Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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Trente (concile de), (suite)

Une application épiscopale.

• Les parlements français refusent d'enregistrer les décrets du concile de Trente, n'acceptant pas que toute juridiction ecclésiastique dérive de l'autorité papale : cela signifierait une diminution de leur compétence. De même, Trente contrarie l'édit d'Amboise (19 mars 1563), qui autorise la liberté de conscience et une liberté limitée du culte réformé. En revanche, les conciles provinciaux, dans le cadre des diocèses, mettent en pratique les innovations tridentines, comme à Reims, en 1564, sous l'impulsion du cardinal de Lorraine. En 1579, à l'assemblée de Melun, les évêques décident d'appliquer les mesures disciplinaires et liturgiques préconisées par le concile. En 1583, le concile de Bordeaux, pourtant très gallican, publie des statuts d'inspiration tridentine ; à la fin du siècle, la majorité des provinces ecclésiastiques a adopté les décrets, et, en 1615, l'assemblée du clergé les reçoit officiellement. L'esprit tridentin se diffuse par l'intermédiaire des mouvements spiritualistes, des congrégations et des séminaires dans la France classique. Bien qu'ils n'aient jamais figuré parmi les lois du royaume, les décrets tridentins ont façonné la catholicité de la France moderne.

Trente Ans (guerre de),

conflit politique et religieux né à Prague, et qui opposa de 1618 à 1648 une grande partie des puissances européennes. La monarchie française s'y engagea, peu à peu, pour résister à la puissance des Habsbourg d'Autriche et d'Espagne.

Les origines de la guerre.

• Les seigneurs protestants de Bohême n'acceptaient pas leur nouveau roi, Ferdinand de Styrie - issu d'une branche cadette de la maison de Habsbourg -, car ce catholique fervent était favorable à une reconquête religieuse, dans ses domaines mais aussi en Allemagne et dans l'ensemble de la Chrétienté. Le 23 mai 1618, la révolte des protestants éclata par la « défenestration de Prague » : trois administrateurs royaux furent jetés par la fenêtre du palais ; bien qu'ils n'eussent aucun mal, l'attentat marquait une rupture. Le conflit s'étendit à tout le Saint Empire, d'autant que Ferdinand fut élu empereur sous le nom de Ferdinand II, le 28 août 1619. Les révoltés de Bohême se donnèrent alors un roi calviniste, l'Électeur palatin Frédéric. Mais les troupes protestantes furent vaincues près de Prague, à la Montagne Blanche, le 8 novembre 1620.

Loin de mettre un terme au conflit, cette défaite le relançait. Comme l'Espagne ne reconnaissait toujours pas l'indépendance des Provinces-Unies, la guerre reprit en 1621 entre le roi d'Espagne et les Hollandais calvinistes. Les deux branches, ibérique et germanique, des Habsbourg étaient désormais liées par une alliance solide et par une politique commune.

L'engagement français.

• Face à ce front commun, la monarchie française montra d'abord une grande prudence. Néanmoins, les occasions de discorde se multiplièrent entre la France et l'Espagne, très présente en Italie : ainsi à propos de la Valteline, la haute vallée de l'Adda, passage stratégique à travers les Alpes. Cette tension internationale conduisit Louis XIII à confier, en 1624, la direction des affaires du royaume au cardinal de Richelieu. Peu à peu, le roi de France s'engagea en Italie dans un affrontement non déclaré contre l'Espagne - dans une « guerre couverte ». Une crise éclata à propos de la succession du duché de Mantoue et, à partir de 1627, mena l'Europe au bord de la guerre générale. Un envoyé du pape, Giulio Mazarini - son nom fut francisé en Mazarin -, réussit néanmoins à obtenir une suspension d'armes, en septembre 1630. Des négociations ultérieures permirent à la France de conserver la forteresse de Pignerol, considérée comme une « porte » vers l'Italie.

La situation en Italie du Nord n'était pas indépendante de celle du Saint Empire. En Allemagne, l'incontestable victoire militaire des Habsbourg signifiait à la fois une reconquête religieuse, qui permettrait de récupérer des territoires contrôlés par des princes protestants, et une réorganisation de l'Empire donnant plus d'autorité à son souverain. Dans ce contexte, Richelieu proposa de résister à la puissance nouvelle des Habsbourg en soutenant les princes protestants. Le Cardinal, considéré par certains comme le responsable de la poursuite de la guerre, dut alors affronter les attaques de Marie de Médicis lors du « grand orage » de novembre 1630. Sa victoire politique finale fut saluée comme celle des « bons Français » et comme la défaite du parti favorable à l'Espagne.

La diplomatie de la France.

• La diplomatie française permit de sauver la cause du protestantisme dans l'Empire en favorisant, politiquement et financièrement, une intervention suédoise. Le roi Gustave II Adolphe de Suède, dont l'avancée irrésistible plongea l'Europe dans la stupeur, battit les Impériaux à Breitenfeld (17 septembre 1631) et s'installa en Rhénanie ; il semblait alors l'arbitre de l'Europe.

Richelieu, assisté de son conseiller, le Père Joseph, maintenait également une forte pression sur le duc de Lorraine, Charles IV, qui préféra quitter son duché pour offrir ses services à l'empereur. La Lorraine allait être désormais traversée par les armées françaises - en 1633, le graveur lorrain Jacques Callot fit paraître une série de gravures saisissantes sur les Misères et malheurs de la guerre -, et un certain nombre de princes allemands se placèrent sous la protection du roi de France.

L'empereur, effrayé par les victoires de Gustave II Adolphe, rappela un général qu'il avait écarté auparavant, Wallenstein. Celui-ci affronta les Suédois à Lützen (16 novembre 1632) en un combat long et indécis, au cours duquel Gustave II Adolphe trouva la mort. Cette disparition ne changea guère la situation internationale, car les armées suédoises avaient à leur tête de bons généraux, dont Bernard de Saxe-Weimar.

Néanmoins, une armée espagnole, commandée par le frère du roi d'Espagne, le cardinal infant, fit sa jonction avec les troupes impériales et remporta une grande victoire contre les Suédois, à Nördlingen (6 septembre 1634). Le cardinal infant fut chargé ensuite de gouverner les Pays-Bas espagnols et de tenter un dernier effort pour soumettre les Hollandais à l'autorité du Roi Catholique. Au cours des négociations qui s'engagèrent en 1634, Ferdinand II choisit la voie de l'apaisement, ce qui permit une réconciliation entre l'empereur et la plus grande partie des princes protestants. La perspective de cette paix religieuse, ajoutée aux défaites suédoises, conduisit à l'entrée effective de la France dans la guerre.