Vichy (régime de). (suite)
Le climat change considérablement au début des années 1970. La mort du Général, l'élection de Georges Pompidou, moins porté à célébrer la geste résistante, les premiers effets de l'affaiblissement du gaullisme et du communisme contribuent à réveiller les vieux démons. La nouvelle génération, surgie des barricades de mai 68, ne se satisfait plus du discours officiel et réclame des comptes à ses aînés. Ainsi, le réveil de la mémoire juive, longtemps étouffée par le culte résistancialiste, s'opère par le biais des « fils et filles de déportés », conduits par l'avocat Serge Klarsfeld. Une série d'ouvrages historiques (dont la France de Vichy, de l'Américain Robert Paxton, 1973) ou de films, d'abord documentaires (le Chagrin et la pitié, de Marcel Ophuls, 1971), puis de fiction (Lacombe Lucien, de Louis Malle, 1974) s'emploient à laminer les mythes d'un Vichy jouant un double jeu ou d'un peuple tout entier résistant. Profitant de cette brèche, une véritable « mode rétro » envahit les écrans, les librairies ou les colloques universitaires, en même temps que Vichy, par le biais de retentissantes affaires (interview de l'ancien Commissaire général aux questions juives Darquier de Pellepoix à l'Express en 1978, début de l'affaire Papon en 1981, procès Barbie en 1987), devient un élément du débat politique. Depuis 1983, la progression du Front national contribue encore à alimenter ces réminiscences.
Cette singulière résurgence, comme l'occultation qui l'avait précédée, s'opère selon un mode sélectif. Le thème de la collaboration, obsessionnel à la Libération, tend à reculer devant la redécouverte du génocide des juifs : dans la mémoire collective, Auschwitz (camp d'extermination des juifs) supplante Buchenwald (camp de concentration pour les résistants) comme symbole du Mal. Ce « retour du refoulé » (Henry Rousso) s'accompagne d'anachronismes qui ne contribuent pas à éclairer le débat politique. Ainsi, une partie de la gauche mène, contre le Front national, le combat de l'antiracisme, assimilé à un « antifascisme » rien moins que nostalgique. Les attaques que subit la mémoire de la Résistance (ainsi, Jean Moulin), au nom d'un anticommunisme revisité à la lumière de la chute du mur de Berlin, manifestent le même anachronisme. Quant aux interférences entre « devoir de mémoire », logique judiciaire, analyse historique et arrière-pensées politiques, elles conduisent à l'enlisement, puis, en 1998, au singulier verdict du procès Papon.
L'ombre de Vichy, toujours présente dans la mémoire collective comme dans le débat politique, souligne la profondeur du traumatisme infligé au peuple français par la défaite de 1940, l'Occupation et la Collaboration.