Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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Idéologues,

membres d'un mouvement philosophique et politique sous la Révolution et l'Empire.

La pensée des Idéologues s'inscrit dans la tradition philosophique des Lumières : rationalistes, matérialistes, attachés à la démarche analytique et à l'esprit scientifique, ils partagent avec d'autres, en ce XVIIIe siècle finissant, la certitude de la perfectibilité du genre humain. Rompant avec toute métaphysique, ils s'efforcent d'élaborer une science de l'homme qui rende compte du fonctionnement de l'esprit : l'idéologie désigne, précisément, selon Destutt de Tracy, « la connaissance de la génération de nos idées ». S'inspirant du sensualisme de Condillac, ils accordent une place essentielle à la sensibilité, fondement premier de la construction intellectuelle.

Mais les Idéologues se caractérisent surtout par une philosophie de l'action qui place l'institution scolaire au cœur d'un projet de régénération politique et sociale. De ce point de vue, ils constituent un groupe d'influence dont l'autorité culmine entre l'an III (1794-1795) et l'an X (1801-1802) : des hommes tels que Garat, Volney, Cabanis, Daunou, Lakanal, Ginguené ou Rœderer occupent alors, dans les Assemblées révolutionnaires ou dans différentes commissions, des postes importants. Fidèles aux intérêts de la jeune République, soucieux d'en diffuser et d'en affermir les principes, ils concentrent leurs efforts sur la création d'établissements d'enseignement et de recherche. L'École polytechnique, l'École normale, les Écoles de santé, l'Institut de France, les écoles centrales départementales, leur sont dus, en grande partie. Encyclopédique et scientifique (au sens où la science est une démarche fondée sur la méthode analytique), leur conception de l'enseignement est aussi très élitiste : au niveau secondaire comme au niveau supérieur, l'école républicaine doit former les futurs législateurs selon les principes qu'impose la raison. Ceux-ci pourront ainsi édicter des lois justes, qui sont les conditions d'une transformation des mœurs et d'une régénération en profondeur de la société.

L'activisme politique et réformateur des Idéologues est soutenu par une revue, la Décade philosophique, véritable organe du groupe, et dont la première parution remonte à floréal an II (avril-mai 1794). Le corps de doctrines, quant à lui, est formulé par Destutt de Tracy dans ses trois principaux ouvrages, Éléments d'idéologie (1801), la Grammaire (1803), la Logique (1805), et par Georges Cabanis dans Rapports du physique et du moral de l'homme (1802). À cette époque, les Idéologues, honorés individuellement par Bonaparte, sont pourtant tenus à l'écart des décisions politiques de première importance. En tant que groupe de pensée, ils perdent alors l'influence qu'ils avaient acquise. Décriés ou honnis par les nouveaux mouvements philosophiques à partir de la Restauration (notamment l'éclectisme de Victor Cousin), ils sont peu à peu oubliés. Pourtant, par leur œuvre et par leur action, ils ont réalisé une synthèse révolutionnaire de l'esprit des Lumières.

Iéna (bataille d'),

victoire de Napoléon Ier sur l'armée prussienne pendant la campagne de 1806, le 14 octobre.

Après les succès français de 1805, la quatrième coalition - formée par l'Angleterre, la Prusse, la Saxe et la Russie - reprend l'initiative de la guerre. Répondant par l'offensive, Napoléon décide de s'attaquer d'abord à la Prusse. Il rassemble ses troupes cantonnées en Allemagne et les lance en direction de Berlin.

Les premiers engagements, à l'avantage des Français, ont lieu dans le sud de la Saxe. Les 11 et 12 octobre, les Prussiens sont contraints de se replier. Leur commandant en chef, le duc de Brunswick, laisse un détachement à Iéna pour couvrir sa retraite en direction de Magdeburg. Le 13 octobre, les forces prussiennes sont donc divisées : le gros de l'armée est stationné à Auerstedt, sous le commandement de Brunswick et de Möllendorf, tandis que les troupes du prince de Hohenlohe se trouvent à Iéna. Napoléon, qui ne connaît pas exactement l'état du dispositif ennemi, envoie Davout à la rencontre de Brunswick, tandis que lui-même prend la direction des opérations à Iéna. Le matin du 14 octobre, la double bataille de Iéna-Auerstedt s'engage. Les forces de Lannes, Murat, Ney, Soult et Augereau balaient la résistance de Hohenlohe : 15 000 Prussiens et Saxons sont faits prisonniers ; le reste de l'armée fuit vers Erfurt. Pendant ce temps, Davout réussit à regrouper ses forces et à repousser les Prussiens ; Brunswick et Möllendorf sont tués. Dans leur retraite, les rescapés de l'armée de Iéna rejoignent ceux de Auerstedt. S'engage alors une course-poursuite à l'issue de laquelle Napoléon défait totalement l'armée prussienne ; il entre à Potsdam le 25 octobre.

Illustration (l'),

hebdomadaire créé en 1843 par Alexandre Paulin, Édouard Charton et Adolphe Joanne, à l'imitation de l'Illustrated London News.

Se donnant pour seul credo la passion de la vérité, ce « vaste annuaire », premier journal illustré français d'information, enregistre « à leurs dates, tous les faits de l'histoire contemporaine [...] : événements politiques, cérémonies publiques, grandes fêtes nationales, désastres fameux, bruits de la ville, morts illustres, biographies contemporaines, représentations théâtrales, découvertes utiles, expositions des arts et de l'industrie, publications nouvelles, faits glorieux de l'armée, types, scènes populaires ». La rédaction de ce journal républicain défend un point de vue issu à la fois du libéralisme industriel et de l'idéalisme saint-simonien. Par sa diffusion, l'image doit améliorer et élargir le savoir commun, par sa qualité, elle doit établir et promouvoir l'« âge d'or » bourgeois.

L'Illustration, qui est aussi représentative de l'histoire de l'imprimerie et de la presse, emploie des techniques de pointe : la gravure sur bois debout, déjà utilisée par le Magasin pittoresque (1833-1938), publié par Charton, permet une reproduction précise, avant d'être remplacée par les fac-similés en cuivre ou en pierre. La gravure s'effectue aussi grâce au daguerréotype dès 1848, à la photographie le 19 avril 1856, enfin, à partir de l' instantané en 1890. Le « premier essai d'électrotypie, destinée à remplacer l'impression lithographique, permet une « gravure en dix minutes », avant l'apparition de la photogravure (photographie en noir et blanc le 31 mai 1890, en couleurs en 1907). Néanmoins, le reportage dessiné, principalement en noir, domine jusqu'en 1920 : son romantisme dramatique plaît davantage aux lecteurs. Les reportages historiques (révolution de 1848, guerres de Crimée, de 1870 et de 1914) font doubler les tirages et exigent l'emploi de correspondants particuliers (Gavarni, Guys en 1848, Lançon et Gaildrau en 1870) et de dessinateurs-graveurs qui recopient des clichés dans leur atelier (Gustave Doré). Les artistes collaborant à l'Illustration figurent parmi les plus célèbres du siècle : Daumier, Grandville, Daubigny, Bertall, Cham, Valentin, Janet Lange, Detaille, Bayard, Bracquemond, Andrieux, Forest, Régamey, Caran d'Ache. Ils mettent en valeur des textes souvent non signés et permettent de tirer à part les feuilletons littéraires.