Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
I

Invalides (Hôtel des),

institution fondée par Louis XIV et édifice destiné à abriter les anciens soldats mutilés et les infirmes de guerre.

Les incessantes campagnes militaires menées par le Roi-Soleil et le renforcement des effectifs de l'armée posent avec acuité le problème des invalides. Ces derniers étaient traditionnellement accueillis dans les monastères et dotés d'une pension royale, mais leur adaptation à la vie monacale n'allait pas sans difficulté. Par ailleurs, à partir du milieu du XVIIe siècle, les hôpitaux généraux, remplis à la suite de la politique d'enfermement des mendiants et des déviants, ne peuvent plus accueillir les vieux soldats. Reprenant un projet de Louis XIII, Louis XIV ordonne, le 24 février 1670, que la moitié des pensions versées aux abbayes sera désormais attribuée aux pensionnaires d'un Hôtel royal des Invalides, dont il annonce la construction. Des locaux provisoires sont mis en place cette même année, rue du Cherche-Midi, puis l'institution s'installe dans le bâtiment achevé, en octobre 1674. Son architecte principal, Libéral Bruant, auteur de l'hospice de la Salpêtrière, a établi sur 10 hectares un plan en grille qui rappelle le palais-monastère de l'Escorial. Les vastes cours à arcades permettent les exercices militaires. La chapelle des soldats est doublée d'une monumentale chapelle royale (peut-être Louis XIV voulait-il en faire un mausolée dynastique), dont la réalisation, confiée en 1676 à Jules Hardouin-Mansart, ne s'achèvera qu'en 1706 ; les lignes verticales, fortement accentuées par les colonnes de la façade, ainsi que la forme de croix grecque cantonnée de chapelles circulaires, mettent en valeur l'élévation du dôme, orné d'une fresque de Charles de La Fosse représentant Saint Louis, dédicataire de la chapelle, offrant ses armes au Christ.

L'Hôtel des Invalides abritait 4 000 pensionnaires, officiers ou soldats, admis après dix ans de service (vingt ans à partir de 1710), ou à cause de leurs blessures, et répartis en chambrées de 4 à 6 lits, un confort appréciable, comparé aux dortoirs des hôpitaux. 300 lits individuels sont mis à disposition des malades, sur lesquels veillent un médecin, un chirurgien, un apothicaire et trente-sept Filles de la Charité. La chapelle est desservie par les lazaristes de Saint-Vincent-de-Paul : à ce titre, l'institution est fidèle à la Réforme catholique, soucieuse de l'ordre social et du salut des âmes. Installés dans l'Hôtel, des ateliers de manufactures de vêtements, bas et souliers, mais aussi d'allumettes, de tapisseries et même de calligraphie et d'enluminure renommés emploient une grande partie des soldats. Sévère image de pierre aux portes de Paris qui mêle la gloire des armes et des arts, et les honneurs dus aux bons serviteurs, les Invalides furent considérés par Louis XIV lui-même comme « la plus grande pensée de [son] règne ».

invasions barbares

On continue de parler en France d'« invasions barbares » pour qualifier ce que les historiens allemands appellent plutôt la Völkerwanderung, la « migration des peuples ».

Derrière cette différence d'appellation se cache un débat historiographique sur la nature d'un phénomène multiséculaire, qui connut sa phase la plus décisive au cours du Ve siècle, et dont on pense généralement qu'il aboutit à la disparition de l'Empire romain d'Occident et qu'il joua un rôle capital dans le passage du monde antique au monde médiéval. Plus précisément, l'installation des peuples barbares en Gaule ou, d'une manière plus générale, dans les contrées occidentales de l'Empire romain, fut-elle le résultat d'invasions - avec tout ce que le mot implique de brutalité - ou de mouvements migratoires diffus et comme insaisissables ? L'Empire romain fut-il une victime passive ou ne joua-t-il pas un rôle actif dans la distribution de ces peuples sur le sol gaulois ? Et, par-delà la déposition en 476 du dernier empereur d'Occident et la mise en place de ces royaumes qu'on appelle traditionnellement « barbares », la Gaule tourna-t-elle définitivement le dos à la romanité pour se donner pieds et poings liés à ses nouveaux maîtres germaniques, ou continua-t-elle de bénéficier de l'héritage structurel de l'Empire ?

De part et d'autre du Rhin : romanité et barbarie

Par sa position même, la Gaule a été, de tout temps, exposée à la menace des Barbares de l'Est ou du Nord. Dès la fin du IIe siècle avant J.-C., soit bien avant la conquête de César, elle avait été entièrement traversée par les Cimbres et les Teutons, venus du lointain Jutland. Quand la Gaule eut été intégrée à l'Empire et que les Romains eurent éprouvé leur incapacité à maîtriser la Germanie transrhénane, la frontière - ou limes - du Rhin fut mise en défense. Ce fut surtout l'affaire des empereurs flaviens et antonins. D'une part, ils complétèrent le dispositif de colonies (Cologne et Trèves) et de garnisons (Xanten, Mayence, Strasbourg...) mis en place par leurs prédécesseurs pour dresser un système de fortifications continues jalonné par des forts et des tours de guet ; d'autre part, entre la fin du Ier et le milieu du IIIe siècle, ils transformèrent, pour un temps, l'entonnoir constitué par les hautes vallées du Rhin et du Danube en un glacis défensif : les « champs Décumates », eux aussi protégés par une ligne fortifiée étirée de Mayence à Ratisbonne. Quand, plus tard, au tournant du IIIe et du IVe siècle, il apparut que le danger barbare pouvait venir de la mer, les côtes de la Manche furent à leur tour intégrées dans les dispositifs de défense du Tractus Armoricanus et du Litus Saxonicum, en fait un quadrillage assez lâche de fortifications littorales.

Le caractère militaire de la frontière ne doit cependant pas laisser à penser que les contacts ne furent que belliqueux entre le puissant Empire et ses voisins barbares. Les découvertes archéologiques faites dans l'Europe moyenne et en Scandinavie, riches des produits de l'artisanat romain (on pense par exemple à ces éléments de vaisselle de bronze - patères, cruches ou autres godets - retrouvés en grand nombre dans les plaines littorales et le long des axes fluviaux de la Germanie profonde), attestent la vitalité des échanges commerciaux entre les deux côtés du limes, aux Ier-IIIe siècles. Et Tacite lui-même parle de ces Hermondures - Germains de la haute vallée du Danube -, au demeurant « fidèles alliés de Rome », qui venaient commercer jusqu'à l'intérieur des frontières de l'Empire.