monarchie absolue. (suite)
Malgré cette évolution, la distinction demeure entre monarchie absolue et tyrannie, entre pouvoir légitime et pouvoir arbitraire. En effet, la loi naturelle et la loi divine, sans jamais avoir été clairement définies, fondent un code de conduite implicitement conçu comme s'imposant à tous les hommes, y compris au roi. Ainsi, à l'image de Dieu qui veut l'ordre et la justice, ou du père qui ne peut vouloir le malheur de ses enfants, le roi doit respecter une règle immanente qui le pousse à agir pour le bien collectif. Les monarques continuent aussi de respecter les lois fondamentales du royaume. Celles-ci résultent de pratiques instaurées au fil des siècles, formalisées par les juristes, les états généraux ou les parlements du XIVe au XVIe siècle. Ce sont notamment quatre principes essentiels qui se trouvent ainsi fixés : l'inaliénabilité de la couronne, l'exclusion de la succession dynastique des filles et des mâles descendant par les filles (loi dite « salique »), l'exclusion des hérétiques, et enfin l'inaliénabilité du domaine royal.
À ces règles et limites reconnues s'ajoutent les résistances de fait à la toute-puissance monarchique. D'abord, la tendance à l'absolutisme n'empêche pas que des interprétations différentes de la souveraineté légitime ont toujours coexisté. Celles-ci se sont manifestées avec éclat pendant la Fronde : monarchie contrôlée par les parlements, monarchie duale associant le roi et les grands, monarchie relayée par les nobles. Louis XIV a beau avoir rabaissé toutes ces prétentions, celles-ci se sont à nouveau exprimées vers la fin de son règne et ont abouti à une brève expérience de « contre-monarchie absolue », sous la Régence, avec la polysynodie, ou gouvernement de Conseils constitués de nobles (1715-1723). L'expérience n'a pas duré mais la réflexion sur la légitimité et la nécessaire séparation des pouvoirs a pris un élan nouveau au temps des Lumières, avec Montesquieu notamment.
Dans les années 1760, le conflit entre Louis XV et les parlements montre l'incompatibilité entre des conceptions antagonistes de la souveraineté. En 1766, à l'occasion d'un lit de justice au parlement de Paris, le roi, dans son discours dit « de la Flagellation », s'oppose aux parlementaires qui prétendent « coopérer avec la puissance souveraine dans l'établissement des lois » ; il affirme : « [...] c'est en ma personne seule que réside la puissance souveraine. » Mais, dans l'opinion publique, la confusion entre « absolutisme » et « arbitraire » devient de plus en plus fréquente, surtout à partir de la réforme Maupeou des parlements, en 1771. La dénonciation du pouvoir arbitraire culmine dans les années 1780. Ainsi sont établies non seulement l'interprétation usuelle de la notion mais aussi l'aspiration à la définition d'un nouveau type de lien entre le roi et la nation.
Cette aspiration, fortement développée lors de la préparation des états généraux de 1789, se concrétise le 17 juin quand les députés du tiers état se proclament « Assemblée nationale ». La monarchie constitutionnelle qui se profile alors repose sur un principe contractuel aux anti-podes de l'« absolutisme ». Au temps de la Restauration (1814-1830), la Charte, « octroyée » par Louis XVIII, marque l'hésitation entre le retour à une autorité inspirée de l'absolutisme de droit divin et la prise en compte des règles constitutionnelles. Malgré un mode de gouvernement qui développe les pratiques parlementaires, l'ambiguïté pèsera sur le régime jusqu'à la chute de Charles X.