité, la question de la fécondité du raisonnement mathématique et celle de la « réalité » atteinte par les théories du physicien. Élu à l'Académie des sciences en 1887 et à l'Académie française en 1908, Henri Poincaré s'est passionné pour tous les domaines mathématiques et physiques connus à son époque, et l'on a pu dire de lui qu'il était le dernier savant universel.
Poincaré (Raymond),
homme politique, président de la République de 1913 à 1920 (Bar-le-Duc 1860 - Paris 1934).
Par ses origines, par sa formation, par toutes les étapes de sa carrière, Raymond Poincaré s'identifie à la IIIe République : son patriotisme est ancré dans l'expérience de l'occupation de sa Lorraine natale (il a alors 11 ans) ; ses études de droit le préparent à épouser la carrière emblématique d'une République des avocats, où l'éloquence politique et l'art de la plaidoirie vont de pair ; son choix de positions modérées et son aptitude à se tenir à l'écart des crises politiques lui valent, à plusieurs reprises, de jouer le rôle du « sauveur » (Raoul Girardet), bon technicien et réconciliateur des Français.
À partir de l'âge de 35 ans, ce progressiste, déjà plusieurs fois ministre, notamment au poste clé des Finances (1893), refuse volontairement tous les portefeuilles, pour mieux se placer en réserve de la République : prudent lors de l'affaire Dreyfus tout en étant dreyfusard depuis novembre 1898, attaché à la laïcité mais hostile aux prises de position de Combes en cette matière, Poincaré se construit lentement une image d'homme de conciliation, refusant par exemple la proposition de Caillaux d'instaurer un impôt sur le revenu (1913).
Président du conseil et ministre des Affaires étrangères à partir de janvier 1912, élu président de la République le 17 janvier 1913, il mène une politique étrangère qui ne diffère pas de celle de la majorité des républicains : fermeté à l'égard de l'Allemagne, qui lui vaut le surnom de « Poincaré-la-Guerre », entente avec l'Angleterre, et alliance avec la Russie, réaffirmée lors de son voyage dans ce pays, du 16 au 29 juillet 1914. Il est aussi le principal artisan de la loi des trois ans votée en 1913. Néanmoins, ses responsabilités dans l'enchaînement des alliances qui précipite l'entrée en guerre restent difficiles à déterminer, tout comme le caractère belliciste de ses propos.