contrebandier (Saint-Étienne-de-Saint-Geoirs, en Dauphiné, vers 1725 - Valence 1755).
Fils aîné d'un commerçant aisé, il connaît une destinée tragique qui s'éclaire au travers de deux événements lourds de conséquences. En 1748, il subit d'importantes pertes financières en fournissant des mulets à l'armée. Se voyant refuser toute indemnisation, il en garde une haine tenace pour la Ferme générale qui gérait l'approvisionnement des troupes. Par ailleurs, en 1753, il commet un homicide en protégeant la fuite d'un ami réfractaire au service dans la Milice. Condamné à mort par contumace, il entre alors dans la clandestinité et s'engage dans la contrebande. Basé en Suisse et en Savoie, où il se fournit en tabac et en indiennes, produits lourdement taxés, voire interdits en France, il constitue une bande armée qui compte jusqu'à 400 contrebandiers. Il effectue alors, de la Franche-Comté à l'Auvergne, de longues tournées au cours desquelles il débite à bas prix ses marchandises. Il se distingue cependant rapidement des autres contrebandiers en défiant l'autorité du roi. Ses deux dernières expéditions (de septembre à la fin décembre 1754) lui valent en effet une renommée nationale, car il mène une guerre ouverte à la Ferme générale (pillage de recettes, d'entrepôts de sel ou de tabac, rançonnement de receveurs...).
Face à cette rébellion qui bénéficie d'un large soutien populaire, les autorités réagissent d'autant plus rapidement qu'elles l'interprètent comme une opération de déstabilisation menée en sous-main par l'Angleterre. Les premières tentatives de capture sont cependant des échecs : Mandrin, insaisissable, livre même, en fin stratège, une véritable bataille rangée à un détachement de troupes régulières qu'il met en déroute près du village de Gueunaud (Morvan). Ce n'est que grâce à la trahison de l'un de ses proches qu'il est arrêté clandestinement sur le territoire de la Savoie, au cours d'une opération qui provoque un grave incident diplomatique entre Versailles et Turin. Jugé sans délai par la Commission de Valence, un tribunal d'exception spécialisé dans la répression de la contrebande, il est roué vif dans cette ville le 26 mai 1755.
Débarrassées de Mandrin, les autorités vont s'employer à atténuer sa popularité dans une opinion publique qui n'approuve ni la fiscalité ni l'extrême sévérité des peines frappant la contrebande, activité considérée alors avec beaucoup d'indulgence. En effet, l'exécution provoque une floraison de textes imprimés qui, des simples complaintes aux pamphlets politiques contre la monarchie, populariseront l'image d'un Mandrin redresseur de torts et pourfendeur de percepteurs. Ni la censure, ni les biographies agréées et édifiantes ne parviendront cependant à empêcher son héroïsation. Largement diffusées par le colportage, ces biographies à bon marché nourriront même, en dépit d'un discours ambivalent, une image légendaire de bandit justicier et assureront par leurs multiples rééditions jusqu'à la fin du XIXe siècle l'entrée de Mandrin au panthéon des rebelles.