Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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Maison du roi, (suite)

Mais la crise financière du XVIIIe siècle et les critiques de plus en plus véhémentes contre la cour conduisent Louis XV et Louis XVI à opérer des « retranchements » : le comte de Saint-Germain diminue les effectifs de la Maison militaire en 1775 ; Necker supprime 406 offices de bouche en 1780. Néanmoins, ces mesures, qui mécontentent la noblesse, ne désarment pas les critiques : la dénonciation des abus de la cour, « gouffre de la nation » (6,63 % des dépenses de l'État en 1788), a été, avec le succès que l'on sait, un cheval de bataille contre la monarchie d'Ancien Régime.

maisons closes.

Au XIXe siècle, parallèlement à un accroissement quantitatif de la prostitution, qui pourrait concerner plusieurs dizaines de milliers de femmes en France sans qu'il soit possible d'en évaluer précisément le chiffre, les maisons closes connaissent une mutation importante.

Jusqu'au milieu du siècle, dans les « salons de grande tolérance », les maisons dites « de quartier » ou les « maisons à estaminets », lieux d'enfermement hiérarchisés en fonction de la clientèle à laquelle ils s'adressent, les prostituées appartiennent à un « peuple à part », extrêmement diversifié, peu visible, mais suffisamment inquiétant pour inspirer à Parent-Duchâtelet, en 1836, un vaste projet réglementariste. Marginalisé, le bordel est alors un lieu d'initiation et de consommation sexuelles fréquenté par les célibataires, les travailleurs non sédentaires, les étudiants ou les soldats, et tous ceux que leur instabilité ou leur pauvreté condamnent à ce type de sexualité. Or, vers la fin du Second Empire, la prostitution bourgeoise connaît son âge d'or.

À l'évolution des cadres sociaux - mutation des paysages urbains, intégration familiale des ouvriers, embourgeoisement de la clientèle - répondent de nouvelles sensibilités. Le bordel voit sa fonction de lieu de sociabilité renforcée : en province, la maison close joue le rôle d'un cercle de notables, comme le suggère la description qu'en donne Maupassant dans la Maison Tellier (1882) ; à Paris, le luxe de l'ornementation dans les salons de grande tolérance (miroirs, draperies...) traduit l'essor d'un érotisme raffiné. Le modèle de l'intimité bourgeoise façonne jusqu'aux relations qu'entretiennent le client et la prostituée, les « filles de noce » (Alain Corbin) se devant aussi de jouer le jeu de la séduction. Pour autant, enregistrées auprès de la préfecture de police, puis inscrites sur le registre du bordel par la maîtresse de maison, contraintes de reverser leurs gains à la propriétaire, sans aucune vie privée, les prostituées restent des filles soumises. Peu à peu, cependant, les tenancières transforment leurs établissements en maisons de rendez-vous ou en hôtels de passe : les prostituées gagnent alors en indépendance financière. À partir des années 1930, les maisons closes se font plus rares. C'est donc une « institution » largement déclinante que la loi du 13 avril 1946, dite « loi Marthe-Richard », vient démanteler juridiquement.

Maistre (Joseph, comte de),

homme politique et écrivain (Chambéry 1753 - Turin 1821).

Issu d'une famille de noblesse récente (1783), né en Savoie et, donc, sujet du roi de Piémont-Sardaigne, il fait ses études à la faculté de droit de Turin. Durant ses années de formation, il se montre profondément catholique, mais joue aussi un rôle important dans la franc-maçonnerie savoisienne. Il est très vite hostile à la Révolution et au principe d'une Déclaration des droits de l'homme (« Il n'y a point d'homme dans le monde, [mais] des Français, des Italiens, des Russes, etc. »), la lecture des Réflexions sur la Révolution en France de l'Anglais Burke le confortant dans ses idées antidémocratiques et antigallicanes. Il devient un ennemi actif de la Révolution à partir de 1792, lorsque, la guerre déclarée, les armées françaises envahissent la Savoie. En 1793, il s'installe à Lausanne et prépare, comme agent du roi de Sardaigne, des insurrections contre-révolutionnaires.

Son activité est à la fois politique et littéraire. Il écrit alors son œuvre majeure, Considérations sur la France : l'ouvrage, publié à Neuchâtel en 1796, puis à Londres en 1797, fait de lui le théoricien de la Contre-Révolution qui influence fortement les milieux de l'émigration. Joseph de Maistre y livre une lecture de la Révolution française marquée par le providentialisme, c'est-à-dire dirigée par la Providence, dont « l'action supérieure se substitue à celle de l'homme ». La Révolution y est analysée comme la sanction de la décadence morale et religieuse, travaillant finalement pour la monarchie : « Il fallait que la grande épuration s'accomplît », que la France parvînt épurée entre les mains du futur roi. Le châtiment divin montre ainsi la voie. Pour Maistre, l'homme ne peut s'ériger en législateur au nom de principes politiques universels conçus par lui-même ; seule la religion est fondatrice. Aussi appelle-t-il de ses vœux un régime théocratique dont l'instrument, la « Contre-Révolution voulue par Dieu », doit assurer le triomphe du christianisme. En 1798, il retourne en Italie, puis il représente le roi de Sardaigne auprès du tsar à Saint-Pétersbourg, de 1802 à 1817. Il appronfondit ses réflexions dans l'Essai sur le principe générateur des constitutions politiques (publié en 1814) et dans Du pape (1819), un ouvrage qui fait l'apologie de la théocratie pontificale, et dans lequel puisera l'Église française ultramontaine du XIXe siècle. Déçu par une Restauration qui accepte la Charte constitutionnelle, il se retire et n'occupe plus que des fonctions secondaires.

maîtresses du roi.

De la comtesse de Châteaubriant sous le règne de François Ier à la comtesse du Barry sous celui de Louis XV, la faveur dont jouissent les maîtresses royales s'inscrit dans l'essor d'une monarchie française absolutiste, où seuls règnent les hommes.

La maîtresse attitrée du roi fait son apparition avec Agnès Sorel, distinguée par Charles VII, mais ce n'est qu'au siècle suivant que la tradition se forge. En effet, la cour médiévale, très masculine et à laquelle est officiellement attaché un bordel (supprimé sous François Ier), se féminise à la fin du XVe siècle sous l'effet de l'italianisation des mœurs et de l'acclimatation à la cour de France, par la reine Anne de Bretagne, de suites féminines nombreuses. Composées de dames nobles attachées au service des princesses, ces assemblées constituent une sorte de sérail royal. Au XVIIIe siècle, en sortant de ce cadre et en intronisant la Pompadour, une riche roturière, puis la du Barry, courtisane notoire, Louis XV provoquera l'ire de la cour.