conseillers nourris de droit romain qui entourent les rois de France à la fin du Moyen Âge, et contribuent, par leurs idées et leur action, au renforcement de l'État. Le terme « légiste » désigne celui qui a étudié et, souvent, enseigne les lois, c'est-à-dire le droit romain fondé sur les compilations de Justinien (VIe siècle).
À partir du règne de Louis VII (1137/1180) sont introduits dans le Conseil du roi des juristes comme Étienne de Tournai ou Giraud de Bourges, et les diplômés de l'université d'Orléans joueront un rôle certain dans l'entourage de Saint Louis.
Les défenseurs des droits royaux.
• C'est avec Philippe le Bel que les légistes prennent l'avantage sur les princes du sang et les autres nobles d'épée qui siègent au Conseil. Leur influence s'affirmera aux XIVe et XVe siècles, grâce au relais que constitue le parlement de Paris, cour souveraine peuplée de juristes. Les théories et les pratiques des légistes trouvent un écho jusqu'à l'échelon des bailliages et prévôtés, qu'administrent de plus en plus fréquemment des gradués en droit. Du plus modeste des administrateurs locaux aux politiques proches de la personne du souverain, tous les légistes de la fin du Moyen Âge ont à cœur de défendre les droits royaux. À cette fin, ils mettent en avant des principes tirés du droit romain, tout en s'inspirant des efforts de centralisation menés par la papauté. Les maximes favorites des légistes du Conseil - « Le roi est la source de toute loi » et « Ce qui plaît au roi a force de loi » - contribuent à fonder l'universalité et la supériorité de la législation royale, à travers édits et ordonnances. La plénitude du pouvoir que détient le roi, le fait qu'il est « empereur en son royaume », sont également affirmés. Enfin, les agents zélés de l'administration locale ne cessent de justifier un interventionnisme croissant aux dépens des justices seigneuriale et ecclésiastique.
Seuls les plus brillants des légistes peuvent espérer accéder au Conseil du roi. C'est le cas, sous le règne de Philippe le Bel, d'un Pierre de Belleperche, professeur à Orléans (à Paris, seul le droit canon est enseigné), ou encore d'un Raoul de Presles, fils d'une serve de l'abbaye de Saint-Denis et devenu le meilleur avocat du temps. Mais les plus influents parmi ces légistes « politiques » sont des méridionaux, formés à Toulouse ou à Montpellier. Pierre Flote a servi le dauphin Humbert de Viennois, avant de mériter la confiance du roi : c'est lui qui organise la lutte contre la papauté, afin que le souverain puisse contrôler le clergé français. Après la mort de Pierre Flote à la bataille de Courtrai (1302), Guillaume de Nogaret prend le relais et poursuit le pape Boniface VIII jusque dans sa résidence d'Anagni ; il est également l'artisan du procès des Templiers. La défense inconditionnelle des droits du roi justifie un champ d'intervention très large : Flote et Nogaret s'occupent aussi bien d'impôts que de politique ecclésiastique, tout en contrôlant l'administration locale.
Une influence controversée.
• Les légistes sont très critiqués à leur époque : dès la fin du XIIIe siècle, Gilles de Rome les qualifie d'« idiots politiques » dans Du gouvernement des princes, qu'il destine au futur Philippe le Bel. Sous le règne de ce dernier, Geoffroi de Paris regrette que la « hoqueterie » (chicanerie) ait remplacé la chevalerie, et qu'en France il y ait « tout plein d'avocats ». Nicole Oresme (mort en 1382) juge la défense rigide des droits royaux contraire aux principes aristotéliciens qui régissent la philosophie politique, et contraire, en premier lieu, à la primauté de la loi sur le monarque. Sous le règne de Charles VII encore, Juvénal des Ursins appelle à davantage de modération les légistes qui ont alourdi et institutionnalisé l'impôt. Dans la lignée de ces critiques, les légistes seront présentés par les historiens romantiques comme les fondateurs de l'absolutisme monarchique, et leur action est placée au rang des causes lointaines de la révolution de 1789 : Michelet ne les accusera-t-il pas d'avoir été les « tyrans de la France » ? En réalité, utilisant tout autant les ressources du droit féodal, coutumier ou même canonique, que celles du droit romain, les légistes ont cherché à donner une assise juridique cohérente à un pouvoir monarchique de plus en plus vigoureux. En cela, ils sont, parmi d'autres, les artisans de la genèse de l'État moderne en France.