dynastie d'exécuteurs des hautes œuvres à Paris de 1688 à 1847.
Cadet désargenté, allié par mariage aux Jouënne, exécuteurs de Normandie, Charles Sanson (1635-1707) est à l'origine d'une véritable dynastie de bourreaux, qui comptera six générations. Il fait son apprentissage comme valet d'échafaud auprès de son beau-père avant d'obtenir en 1688 sa lettre de provision d'office pour la charge de Paris, le titulaire ayant été destitué pour faute professionnelle. Exécuteur des « hautes œuvres », c'est-à-dire de la « haute justice », celle qui applique la peine capitale, Sanson manifeste la puissance punitive du roi et la ritualise par le spectacle public de la mise à mort. D'où le statut ambigu de celui dont la charge fait le bras armé de la justice mais dont le métier fait un paria. Cette opprobre sociale, qui voue les bourreaux à se constituer en caste, ainsi que la vénalité et l'hérédité des offices expliquent la transmission de la charge entre les membres d'une même famille : en 1707, Charles Sanson II (1681-1726) succède à son père. Charles Jean-Baptiste (1699-1778) n'a, quant à lui, que 7 ans en 1726, lorsqu'il hérite la charge qu'il transmet de fait, sinon de droit, suite à une paraplégie, en 1754.
De la famille Sanson, Charles Henri (1740-1806) est le plus célèbre. L'évolution de la législation des peines modifie alors fondamentalement l'office du bourreau - la grande réforme de 1790 voit la suppression de la roue, l'uniformisation des peines -, mais c'est toujours le même homme qui l'exerce. Ainsi, celui qui, sous l'Ancien Régime, a décapité le comte de Lally ou le chevalier de La Barre (1766), sera aussi l'exécuteur de la justice révolutionnaire, faisant passer sous la guillotine près de trois mille condamnés, parmi lesquels Louis XVI. Avec l'adoption de la guillotine (1792), le rôle de Sanson se borne désormais sur le théâtre des châtiments à une figuration mécanique sans commune mesure avec l'ancien déploiement de la violence légale. Cet effacement du caractère spectaculaire s'affirmera encore avec l'arrêt de 1832 (l'échafaud devant être désormais placé aux portes des villes et non plus sur la place publique). Aussi Henri (1767-1840), qui reçoit la charge en 1795, ne participe-t-il plus activement aux exécutions et s'enrichit dans la médecine empirique et la petite chirurgie. Lorsque Henri Clément (1799-1889) lui succède en 1840, il délaisse son office, mène une vie dissolue. Incarcéré pour dettes il va jusqu'à gager la guillotine. Bourreau sans vocation ni instrument de travail, il est révoqué en 1847 et disparaît sous un nom d'emprunt. Ses Mémoires apocryphes (1862) contribueront à la légende d'une dynastie née dans le sang et achevée dans le fait divers.