Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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Charles II le Chauve, (suite)

À la mort de Louis le Pieux, en 840, Lothaire tente de rétablir l'Empire à son seul profit. Unis dans l'adversité, Louis le Germanique et Charles le Chauve l'emportent sur leur frère, à Fontenoy-en-Puisaye, en 841. Leur alliance est renforcée à Strasbourg, le 14 février 842, par des « serments » très solennels que prononcent les deux rois et leurs troupes. Le 8 août 843, le traité de Verdun clôt des mois de négociations entre les trois frères. Cette « charte territoriale de l'Europe », selon les termes de l'historien Louis Halphen, consacre l'existence de trois lots indépendants, Lothaire conservant, en outre, le titre d'empereur. Charles le Chauve est donc roi, l'année de ses 20 ans, d'une France occidentale limitée au nord par l'Escaut, et à l'est par la Meuse, la Saône et le Rhône, dont la frontière s'écarte vers l'ouest.

Un royaume fragile.

• Même si, en principe, un « régime de fraternité » unit les trois rois, en réalité chacun affronte seul les difficultés locales. Charles est aux prises avec Pépin II, auquel il doit céder l'Aquitaine moyennant une promesse de fidélité, en 845, avant que la capture de ce dernier, en 852, mette fin au conflit. Les Bretons, conduits par Nominoë, puis par Erispoë, se livrent à d'incessantes incursions, à partir de 845. Enfin, les Normands attaquent la Bretagne et l'Aquitaine, puis pillent Paris, dont la défense est alors confiée à Robert le Fort, ancêtre des Capétiens.

La difficile succession de Lothaire, entre 855 et 858, permet à Louis le Germanique d'envahir le royaume de Charles en 858. Ce dernier est sauvé par l'intervention de l'archevêque de Reims, Hincmar. Finalement, les deux frères s'entendent pour attaquer la Lotharingie, qu'ils se partagent, en 870, au traité de Meersen. Affaibli par les révoltes régionales, redevable de son royaume à l'Église, Charles le Chauve doit aussi faire aux grands des concessions, dont la dernière, le capitulaire de Quierzy-sur-Oise, reconnaît, en 877, l'hérédité des charges.

En réalité, le haut clergé et la papauté se posent en arbitres de l'Occident, faisant et défaisant rois et empereurs. Ainsi, en 875, le pape Jean VIII fait appel à Charles le Chauve pour prendre la succession impériale. Mais le nouvel empereur manque de moyens pour restaurer l'Empire. Allant et venant entre l'Italie et la France, il tente, en vain, de s'emparer de la Lotharingie, réagit trop lentement aux appels du pape contre les Sarrasins, et se trouve pris en étau entre les exigences des grands, du pape et des héritiers carolingiens. Il meurt, en 877, au Mont-Cenis, laissant deux fils incapables de gouverner.

Charles III le Gros,

empereur de 881 à 887, roi des Francs de 884 à 887 (839 - Reichenau 888).

Fils de Louis le Germanique, Charles le Gros devient roi d'Alémanie, d'Alsace et de Souabe, à la mort de son père en 876. Alors que, depuis la mort de Charles le Chauve, en 877, tous les Carolingiens se dérobent devant les propositions impériales du pape Jean VIII, Charles le Gros accepte la couronne en 881. Maître de toute la France orientale après la mort de ses frères Carloman et Louis le Jeune, respectivement, en 880 et 882, il ne dispose pas, cependant, d'un pouvoir solide. C'est pourtant à lui, dernier héritier carolingien, que font appel les grands de France occidentale, à la mort du roi Carloman, en 884. Mais, lorsque, en 885 et 886, les Normands assiègent de nouveau Paris, dont les habitants attendent l'aide de Charles le Gros, celui-ci se montre incapable de secourir la ville, et « achète » le départ des envahisseurs, qui s'en vont ravager la Bourgogne. Le mérite de la défense de Paris revient à Eudes, fils de Robert le Fort, ancêtre des Capétiens.

Abandonné des grands en France occidentale, Charles le Gros perd aussi tout crédit en France orientale, où un bâtard carolingien, Arnulf, est élu roi. En décembre 887, il renonce de lui-même au titre impérial. Il meurt en 888. Il aura fallu un concours de circonstances pour que Charles le Gros devienne, à la fois, empereur, roi de France occidentale et roi de France orientale, réalisant ainsi une ultime et éphémère union du monde franc.

Charles III le Simple,

roi des Francs de 893 à 923 (879 - Péronne 929).

Fils posthume du roi carolingien Louis II le Bègue, Charles est écarté de la succession de son père, au profit de ses frères Louis III et Carloman. Trop jeune à la mort de ces derniers, il ne peut non plus succéder à Charles le Gros, en 888. C'est Eudes, comte de Paris, défenseur de la ville contre les Normands, qui est élu roi par les grands de Neustrie. Mais sa position s'affaiblit lorsque l'archevêque Foulques de Reims parvient à sacrer le jeune Charles, en janvier 893. Pendant plusieurs années, les grands peuvent asseoir leur puissance en jouant de la rivalité des deux rois dont les forces sont absorbées par la lutte pour l'autorité, jusqu'à ce qu'un accord soit trouvé, en 897 : Eudes reste roi jusqu'à sa mort, et désigne Charles comme son successeur. En 898, Charles succède donc à Eudes, dans ce qui apparaît comme une restauration miraculeuse de l'ordre carolingien.

Avec le soutien des archevêques de Reims Foulques, puis Hervé, Charles exerce l'autorité royale au nord de la Seine ; mais une autorité toute théorique, puisque le pouvoir est aux mains des marquis et des comtes. Impuissant en Neustrie, Charles tente d'imposer son pouvoir en Lotharingie, berceau des Carolingiens, qu'il conquiert en 911, à la mort du dernier roi de Lorraine, Louis l'Enfant. Cette même année, le traité de Saint-Clair-sur-Epte met un terme aux incursions des Normands dans la vallée de la Seine.

L'équilibre précaire atteint par Charles et les grands est rompu en 920, lorsque le roi tente de s'appuyer sur son propre réseau de fidèles pour s'opposer aux comtes et aux marquis. Il n'aboutit qu'à multiplier ses ennemis, car les vassaux de l'Église de Reims prennent parti pour Robert, frère d'Eudes, en 921. L'année suivante, Robert est élu roi, et sacré à Reims. Destitué, Charles s'obstine, et remporte, en 923, l'éphémère victoire de Soissons, au cours de laquelle périt Robert. Mais il est fait prisonnier peu après par Herbert II de Vermandois, qui le maintient en captivité jusqu'à sa mort. Trois semaines après la mort de Robert, les grands élisent pour roi Raoul de Bourgogne.