Réforme catholique et Contre-Réforme. (suite)
Certains refusent le schisme. En ce temps d'« abus », il y a néanmoins de très grands évêques, tels François d'Estaing (1460-1529) à Rodez, ou Guillaume Briçonnet (1470-1534) à Lodève puis à Meaux. Issus tous deux de l'humanisme parisien, entourés d'intellectuels gallicans, ils tentent une réforme de leurs diocèses, visitant et surveillant eux-mêmes les prêtres ayant charge d'âmes, organisant la prédication, particulièrement dans les années 1517-1520. Ils cherchent à promouvoir une réforme du clergé, dont la tâche pastorale leur paraît plus essentielle que jamais. La réalisation de cet idéal se heurte à des difficultés économiques et institutionnelles majeures, mais elle donne au corps clérical une claire vision du but à atteindre et des difficultés à surmonter. Les décisions du concile de Trente en reprendront l'essentiel.
Cette réforme, à laquelle il manque peu de chose pour réussir, est uniquement cléricale. L'idée d'une autonomie des laïcs lui est étrangère, voire bientôt hérétique. Il est évident qu'elle ne couvre pas toutes les aspirations du corps chrétien, mais le principal obstacle est certainement à chercher du côté de la papauté. En ne décidant pas la tenue d'un concile, Clément VII (1523/1534) a laissé l'initiative de la réforme de l'Église au luthéranisme. Paul III (1534/1549), élu par ceux qui veulent un concile et des réformes, appelle enfin au Sacré Collège quelques-uns des plus éminents tenants de la réforme. Pour des raisons politiques, l'ouverture du concile tardera jusqu'en 1545, mais la volonté pontificale de coordonner les aspirations à la réforme est manifeste. Toutefois, le concile vient trop tard pour résoudre le schisme. De nombreux décrets conciliaires ont pour objet de réfuter point par point la Réformation protestante, mais le souci du concile est aussi - indissociablement - de poursuivre les expériences antérieures à cette Réformation. La réalisation de la réforme en continuité du catholicisme est l'œuvre conjointe du concile et de la papauté.
Le concile de Trente traite, en parallèle, des dogmes et de la discipline. Si la Réformation protestante guide, pour une grande part, les mises au point sur les dogmes, ces dernières ne se réduisent pas à une simple réaction, moins encore à une crispation sur la foi et sur les pratiques de l'Église éternelle. Les décrets du concile de Trente sont le fruit de discussions et de conciliations entre les « intransigeants », qui entendent formuler une réponse ferme à l'« hérésie », et les « humanistes », qui cherchent à dire la foi dans la culture de leur temps.
Le résultat est l'élaboration de définitions dogmatiques parfaitement adaptées aux débats et au vocabulaire d'alors. Particulièrement caractéristiques sont les décrets sur les sources de la révélation, la justification, les sacrements. L'Écriture est la base du christianisme, mais sa juste interprétation ne peut être faite que par l'Église ; la justification naît de la collaboration de l'homme et de Dieu. Les sacrements sont des signes sensibles efficaces : la réponse aux critiques protestantes est première, mais la définition de l'eucharistie, par exemple, va plus loin que la polémique. Si la défense de l'idée de présence réelle du Christ dans les substances consacrées et l'utilisation du terme « transsubstantiation » sont bien dans la lignée de l'évolution médiévale, la définition de l'eucharistie comme aliment des âmes, antidote des fautes quotidiennes par la réitération permanente du sacrifice, est le prélude à la communion fréquente. Les décrets disciplinaires sur la résidence des évêques et des curés sont directement issus des réformes antérieures ; très attendus, ils sont la conséquence d'un mûrissement des réformes dans l'Église entière et, plus encore, de leur diffusion coordonnée.
La réformation de l'Église catholique (1564-1660).
• La grande force du concile de Trente est d'avoir été promu immédiatement par les évêques et par les papes. Non seulement le pape Pie IV (1559/1565) sanctionne dès le 26 janvier 1564 l'ensemble des décrets, mais il crée aussi une congrégation chargée d'en surveiller l'exécution. Son neveu, Charles Borromée, en organise l'application dans son archevêché de Milan par les synodes provinciaux de 1565 et 1569. Avec la publication du catéchisme romain (1566), celle des nouveaux livres liturgiques - bréviaire (1568), missel (1570), rituel (1614) - et l'uniformité imposée à tous les diocèses n'ayant pas une liturgie vieille de plus de deux cents ans, avec le renforcement des nonciatures permanentes, la papauté prend en main l'application du concile et la réforme catholique.
La réforme de la curie par Sixte V (1588) est la preuve de cette volonté d'efficacité. En même temps, la transformation des mœurs à Rome, le retour des successeurs de saint Pierre à une vie digne, modifient profondément l'image du souverain pontife et de son action. La domination exclusive de l'autorité papale n'était pourtant pas une fatalité. Les débats conciliaires avaient renforcé le pouvoir des évêques et la collégialité épiscopale ; les décrets n'auraient jamais été appliqués si les synodes provinciaux n'avaient agi très vite et très fermement.
Au refus politique plus ou moins affirmé (par l'Espagne ou par la France) d'accepter le concile comme loi de l'État, il faut en effet opposer l'acceptation locale générale des décrets dogmatiques et disciplinaires, qui les font entrer dans les faits. Un délai plus ou moins long est cependant nécessaire pour que les fruits du concile se fassent sentir dans les paroisses.
Si la résidence des évêques dans leurs diocèses et des curés dans leurs paroisses devient effective, le catéchisme n'est régulièrement prêché que vers 1630. Les séminaires ne commencent à former les prêtres de façon uniforme qu'à la fin du XVIIe siècle. L'architecture invente un nouvel espace intérieur des églises pour servir d'écrin au culte de l'eucharistie, pour le coordonner avec la multiplication des messes pour le salut des âmes et la prédication, pour rendre le monde divin proche et familier par l'élévation des coupoles et la splendeur des décors. Cet art baroque se développe en Italie à partir de 1580, mais ses canons ne se mettent en place qu'entre 1630 et 1660. Malgré l'aspiration des fidèles et des évêques, malgré la qualité des papes et le dévouement des ordres nouveaux, malgré l'aiguillon protestant, il a fallu plus d'un siècle pour réformer le catholicisme selon les canons tridentins.