Fronde (suite)
Le 13 septembre, la reine s'installa avec la cour au château de Rueil, près de Paris. Elle était contrainte à la discussion, et, en octobre, une déclaration royale entérina tous les articles de la Chambre Saint-Louis. Une véritable monarchie limitée était instituée, en théorie. Le roi rentrait dans Paris. Paradoxalement, au même moment furent signés les traités de Westphalie qui mettaient fin à la guerre dans le Saint Empire (24 octobre 1648). La France allait obtenir une présence en Alsace et le droit de veiller aux « libertés germaniques ». C'était donc un succès pour la politique menée depuis le temps de Richelieu. Ces accords historiques passèrent pourtant inaperçus en France. Pire, il fut reproché à Mazarin de vouloir à tout prix poursuivre la guerre pour se maintenir au pouvoir, et d'avoir contribué à empêcher la signature de la paix avec Madrid. Mazarin était la cible de toutes les critiques. Il avait voulu jouer de toutes les forces antagonistes, et en particulier effrayer les traitants en montrant l'hostilité des parlementaires au système fiscal et financier. Ce qui était primordial à ses yeux, c'était de trouver des moyens pour financer et achever la guerre contre l'Espagne. La personnalité même du cardinal était mise en cause : c'était un étranger, et donc un bouc émissaire commode face à la somme de mécontentements accumulée au cours des années. Néanmoins, Mazarin disposait alors d'un soutien de poids en la personne du prince de Condé.
La première guerre de la Fronde
Après avoir cédé en août à la colère populaire, la régente et Mazarin firent venir des mercenaires de l'armée de Condé dans les environs de Paris. Puis la cour, après avoir feint de fêter les Rois, quitta la capitale dans la nuit du 5 au 6 janvier 1649, pour s'installer à Saint-Germain-en-Laye. Condé organisa alors le blocus de Paris avec 8 000 à 10 000 hommes. Conti, qui avait quitté la cour, fut déclaré généralissime des troupes de la Fronde, tandis que d'autres gentilshommes offraient leurs services : des princes et des seigneurs s'engageaient donc aux côtés des parlementaires. Des combats se déroulèrent aux portes de Paris, notamment à Charenton, le 8 février 1649, entre les troupes royales et celles des frondeurs qui tentaient de ravitailler la cité. Les soldats du roi ravagèrent le sud de la capitale.
Entre-temps, Mazarin avait été déclaré « ennemi du roi et de son état » et perturbateur du repos public par les frondeurs, qui reçurent l'appui de la Normandie et de nombreuses provinces, ainsi que le ralliement de Turenne, tout auréolé de ses victoires en Allemagne. Les rebelles négociaient même avec l'Espagne, mais les parlementaires modérés furent bientôt épouvantés par la décapitation de Charles Ier d'Angleterre, le 30 janvier 1649. Les Français prirent conscience que le soulèvement en Angleterre avait conduit à la mort d'un roi et à la disparition de la monarchie. La Fronde ne risquait-elle pas d'aboutir à ces extrémités ?
Les affrontements armés se doublèrent d'une intense guerre de libelles contre Mazarin. Par la suite, ces textes - plus de 5 000 recensés - furent appelés « mazarinades », d'après le titre la Mazarinade, de Scarron (1651). On reprochait pêle-mêle à Mazarin son origine étrangère, son pouvoir sur le roi et ses liens avec Anne d'Autriche, les impôts qu'il avait créés, son goût du luxe et de l'opéra italien, son enrichissement : il était l'« abbé à vingt chapitres », le « seigneur à mille titres ». Les écrivains s'étaient mis au service des princes, des parlementaires ou de Gondi, et les imprimeurs parisiens travaillèrent à plein régime pendant cinq ans.
Le peuple de Paris pourtant était las du blocus. Des négociations aboutirent à un premier accord, la paix de Rueil (11 mars 1649). La prépondérance de Condé dans le gouvernement devenait éclatante, tandis que l'ordre était rétabli en province avec brutalité.
Cet apaisement fut de courte durée, car une rupture advint entre Condé, qui aspirait au pouvoir politique, et Mazarin. Ce dernier isola le prince en s'alliant avec les vieux frondeurs, que Condé accusait d'avoir fomenté un attentat contre lui. Le cardinal voulut montrer sa force en le faisant arrêter, ainsi que son frère le prince de Conti et son beau-frère le duc de Longueville (18 janvier 1650). Ce coup de force provoqua au contraire un regain de mécontentement, et envenima la situation. Turenne resta fidèle à Condé, et fut proscrit. Il signa alors une alliance avec les Espagnols.
L'union des Frondes
Les troupes royales partirent donc à la reconquête des provinces soulevées par les princes et leurs fidèles. Des campagnes furent menées en Normandie, en Bourgogne et en Guyenne, et la cour sillonna le royaume. C'était aussi une façon de montrer la personne du roi, ainsi que l'avait fait Catherine de Médicis pour Charles IX et Marie de Médicis pour Louis XIII. À la fin de l'année 1650, Turenne fut battu à Sommepy (15 décembre). Sa déroute arrêta les Espagnols, qui avaient pénétré sur le territoire.
Le conflit politique cependant demeurait. Gondi, qui n'avait pu obtenir de Mazarin la nomination au cardinalat, entraîna la « vieille Fronde » aux côtés des princes, et demanda le départ du Premier ministre. Mazarin choisit de partir dans la nuit du 6 au 7 février 1651. Il passa par Le Havre, où les princes avaient été finalement emprisonnés, et les libéra. Les Parisiens se rendirent au Palais-Royal dans la nuit du 9 au 10 février 1651, pour voir si le petit roi y demeurait toujours et s'il n'allait pas lui aussi quitter la capitale. La reine mère demanda alors à Louis XIV de se coucher tout habillé et de feindre le sommeil : une humiliation du pouvoir royal qui devait laisser un souvenir pénible au jeune souverain. La famille royale se trouvait prisonnière dans Paris. Quant à Mazarin, il se réfugia à Brühl, sur les terres de son ami l'Électeur de Cologne, tout en continuant à diriger de loin les actes de la régente, même si celle-ci prit peut-être alors quelque distance à l'égard de son conseiller.
Dès février 1651, des assemblées informelles de gentilshommes se réunirent à Paris, demandant la tenue d'états généraux. Ces derniers devaient se tenir en septembre à Tours, et des cahiers de doléances furent rédigés. Une fois encore fut exprimé le souhait d'« une monarchie contrôlée par les états, dépourvue de fiscalité centralisée, laissant donc la réalité du pouvoir aux instances locales, un peu les cours de justice, surtout les villes et la noblesse » (Yves-Marie Bercé). Mais, parmi les chefs de la Fronde, ou à la cour, nul ne souhaitait cette réunion des états.