Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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Montlosier (François Dominique de Reynaud, comte de), (suite)

À la fois officier militaire, propriétaire et homme de lettres, Montlosier représente, au début de la Révolution, un courant politique méconnu de l'Assemblée constituante, qui se situe entre les « aristocrates purs », partisans de l'absolutisme, et les monarchiens, favorables à une monarchie à l'anglaise. Comme ces derniers, il prône un pouvoir royal fort et le bicamérisme, mais ce lecteur assidu de Montesquieu demeure attaché aux corps intermédiaires (noblesse, clergé, parlements...) et à leurs privilèges honorifiques, et ne cessera de regretter le doublement du tiers état aux états généraux de 1789 et la réunion des trois ordres dans la nouvelle Assemblée nationale. Ami de Cazalès et de Malouet, qu'on le définisse comme un aristocrate libéral ou comme un monarchien conservateur, Montlosier témoigne des divisions au sein de la Contre-Révolution. Lorsqu'il fait son entrée à la Constituante, en septembre 1789 - élu député suppléant, il remplace un démissionnaire -, les monarchiens sont déjà défaits, et ce membre du Club monarchique, où les extrémistes l'emportent, tente - en vain - d'imposer ses vues à l'Assemblée dont il est un orateur important. Après avoir émigré à Coblence et combattu dans l'armée des princes en 1792, il s'installe à Londres, où il se fait journaliste. Rallié au Consulat, il rentre en France en 1802, traverse les régimes successifs en rédigeant divers ouvrages sur la Révolution - mais aussi en attaquant violemment les jésuites à partir de 1825 - et termine son original engagement politique en entrant à la Chambre des pairs (1832).

Montluc ou Monluc (Blaise de Lasseran-Massencome, seigneur de),

homme de guerre et maréchal de France (château de Saint-Puy, Gers, 1502 - Estillac, Lot-et-Garonne, 1577).

Né dans une famille de hobereaux gascons, il se destine tout naturellement à une carrière militaire. Signe des temps, c'est dans l'infanterie qu'il fait ses premières armes, dès 1521. Devenu capitaine de gens de pied, et nommé maintes fois gouverneur de place forte, il participe aux guerres d'Italie, jusqu'au siège de Sienne de 1554-1555 - son plus haut fait d'armes -, où il dirige la défense de la cité. De retour en France, il est nommé lieutenant du roi en Guyenne. Chef du parti catholique dans cette région, il penche pour une solution militaire aux « troubles » religieux après 1562 : son intransigeance favorisera le développement d'une légende noire (alimentée par l'historiographie protestante, mais non dénuée de fondements) sur la cruauté de l'homme. Gravement blessé par un coup d'arquebuse en 1570, il tombe en disgrâce et entreprend alors la rédaction de ses Commentaires.

Écrit pour « l'instruction des capitaines », ce récit de « ses » guerres (publié en 1591) est aussi un long plaidoyer pour justifier une vie au service de son roi et dénoncer les calomnies. Dans cette « bible du soldat », selon les termes d'Henri IV, le modèle césarien est mis au service d'une autobiographie sélective qui ne s'intéresse qu'aux combats. L'ouvrage se prête dès lors à une longue illustration des ambiguïtés d'un petit noble : attaché aux relations féodales directes avec son souverain, mais contempteur de la cour ; futur maréchal de France (en 1574), mais soldat « de métier » sorti du rang ; témoin de toutes les guerres de son temps, mais affecté de « myopie » historique ; loyaliste, mais n'hésitant pas à pester contre les « politiques » qui cèdent dans des traités ce que les soldats ont payé de leur sang.

Montmartre,

ancienne commune correspondant à l'actuel XVIIIe arrondissement de Paris.

La butte Montmartre connaît son heure de gloire au tournant du XIXe et du XXe siècle, gagnant défi-nitivement son caractère pittoresque. Ruelles escarpées et immeubles modestes y ont un air campagnard, avec vignes et tonnelles. Les poètes se mêlent aux chansonniers, les vedettes du caf'conc' s'y produisent : Yvette Guilbert croquée par Toulouse-Lautrec, Aristide Bruant rudoyant et charmant ses clients. Les grands rendez-vous sont alors le « cabaret artistique » du Chat noir ou le Moulin-Rouge. Renoir habite au château des Brouillards, dans l'allée du même nom ; puis le Bateau-Lavoir abrite les derniers « fauves » et les jeunes représentants du cubisme ; Pablo Picasso n'est pas loin de la rue Ravignan où vit son ami Max Jacob. Artistes, écrivains (Léon Bloy comme Mac Orlan) côtoient les célébrités locales : Frédé, du Lapin agile, ou Suzanne Valadon, à la fois modèle et peintre, dont le fils, Maurice Utrillo, demeure l'illus-trateur par excellence de la place du Tertre. Francis Carco, Roland Dorgelès, André Salmon, se font les mémorialistes de leur quartier. Mais la fièvre créatrice et canaille de ce Montmartre populaire va disparaître. En effet, les touristes sont désormais plus curieux de l'animation nocture du boulevard entre les places Clichy et Pigalle, ou de l'exotisme altier du Sacré-Cœur. Pourtant, sur la butte Montmartre, aux rues refaites comme un décor, errent encore les fantômes de la Belle Époque.

Montmorency (famille de),

grande famille de la noblesse, dont les origines remonteraient au moins au Xe siècle.

Les domaines de cette vieille famille féodale du nord de l'Île-de-France s'étendent peu à peu autour d'Écouen - et souvent aux dépens des moines de Saint-Denis. Géographiquement proches des détenteurs de la couronne, les « premiers barons chrétiens de France » restent, au fil des siècles, d'une fidélité sans faille aux dynasties successives : ainsi, quand ses deux fils aînés préfèrent le duc de Bourgogne à Louis XI, Jean II de Montmorency les déshérite sur-le-champ. Des croisades à la bataille de Bouvines, de la guerre de Cent Ans aux guerres d'Italie puis aux guerres de Religion, on retrouve souvent des Montmorency au premier rang des armées royales, et les rois choisissent parmi eux six connétables, onze maréchaux de France et d'innombrables grands officiers du royaume. Toutefois, l'ascension des Montmorency dans la hiérarchie de la noblesse française ne s'accélère qu'au XVIe siècle avec, en 1551, l'accession au duché-pairie d'Anne de Montmorency : le grand connétable, confident et principal ministre de François Ier puis d'Henri II, fait ainsi de son clan familial l'égal et le rival des Guises et des Bourbons. Par le jeu de mariages, d'achats, de dons et de spoliations, Anne accroît d'ailleurs considérablement ses domaines, qui s'étendent en Bretagne, en Bourgogne et en Auvergne, sans compter le gouvernement du Languedoc, qui se transmet de père en fils.