Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
L

Lattre de Tassigny (Jean de),

maréchal (Mouilleron-en-Pareds, Vendée, 1889 - Paris 1952).

Formé à Saint-Cyr et à Saumur, blessé à cinq reprises pendant la Première Guerre mondiale, il sert au Maroc de 1921 à 1926. Major de l'École de guerre, il rejoint l'état-major particulier du général Weygand, vice-président du Conseil supérieur de la guerre. De 1935 à 1937, avec le grade de colonel, il commande le 151e régiment d'infanterie à Metz. En 1939, chef d'état-major de la Ve armée en Alsace, Jean de Lattre de Tassigny - le plus jeune général de brigade de l'armée française - participe aux combats à Rethel, puis sur l'Aisne et sur la Loire, en mai-juin 1940. Après l'armistice, il accepte un commandement en Tunisie en 1941, puis à Montpellier en 1942. En novembre 1942, après l'invasion de la zone sud par les Allemands, il rejoint le camp de la rébellion. Arrêté et condamné à dix ans de prison par les autorités du gouvernement de Vichy, il s'évade de Riom en 1943 et rejoint Londres, puis Alger, où Giraud le nomme général d'armée et lui confie le commandement de l'armée B. C'est à la tête de la Ire armée que de Lattre de Tassigny débarque en Provence le 16 août 1944, et libère successivement Toulon, Marseille, Lyon, Dijon, Colmar, puis participe à la chute de Karlsruhe, Stuttgart, Fribourg, Ulm et Constance. Le 9 mai 1945, à Berlin, il signe, au nom de la France, l'acte de capitulation de l'armée allemande.

Commandant en chef de l'armée d'occupation française en Allemagne, il est nommé, en 1948, à la tête des troupes de l'Union occidentale, chargées de faire face à la menace soviétique. En 1950, haut-commissaire en Indochine, il assume le commandement des troupes françaises engagées dans le conflit. Il meurt d'un cancer à Paris, en 1952, et est élevé, à titre posthume, à la dignité de maréchal de France.

Laval (Pierre),

homme politique (Châteldon, Puy-de-Dôme, 1883 - Fresnes 1945) président du Conseil sous la IIIe République en 1931-1932 et en 1935-1936, puis homme fort du gouvernement de Vichy en 1940 et en 1942-1944.

Fils d'un modeste aubergiste auvergnat, Pierre Laval parvient à mener, grâce à son acharnement, des études supérieures de droit. Parallèlement, il s'engage dans l'action politique en adhérant, dès 1903, à un groupe socialiste d'obédience blanquiste, qui rejoint le Parti socialiste unifié (SFIO), en 1905. En 1908, il s'inscrit comme avocat au barreau de Paris, et se consacre alors surtout à la défense de syndicalistes. Élu en 1914 à Aubervilliers, dans une circonscription populaire, grâce à l'appui de ses amis syndicalistes, il siège à la Chambre durant la législature 1914-1919. Pacifiste modéré pendant la guerre, il réclame en 1919 l'amnistie pour les « défaitistes » et vote contre le traité de Versailles. Battu en novembre 1919 aux élections générales, Laval quitte la SFIO en 1920 et mène désormais sa carrière de manière indépendante, grâce à l'aisance financière que lui procure sa réussite professionnelle, renforcée par son aptitude à mettre sur pied des réseaux personnels. En 1923, il conquiert la mairie d'Aubervilliers à l'occasion d'une élection municipale partielle. Toutefois, il se réfère, durant quelques années encore, à son engagement originel : élu député en 1924 sous l'étiquette « socialiste indépendant », il figure dans les gouvernements « cartellistes » de Paul Painlevé en 1925 et d'Aristide Briand en 1925-1926. C'est en 1927 qu'il rompt définitivement avec la gauche ; il est alors élu sénateur sur une liste d'Union républicaine.

Son action dans les années trente.

• La carrière de Pierre Laval connaît un tournant décisif en 1930. En effet, le président du Conseil André Tardieu, dans le but de faire aboutir le projet de loi sur les assurances sociales, le nomme en mars ministre du Travail, en raison de ses talents de négociateur : Laval atteint l'objectif fixé dans un bref délai. Aussi, quand le cabinet Tardieu est renversé en décembre 1930, et après un éphémère ministère dirigé par Théodore Steeg, Laval est-il chargé de former le gouvernement. Dans une conjoncture de crise mondiale, alors que la France, qui n'est touchée qu'en 1932, fait encore figure d'îlot privilégié, Laval tente, sans succès, d'obtenir des Allemands et des Américains des aménagements relatifs aux réparations et aux dettes interalliées. Renversé en février 1932, il retrouve le ministère du Travail dans le troisième cabinet Tardieu, mais il est écarté du pouvoir après les élections législatives de mai 1932, qui voient la victoire des gauches. Il revient aux affaires à la suite de la crise du 6 février 1934 en tant que ministre des Colonies dans le cabinet Doumergue, avant de devenir ministre des Affaires étrangères en novembre 1934 (succédant à Louis Barthou, blessé mortellement lors de l'attentat perpétré contre le roi de Yougoslavie), puis président du Conseil (juillet 1935-janvier 1936). Il renforce alors la politique déflationniste par les décrets-lois de juillet 1935 : voulant favoriser une baisse des prix sans modifier la valeur du franc (alors que la livre anglaise a été dévaluée en 1931), il impose des diminutions des dépenses publiques, réduisant notamment le traitement des fonctionnaires. Ces mesures, qui n'aboutissent à aucun résultat tangible, le rendent très impopulaire. En politique extérieure, Laval doit mettre en œuvre le système d'alliances antiallemandes que Barthou voulait édifier en 1934. Il signe - avec réticence - le pacte franco-soviétique d'assistance mutuelle (2 mai 1935), et se consacre - avec enthousiasme - au rapprochement franco-italien, rencontrant Mussolini en janvier 1935 et participant à la réunion tripartite de Stresa (France - Italie - Grande-Bretagne) en avril. Mais il ne peut faire aboutir cette politique, car la révélation d'un plan secret de partage de l'Éthiopie (le plan Laval-Hoare), qui apparaît comme une reconnaissance de l'invasion italienne, provoque le départ des ministres radicaux et la chute de son gouvernement en janvier 1936.

Ministre du maréchal Pétain.

• Aigri, persuadé que les revers diplomatiques de la France de 1936 à 1939 ne font que confirmer la justesse de ses vues, Laval revient au pouvoir en juin 1940. Vice-président du gouvernement Pétain, il joue un rôle de premier plan dans le vote du 10 juillet 1940, par lequel les parlementaires confient au maréchal les pouvoirs constituants. Principal ministre de juillet à décembre 1940, il s'engage avec ardeur dans la politique de collaboration avec l'Allemagne, préparant notamment, avec l'ambassadeur d'Allemagne Otto Abetz, la rencontre de Montoire entre Hitler et Pétain. Persuadé de la victoire de l'Allemagne, et confiant dans ses talents de diplomate, il estime, non sans illusions, que la France pourra occuper une place honorable dans l'Europe nouvelle. Mais Pétain, craignant de voir son ministre le supplanter, le renvoie, le 13 décembre 1940.