Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
C

compagnonnage,

désigne, depuis le XVIIIe siècle, les groupements, peut-être nés au XIVe siècle, de jeunes ouvriers dans des associations en principe clandestines, les « devoirs », eux-mêmes divisés en chapelles professionnelles, les « vacations ».

Le compagnonnage, dont la principale ambition est la promotion du travail artisanal, représente un idéal de vie. Sa force réside moins dans le secret, à l'origine de sa condamnation en 1655 par la Sorbonne, que dans un esprit de corps fondé sur des valeurs de solidarité, de fraternité et d'honneur collectif, et dans sa capacité à contrôler le marché du travail.

Le secret.

• À partir du XVIe siècle, les compagnons se répartissent entre trois devoirs concurrents : les Enfants de maître Jacques - ou du Devoir (les Dévorants) -, les Enfants de Salomon - ou du Devoir de liberté (les Gavots) -, et les Enfants de maître Soubise (les Bons Drilles). Des légendes font remonter la fondation des devoirs à la construction du Temple de Jérusalem ; elles leur confèrent la légitimité de la tradition. Ces mythes nourrissent les rites d'initiation du compagnon qui entreprend son tour de France. Le vitrier Ménétra, par exemple, surnommé « Béjaune » après son apprentissage à Paris, est initié aspirant à Tours en 1758, et reçoit alors un nom symbolique, « Parisien le Bienvenu ». Puis, à mesure de son tour, il passe par deux états : compagnon reçu et compagnon fini. Il porte la canne et les couleurs, signes de reconnaissance de son devoir et de sa vacation. Membre d'une nouvelle famille, le compagnon vit en communauté à l'auberge compagnonnique, tenue par la Mère. La maison comporte un réfectoire, un dortoir et un lieu de réunion (la cayenne), dont la direction est assurée par des dignitaires. Élu capitaine à Lyon vers 1762, Ménétra dirige 62 compagnons.

Les valeurs.

• En réaction à l'individualisme, la solidarité est élevée au rang d'institution. Elle repose sur l'existence acceptée d'une hiérarchie et d'une discipline. Les activités quotidiennes s'entourent de rites, qui révèlent une sociabilité spécifique. Sous la direction du capitaine, les compagnons assistent aux cérémonies d'initiation tête nue, et ils sont placés selon leur ancienneté. Chaque cayenne dispose d'une caisse de secours alimentée par le droit d'embauche et par les amendes qui sanctionnent chaque manquement du compagnon. Ce « sabot » permet d'assurer protection et secours aux plus nécessiteux. Des fêtes, ou batteries, sont l'occasion de manifester la solidarité au sein d'un même devoir ; tandis que de véritables batailles rangées - à Lyon, en 1778, ou le long des grands chantiers ferroviaires, entre 1834 et 1845 - mettent aux prises Gavots et Dévorants, désireux de défendre l'honneur de leur propre devoir.

Le contrôle du marché du travail.

• À chaque étape de son voyage, le compagnon est attendu dans la cayenne par le rouleur qui a négocié son embauche auprès du patron (dit « singe » ou « dindon »). Si un maître est injuste, le devoir, en situation de monopole, prononce un interdit contre son atelier. En cas de solidarité patronale, la ville peut être « damnée », à l'exemple de Dijon, en 1738, par les menuisiers Gavots. Enfin, si les maîtres font appel à un autre devoir, ils déchaînent une « guerre des devoirs ». Chaque devoir désigne des champions qui s'affrontent en exécutant un chef-d'œuvre.

Après le Premier Empire, le mouvement rencontre un regain de popularité. Deux hommes tentent de l'unifier. Agricol Perdiguier (Avignonnais la Vertu), dont le Livre du compagnonnage (1839) connaît un fort retentissement, est l'artisan de la « première réconciliation », à la faveur de la révolution de 1848. Lucien Blanc (Provençal le Résolu) est à l'origine de la fondation d'une union qui tente de regrouper les trois devoirs (1889). Mais ces tentatives restent sans lendemain. En 1900, 25 000 compagnons se répartissent entre trois groupes de sociétés. Une fédération est créée sous le régime de la charte du compagnonnage du 1er mai 1941, mais elle éclate à la Libération. Aujourd'hui, trois organismes maintiennent vivantes les traditions du compagnonnage : la Féfération compagnonnique, l'Union compagnonnique et l'Association ouvrière des compagnons du devoir.

Compiègne (ordonnance de),

acte royal promulgué le 5 décembre 1360 par Jean II le Bon pour régler la question de la monnaie et celle des impôts.

De retour d'Angleterre, où il était captif, le roi cherche à se procurer l'argent nécessaire au paiement de sa rançon. En premier lieu, l'ordonnance met fin aux mutations monétaires, particulièrement nombreuses depuis le règne de Philippe IV le Bel : le nouveau système repose sur le franc or, valant une livre (soit vingt sous tournois), et sur des pièces d'argent valant un sou tournois. La livre, monnaie de compte, trouve ainsi un équivalent en monnaie réelle : le franc. La nouvelle monnaie dispose enfin d'une efficacité symbolique : son nom évoque les origines prestigieuses des rois de France, descendants présumés du Troyen Francus ; et la référence explicite à l'écu d'or du roi Saint Louis vise à renouer avec des temps de prospérité. En second lieu, l'ordonnance prévoit la généralisation de la fiscalité indirecte par l'établissement d'une taxe de 5 % sur tous les échanges et par l'extension de la gabelle à presque tout le royaume. Pour gérer la levée des aides, une administration des finances « extraordinaires » est mise en place : elle repose sur l'élu, agent nommé par le roi dans chaque diocèse pour mettre à ferme et collecter les impôts ; l'argent, centralisé ensuite à Paris, est confié à un collège de généraux trésoriers. Dans le contexte difficile qui suit la défaite de Poitiers (1356) et la Jacquerie (1358), l'ordonnance, en favorisant les seigneurs fonciers, participe, à travers l'établissement d'un véritable système financier, de la volonté royale de restaurer le prestige et la puissance de la noblesse.

comptoirs,

terme qui désigne, à partir de la fin du XVIIe siècle, les agences de commerce d'une nation en pays étranger. Les comptoirs sont l'instrument de la formation du premier Empire colonial français, dont la constitution répond essentiellement à des objectifs commerciaux.