Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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parlement de Paris, (suite)

Le milieu parlementaire.

• De plus en plus nombreux, formés dans les mêmes facultés de droit, bénéficiant de la stabilité que leur vaut l'attribution de gages à vie, les parlementaires peuvent envisager de faire toute leur carrière dans l'institution. Se cooptant entre eux, soudés par des liens familiaux et de clientèles, les parlementaires tendent à former un milieu homogène, doté d'un solide esprit de caste et dans lequel on peut voir le premier des grands corps de l'État.

Entre Charles VI et François Ier, le parlement de Paris voit son ressort se réduire au profit de parlements provinciaux, que ceux-ci entérinent la stabilisation d'assises jusque-là temporaires (Toulouse), ou la promotion de vieilles institutions locales (Rouen), ou encore qu'ils soient liés à la politique de prestige d'un prince du sang (Dauphiné, Bourgogne). D'autres parlements seront installés dans les provinces nouvellement conquises aux XVIIe et XVIIIe siècles. Les parlementaires n'en sont pas moins, sous l'Ancien Régime, au sommet de leur pouvoir et de leur prestige. Une certaine fortune est garantie grâce à la vénalité des offices, et l'hérédité permet également de constituer de puissants lignages. Attachés à leurs privilèges (l'accès au parlement procure immédiatement la noblesse), ils résistent à toutes les avancées de l'absolutisme, invoquant les lois fondamentales du royaume.

Dans les périodes de troubles, le parlement représente un foyer d'agitation politique : interprètes intéressés d'une opinion publique qui, entre 1614 et 1789, ne dispose pas d'états généraux pour s'exprimer, les parlementaires mènent l'opposition à toute réforme. Un moment dissous par le chancelier Maupeou (1771), le parlement de Paris conduit la réaction aristocratique qui provoquera, par ricochets, la fin de l'Ancien Régime et, par voie de conséquence, sa propre disparition.

parlement provincial,

cour souveraine rendant la justice au nom du roi et sans appel, créée dans chaque province à partir du XIVe siècle dans le cadre de l'extension du domaine royal de la monarchie capétienne.

Deux principes président à l'institution des cours provinciales : la volonté de rapprocher les justiciables de la justice souveraine et le respect des habitudes judiciaires des pays récemment réunis au royaume. D'une province à l'autre, le processus est identique et marque le souci d'une transition douce : le roi maintient l'ancienne juridiction puis la remplace par un parlement, en renvoyant à son Conseil les attributions de gouvernement. Les coutumes de droit privé et les règles de droit public sont conservées dans le ressort des cours nouvelles, mais les anciennes institutions ducales ou comtales subissent un remodelage, à l'imitation du parlement de Paris.

Ces règles générales valent pour l'ensemble des cours souveraines qui sont créées du XIVe au XVIe siècle. Ainsi, après la conquête de la Normandie, Philippe Auguste maintient l'Échiquier ducal, mais le place sous le contrôle de maîtres parisiens ; la transformation en parlement ne survient qu'en 1515. La création du parlement de Toulouse est décidée en 1302, mais n'est concrétisée qu'en 1443. À Grenoble, le Conseil delphinal d'Humbert II est érigé en parlement en 1453 par le futur Louis XI. À Bordeaux, la Haute Cour de Gascogne, instituée pendant l'occupation anglaise, est conservée lors de la reconquête et devient parlement en 1462. De même, le parlement de Provence se substitue en 1501 à l'ancien Conseil éminent ; et le parlement ducal de Bretagne, établi en 1464, laisse place à une cour souveraine en 1554. En Bourgogne, la création d'un parlement s'est faite dès l'annexion de cette région à la France, en 1477. Enfin, François Ier institue en 1523 le parlement des Dombes, à Trévoux, dès la confiscation des biens du connétable de Bourbon (il sera supprimé en 1771).

Sous l'Ancien Régime, cinq nouveaux parlements apparaissent, toujours dans les principautés réunies au royaume, avec le souci de se ménager les peuples récemment conquis. En 1620 est fondé le parlement de Pau, en 1633 celui de Metz, en 1676 celui de Besançon - qui succède au parlement comtal de Dole, datant de 1422. Les parlements de Douai et de Nancy sont créés, respectivement, en 1696 et en 1778. À la Révolution, le royaume compte donc treize cours souveraines, y compris le parlement de Paris. Il faut leur ajouter quatre conseils souverains, sorte de parlements mineurs, établis en Artois (1640 puis 1677), Alsace (1657 puis 1698), Roussillon (1660) et Corse (1768).

Les attributions des parlements provinciaux.

• Conçus sur le modèle du parlement de Paris, les parlements provinciaux ont une composition et des attributions à peu près identiques ; seuls leurs effectifs varient, en fonction de l'étendue de leur ressort (30 conseillers à Douai, 100 dans les métropoles de province - Rennes ou Bordeaux -, contre 2 à 300 à Paris). Ils comprennent le plus souvent une grand-chambre, une chambre des enquêtes, une chambre criminelle. Chaque cour juge souverainement, en matière administrative, civile ou pénale, la plupart du temps en appel, quelquefois en première instance (affaires intéressant la noblesse). En revanche, aucune n'a pu faire reconnaître son droit à s'ériger en cour des pairs, privilège dévolu au seul parlement de Paris. Enfin, toutes les cours procèdent à l'enregistrement des lettres patentes et closes des souverains, avec droit de remontrance.

Des rapports conflictuels avec la monarchie.

• Cette possibilité d'opposition au pouvoir royal entraîne au XVIIIe siècle les parlements de province dans le sillage du parlement de Paris, en conflit séculaire avec la monarchie. Malgré leurs rivalités, les cours correspondent entre elles, adoptent des attitudes communes, jusqu'à revendiquer en 1756 la « théorie des classes », selon laquelle l'ensemble des cours souveraines n'en formeraient qu'une, indivisible et représentant la nation face au roi. Tirée des écrits de Boulainvilliers, cette doctrine est historiquement fausse mais contribue à cimenter l'opposition de la noblesse de robe au roi. Jusqu'en 1789 - et après l'intermède de leur disparition temporaire à l'initiative de Maupeou -, les parlements provinciaux affichent leur esprit de contestation : en 1788, c'est de Grenoble que viendront les premières secousses qui mèneront à la Révolution.