aides (Chambre des),
instance judiciaire qui, à la différence de la Chambre des comptes, en charge des affaires du domaine et des finances ordinaires de la monarchie, traite du contentieux relatif à l'assiette et au prélèvement de l'impôt, défini au Moyen Âge, en dépit de sa permanence croissante, comme une ressource extraordinaire.
Le nom de cette institution dérive du terme d'« aide », emprunté au vocabulaire féodal, qui désigne dès le XIIIe siècle, mais surtout à partir du XIVe, une imposition indirecte prélevée, pour la défense du royaume, sur la circulation et la vente de certaines denrées, telles que le vin, les alcools et les textiles ; sa compétence s'étend également aux impôts directs tels que la taille ou le fouage.
La Chambre des aides est née de la spécialisation judiciaire des neuf généraux des aides, nommés par les états généraux de 1355 pour administrer les subsides consentis à la monarchie. Constituée en une véritable cour en 1389, supprimée par le parti bourguignon en 1418, rétablie, puis divisée en deux organes concurrents (Paris et Poitiers) au temps de l'occupation anglaise, elle ne s'est imposée qu'après 1438. Elle est alors organisée autour de deux juridictions, Paris et Montpellier, puis d'une troisième, installée à Rouen après la reconquête de la Normandie. La Chambre des aides juge en appel des tribunaux ordinaires du système fiscal et revêt pour la monarchie, à la fin du Moyen Âge et durant tout l'Ancien Régime, un rôle essentiel de conseil en matière de finances.
Aigues-Mortes (massacre d'),
tuerie perpétrée contre des travailleurs immigrés des salines de Camargue, les 16 et 17 août 1893.
Le bruit courant que trois Français auraient été tués, les ouvriers saisonniers se lancent deux jours durant dans une « chasse aux Italiens » extrêmement violente. Le bilan officiel fait état de sept morts - cinquante selon le Times -, auxquels s'ajoutent des dizaines de blessés. Seule l'intervention de la troupe ramène le calme et permet le départ des Transalpins, dont les émeutiers ont obtenu le licenciement massif. Arrêtés quelque peu au hasard, jugés à Angoulême, loin des lieux du drame, dix-sept prévenus sont acquittés par un jury sensible à la xénophobie ambiante, mais refusant aussi de les rendre seuls responsables d'une violence collective.
Ce massacre est le plus grave de toute une série d'événements à relents xénophobes, des « vêpres marseillaises » de 1881 aux agressions qui suivirent l'assassinat de Sadi Carnot, en 1887, par l'anarchiste italien Caserio. Il réveille la gallophobie en Italie, y accélérant la détérioration des relations diplomatiques avec Paris. Il s'explique cependant moins par la situation internationale et l'hostilité envers un pays allié de l'Allemagne que par la crise économique et le ressentiment envers des étrangers acceptant des salaires trop bas, Italiens au Sud, Belges au Nord. Enfin, le fait que des agresseurs arborent le drapeau rouge, conspuent l'armée en invoquant la répression de Fourmies (1er mai 1891) ou se réclament de l'anarchie montre les ambiguïtés d'un mouvement ouvrier alors en cours d'organisation, et sa perméabilité au nationalisme.
Aiguillon (Emmanuel Armand de Vignerot du Plessis de Richelieu, duc d'),
homme d'État (Paris 1720 - id. 1788).
Fils d'Armand Louis de Vignerot du Plessis de Richelieu et d'Anne de Crussol d'Uzès, arrière-petit-neveu du cardinal Richelieu, il entre en mai 1738 au service du roi comme lieutenant en second et participe, dès 1740, à la guerre de la Succession d'Autriche. Sur le front italien, il se distingue par sa bravoure. À la mort de son père, le 31 janvier 1750, il devient duc et pair de France. En 1753, il achète la charge impopulaire de commandant en chef de la Bretagne. En 1758, il sauve ce pays d'états d'une invasion anglaise à Saint-Cast. Pourtant, les faveurs que lui témoignent Louis XV et la comtesse du Barry, ainsi que son souci de lever les droits de ferme (1764) exaspèrent les états de Bretagne. La Chalotais, qui en est le procureur général, se fait le porte-parole zélé de ces mécontentements. En 1764, le commandant en chef de la Bretagne est traduit devant le parlement de Rennes pour abus de pouvoir. Louis XV réplique en faisant emprisonner La Chalotais. En représailles, et par solidarité avec le parlement de Rennes, le parlement de Paris s'insurge et déchoit le duc de ses charges. Tous les parlements, ou presque, suivent progressivement l'exemple de Paris. En 1770, Louis XV clôt l'affaire : La Chalotais réintègre ses fonctions, et le procès dirigé contre d'Aiguillon est arrêté.
Après la disgrâce de Choiseul, d'Aiguillon forme, en 1771, avec Maupeou et l'abbé Terray, un « triumvirat » qui se donne pour tâche la restauration de l'absolutisme royal au détriment des parlements. Secrétaire d'État aux Affaires étrangères, puis chargé de la Guerre, il développe une politique de paix avec l'Angleterre. À l'avènement de Louis XVI, en 1774, il est écarté du pouvoir, de même que tous les protégés de la comtesse du Barry. Il se retire alors et se consacre à la mise en ordre de ses écrits.
La carrière à la fois militaire et politique du duc d'Aiguillon est caractéristique de celle d'un grand dignitaire de la noblesse d'Ancien Régime. Le temps où le roi préférait « cloîtrer » les grands du royaume à la cour et confier le gouvernement de la France à la « vile bourgeoisie » (Saint-Simon) semble en partie révolu.
Ailly (Pierre d'),
intellectuel et homme d'Église (Compiègne 1350 - Avignon 1420).
D'origine roturière, Pierre d'Ailly poursuit ses études au collège de Navarre, où il devient docteur en théologie (1381), avant d'en être nommé recteur (1384). Il défend alors l'idée de l'Immaculée Conception. En mars 1389, il est aumônier du roi Charles VI et, en octobre 1389, chancelier de l'Université de Paris. Confronté au problème de la division de l'Église (le Grand Schisme, 1378-1417), il prend parti, dans un premier temps, pour le pape Benoît XIII, qui le nomme successivement évêque du Puy (1395) et de Cambrai (1397), mais il prend ses distances d'avec lui vers 1407. Il est créé cardinal en 1411, par la volonté du « pape de Pise » Jean XXIII, qui en fait son légat pontifical en Allemagne (1413). Le concile de Constance (1414-1418) lui permet de donner la mesure de son talent : il y joue un rôle de premier plan pour mettre fin au Grand Schisme (il retire son soutien à Jean XXIII et participe à l'élection du pape Martin V) et pour obtenir la condamnation de Jean Hus.