Louis XIV (suite)
Cette préparation marqua les premières années du gouvernement personnel. Hugues de Lionne fut chargé de mener des négociations dans toute l'Europe, pour nouer des relations solides et signer des traités qui donneraient des alliés à la France en cas de conflit. Le Tellier eut la charge de réorganiser les armées, et son fils Louvois réussit à en augmenter la taille sans en compromettre la discipline ou la cohérence. Enfin, Colbert parvint à doter la France, pays sans véritable tradition maritime, d'une flotte de guerre capable de rivaliser avec celles de l'Angleterre et des Provinces-Unies.
Parallèlement, Louis XIV entretint la tension politique en Europe en utilisant des incidents diplomatiques à l'étranger pour obtenir des réparations et affirmer ainsi sa prépondérance. Dans la hiérarchie symbolique des rois, il occupait la première place, juste après l'empereur. À la mort de son beau-père, le roi d'Espagne, il mit en avant les droits de la reine Marie-Thérèse, qui, pourtant, s'était engagée à renoncer à toute prétention à l'égard de l'Espagne. Des juristes utilisèrent comme argument un droit des Pays-Bas espagnols, le droit de dévolution, et ce fut un prétexte à la guerre. Celle-ci fut facile, mais elle inquiéta l'Angleterre et les Provinces-Unies, qui menacèrent d'intervenir, ce qui conduisit Louis XIV à mettre fin à ces opérations militaires, tout en obtenant de belles villes dans le Nord, prises à l'Espagne, comme Lille et Douai.
Mais ce n'était qu'une paix temporaire. Louis XIV avait compris qu'il lui fallait encore trouver d'autres alliances, ainsi celle qui fut négociée secrètement en 1670 avec le roi d'Angleterre, Charles II. Cette fois, l'ennemie choisie fut la Hollande, qui avait osé arrêter la course du conquérant. La guerre débuta en 1672, et les victoires furent éclatantes : le territoire hollandais fut envahi. Mais une révolution politique amena au pouvoir, à La Haye, Guillaume d'Orange, qui, désormais, allait se dresser en permanence face à Louis XIV. Le roi d'Angleterre fut contraint de se retirer du conflit, tant son alliance avec le Roi Très-Chrétien semblait suspecte aux Anglais. À son tour, l'empereur entra en guerre contre le roi de France. Néanmoins, les généraux de Louis XIV connurent de beaux succès : en particulier celui de Turenne à Turckheim, en 1675. La marine royale, commandée par Duquesne, remporta aussi d'éclatantes victoires face à la redoutable flotte hollandaise. La paix signée à Nimègue en 1678 entérinait de nouvelles conquêtes, au Nord avec Cambrai, Valenciennes et Maubeuge, et l'acquisition de la Franche-Comté. La politique royale trouvait sa cohérence en repoussant la frontière nord loin de Paris et en la rendant plus linéaire, par l'abandon des enclaves en territoire étranger. L'ingénieur Vauban fut chargé de construire ou de reconstruire des forteresses sur tout le pourtour du royaume, afin d'établir cette « ceinture de fer » qui devait assurer la défense de la capitale et garantir le territoire français de toute incursion ennemie.
Les réformes intérieures.
• Celles-ci ne furent pas négligées, l'ordre public venant aussi au premier rang des préoccupations royales. Louis XIV avait vécu les troubles de la Fronde et il travailla à en empêcher le retour. Il contraignit sa famille proche à la plus stricte obéissance. Il surveilla la noblesse, longtemps indocile et querelleuse. Des poursuites furent ainsi engagées contre des petits tyrans locaux par des juridictions spéciales, telles que les Grands Jours d'Auvergne en 1665-1666 ; des recherches furent lancées, pour découvrir, à des fins fiscales aussi, les usurpateurs de titre nobiliaire. Il y eut encore quelques tentatives de conspiration, surtout au moment des guerres, mais elles furent facilement dévoilées. Rappelé à l'ordre dès 1655, le parlement de Paris se vit interdire en 1673 les remontrances avant enregistrement, ce qui conduisit les parlementaires parisiens à ne plus opiner sur les décisions royales et à se contenter de leur rôle judiciaire. À Paris, la charge de lieutenant général de police fut créée, dans le même souci d'assurer l'ordre, tout en améliorant la vie quotidienne dans la capitale. Gabriel de La Reynie, premier titulaire de cette charge, acquit l'estime générale. Il y eut encore quelques révoltes, liées à des résistances face à l'impôt : ainsi la guerre du Lustucru dans le Boulonnais (1662), ou la révolte du Papier timbré en Bretagne (1675). Néanmoins, elles cessèrent après 1680, et la France donna une fois de plus l'image d'une société soumise à l'autorité royale.
Grâce à cette relative tranquillité intérieure et à la ténacité de Louis XIV et de ses ministres, le gouvernement put engager d'importantes réformes pour uniformiser et adapter le droit français, dans le sillage des efforts accomplis en ce sens par la monarchie depuis le début du XVIe siècle. Ce fut une œuvre de longue haleine qui aboutit à la publication de grandes ordonnances, sur la procédure civile (1667), la procédure pénale (1670), les eaux et forêts (1669), le commerce (1673), la marine (1681) et les colonies (1685). Cet édifice législatif n'était pas d'inspiration libérale : au contraire, il renforçait les contrôles ; mais il avait l'avantage de clarifier la situation et d'éviter les obscurités qui étaient souvent facteurs d'arbitraire.
Très ambitieux aussi fut l'encouragement à l'activité économique. Colbert s'efforça de favoriser la création de manufactures pouvant confectionner des objets de qualité en grande quantité. Il s'agissait de limiter les importations de produits fabriqués à l'étranger, d'autant plus que le déficit de la balance des paiements était financé en métal précieux, qui, selon les idées du temps, constituait la richesse d'une nation. Des manufactures fourniraient ainsi le roi et la cour : pour les tapisseries et les meubles, les Gobelins ; pour les glaces, Saint-Gobain. Cependant, le succès de cette politique demeura globalement limité, tout comme celui des compagnies de commerce qui visaient à imiter la Compagnie hollandaise des Indes, dont les profits étaient fabuleux. Nombre de ces entreprises échouèrent, mais la Compagnie française des Indes orientales réussit à survivre, malgré bien des difficultés. Il faut signaler, dans cet esprit, les initiatives prises pour étendre, peupler et organiser les terres lointaines de la Nouvelle-France en Amérique du Nord. En 1682, Cavelier de La Salle descendit le Mississippi et donna le nom du roi - Louisiane - à ces nouvelles terres.