Au XIXe siècle, parallèlement à un accroissement quantitatif de la prostitution, qui pourrait concerner plusieurs dizaines de milliers de femmes en France sans qu'il soit possible d'en évaluer précisément le chiffre, les maisons closes connaissent une mutation importante.
Jusqu'au milieu du siècle, dans les « salons de grande tolérance », les maisons dites « de quartier » ou les « maisons à estaminets », lieux d'enfermement hiérarchisés en fonction de la clientèle à laquelle ils s'adressent, les prostituées appartiennent à un « peuple à part », extrêmement diversifié, peu visible, mais suffisamment inquiétant pour inspirer à Parent-Duchâtelet, en 1836, un vaste projet réglementariste. Marginalisé, le bordel est alors un lieu d'initiation et de consommation sexuelles fréquenté par les célibataires, les travailleurs non sédentaires, les étudiants ou les soldats, et tous ceux que leur instabilité ou leur pauvreté condamnent à ce type de sexualité. Or, vers la fin du Second Empire, la prostitution bourgeoise connaît son âge d'or.
À l'évolution des cadres sociaux - mutation des paysages urbains, intégration familiale des ouvriers, embourgeoisement de la clientèle - répondent de nouvelles sensibilités. Le bordel voit sa fonction de lieu de sociabilité renforcée : en province, la maison close joue le rôle d'un cercle de notables, comme le suggère la description qu'en donne Maupassant dans la Maison Tellier (1882) ; à Paris, le luxe de l'ornementation dans les salons de grande tolérance (miroirs, draperies...) traduit l'essor d'un érotisme raffiné. Le modèle de l'intimité bourgeoise façonne jusqu'aux relations qu'entretiennent le client et la prostituée, les « filles de noce » (Alain Corbin) se devant aussi de jouer le jeu de la séduction. Pour autant, enregistrées auprès de la préfecture de police, puis inscrites sur le registre du bordel par la maîtresse de maison, contraintes de reverser leurs gains à la propriétaire, sans aucune vie privée, les prostituées restent des filles soumises. Peu à peu, cependant, les tenancières transforment leurs établissements en maisons de rendez-vous ou en hôtels de passe : les prostituées gagnent alors en indépendance financière. À partir des années 1930, les maisons closes se font plus rares. C'est donc une « institution » largement déclinante que la loi du 13 avril 1946, dite « loi Marthe-Richard », vient démanteler juridiquement.