Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
I

Italie (guerres d') (suite)

L'accession au trône d'Espagne (1516) de Charles de Habsbourg, qui a déjà hérité des Flandres, puis son élection comme empereur (en 1519, sous le nom de Charles Quint), modifient la situation internationale : la France est menacée d'encerclement et sa politique extérieure apparaît conditionnée par cette crainte. Dans un premier temps, les efforts français portent encore une fois sur l'Italie, car Gênes et la plaine du Pô - étapes entre les domaines septentrionaux et méridionaux de Charles Quint - constituent le maillon faible de l'Empire. De 1519 à 1547, l'Italie et les autres pays d'Europe voient leur destin dépendre des aléas des relations entre deux princes et deux puissances de natures très différentes : la cohésion et la richesse en hommes et en argent de la France, guidée par un Roi-Chevalier fougueux, s'oppose à un Empire écartelé entre Flandres et Méditerranée, manquant toujours de moyens financiers et ayant à sa tête un prince prudent qui gouverne quasiment tout de Madrid.

Les hostilités reprennent ouvertement à partir de 1521, et les Français perdent une nouvelle fois le Milanais après la bataille de La Bicoque (29 avril 1522). En outre, dernier sursaut d'une impossible résistance féodale à l'État, le premier des chefs de guerre du roi de France, le connétable de Bourbon, se révolte contre son suzerain et se rallie à Charles Quint en septembre 1523. Après l'échec de l'invasion de la Provence par les Impériaux, François Ier franchit de nouveau les Alpes, reconquiert le Milanais et, erreur funeste, met, en vain, le siège devant Pavie. La déroute qui lui est infligée, dans la nuit du 23 au 24 février 1525, sous les murs de cette ville lombarde, constitue un tournant des guerres d'Italie : le roi, fait prisonnier, est emmené à Madrid ; la fine fleur de la noblesse française est décimée par les arquebusiers ; les carrés suisses du roi sont écrasés par les tercios espagnols et les lansquenets allemands, qui ont su intégrer les armes à feu dans les lignes de piquiers. Le roi peut écrire à sa mère Louise de Savoie : « De toutes choses ne m'est demeuré que l'honneur et la vie qui est sauve. »

Désormais, seuls les États italiens peuvent tenter de contrecarrer l'hégémonie espagnole : c'est ce qu'ils essaient de faire, à l'initiative du pape Clément VII, par la constitution de la Ligue de Cognac, à laquelle adhère François Ier - libéré en janvier 1526 après avoir signé le traité de Madrid, qu'il ne respectera jamais. La campagne militaire qui commence au printemps 1526 s'achève, un an plus tard, par un désastre au retentissement symbolique sans précédent dans toute la chrétienté : la prise de Rome le 6 mai 1527 et son interminable mise à sac par les troupes impériales jusqu'en février 1528. Pendant des mois, les très catholiques fantassins espagnols ne le cèdent en rien, pour la cruauté et l'avidité, aux lansquenets luthériens désireux de châtier Rome-Babylone, « la putain rouge avec son calice d'abominations ». La défaite française devant Naples en 1528 confirme la victoire totale de Charles Quint en Italie. L'hégémonie espagnole sur la Péninsule est reconnue par une série de traités : avec le pape (Barcelone, 1529), le roi de France (Cambrai, 1529), puis tous les petits États italiens (Bologne, 1530). La pax hispanica est enfin célébrée lors du couronnement solennel de Charles Quint à Bologne, en février 1530.

Le conflit se déplace dès lors vers le nord et vers la mer. Plutôt que de combattre directement, François Ier soutient souvent les adversaires de son ennemi, fût-ce au prix d'alliances scandaleuses avec les princes allemands « hérétiques » ou avec les pirates barbaresques et leurs maîtres ottomans. En Italie, les rois de France tentent plutôt de constituer un glacis protecteur pour le Dauphiné afin d'éloigner la guerre de leur territoire : ainsi, en 1536, le duché de Savoie, y compris le Piémont, est envahi et aussitôt intégré à la couronne, jusqu'en 1559. Mais ni François Ier ni son fils Henri II ne prendront plus la tête d'une armée pour aller combattre au-delà des monts. La victoire de Cerisoles en 1544 - dernière bataille rangée en Italie - reste sans lendemain, et l'on se contente, ici ou là, de susciter des complots et d'alimenter des rébellions contre les pouvoirs en place trop liés aux Espagnols, que ce soit à Parme, en 1550, ou à Sienne, de 1554 à 1558. À cet égard, l'éphémère conquête de la Corse, en 1553, ou l'expédition avortée du duc de Guise contre Naples, en 1556, ne sont que le fruit d'initiatives individuelles, des « occasions » saisies au vol sans grands desseins stratégiques.

Les hauts faits d'armes du règne d'Henri II se déroulent sur les frontières du nord et de l'est, avec les conquêtes de Trois-Évêchés - Metz, Toul et Verdun (1552) -, ou la prise de Calais (1558). Et c'est en Picardie que se déroule l'ultime bataille des guerres d'Italie : le 10 août 1557, à Saint-Quentin, la déroute française y est aussi grave qu'à Pavie, face à une armée impériale commandée, autre paradoxe, par Emmanuel-Philibert de Savoie, un prince italien spolié de son fief par les Français. D'ailleurs, c'est aussi dans la plaine picarde, au Cateau-Cambrésis, qu'est signé, les 2 et 3 avril 1559, le traité qui met fin aux guerres d'Italie. Philippe II - successeur de Charles Quint après l'abdication de ce dernier en 1556 - et Henri II sont las de ces guerres interminables et s'inquiètent en outre des progrès de la Réforme protestante. Le roi de France renonce à ses prétentions sur l'Italie, où il abandonne toutes ses conquêtes en échange de la possession des Trois-Évêchés. Sans doute voulait-il aussi avoir les mains libres pour mieux combattre les calvinistes, dont l'influence croît sans cesse dans son royaume...

Les leçons de la guerre et l'émergence d'une nouvelle Europe

Le centre de gravité de la politique européenne - et de la lutte entre les maisons de France et d'Espagne - s'est déplacé vers la grande plaine du nord-est de l'Europe, et y restera ancré des siècles durant. Alors que les rêves de croisades habitaient encore les esprits des chevaliers de Charles VIII, une nouvelle Europe, bouleversée par la fracture religieuse, est en train de naître. La Méditerranée n'en est plus le cœur. La lutte acharnée entre les grandes monarchies nationales, l'expansion de la Réforme protestante et le début de la Contre-Réforme catholique, avec la fin du concile de Trente en 1563, ont rendu caducs les rêves de paix et d'union entre les chrétiens.