Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
D

Decazeville (grève de), (suite)

La grève de Decazeville, mise en valeur par la presse anarchiste et socialiste, devient rapidement un haut fait du mouvement ouvrier ; l'action de ces « martyrs » est glorifiée : le terme « watriner » se répand pour signifier « faire justice ». C'est aussi la première fois que la République réplique si brutalement à un mouvement social de cette ampleur, nourrissant pour longtemps l'antagonisme entre le monde ouvrier et les dirigeants politiques.

décembre 1851 (coup d'État du 2),

coup de force militaire par lequel le président de la IIe République, Louis Napoléon Bonaparte, s'est maintenu au pouvoir et a installé un régime dictatorial.

La Constitution de 1848 interdisait au président sortant de solliciter un nouveau mandat, si bien que Louis Napoléon Bonaparte, élu le 10 décembre 1848, devrait quitter le pouvoir en mai 1852. Dès août 1850, il se rend dans les « régions républicaines » afin de tenter de séduire l'électorat. À partir de mars 1851, les préfets, nommés par lui, se lancent dans une active campagne en faveur d'une révision constitutionnelle. Le 19 juillet, 446 députés votent pour la révision, mais la majorité requise des trois quarts n'est pas atteinte : le conflit entre l'Assemblée et le président reste entier.

La préparation du coup d'État.

• Elle est engagée, dès l'été 1851, par un petit nombre de conjurés : Fialin de Persigny, Fleury, Rouher et Edgar Ney sont les plus fidèles, mais des rôles importants reviennent à Morny, ministre de l'Intérieur, à Maupas, préfet de police, et aux généraux Leroy de Saint-Arnaud, ministre de la Guerre, et Magnan, commandant de l'armée de Paris. Par ailleurs, en demandant l'abrogation de la loi du 31 mai 1850, qui restreint le suffrage universel, Louis Napoléon Bonaparte s'efforce de briser l'alliance entre républicains et orléanistes. Enfin, sous la direction de Granier de Cassagnac, la propagande s'emploie à effrayer les électeurs quant aux conséquences de l'arrivée au pouvoir des démocrates socialistes, et à présenter Louis Napoléon comme le seul rempart contre le désordre. Initialement prévu pour la mi-septembre, le coup de force est fixé au 2 décembre 1851, date à laquelle les députés sont réunis à Paris.

Le coup de force parisien.

• Au matin du 2 décembre, jour anniversaire du sacre de Napoléon Ier et de la victoire d'Austerlitz, 78 personnes sont arrêtées, dont 69 républicains mais aussi quelques orléanistes, tel Thiers. 16 députés sont mis sous les verrous, de même que les généraux susceptibles de prendre la tête de la résistance, tels Changarnier ou Cavaignac. À leur réveil, les Parisiens découvrent, placardée sur les murs de la capitale, une proclamation du président annonçant la dissolution de l'Assemblée et le rétablissement du suffrage universel : les électeurs sont appelés aux urnes afin d'approuver ces décisions. Un appel au peuple est également affiché : le coup de force y est présenté comme une action contre la majorité royaliste et réactionnaire, et les bases d'une nouvelle Constitution y sont proposées, en faisant référence au régime de Napoléon Ier. Louis Napoléon se pose en rempart contre l'anarchie. L'opposition parlementaire s'organise, et 220 députés, pour la plupart orléanistes, votent la déchéance du président avant d'être arrêtés. Par ailleurs, les républicains, dont Victor Hugo, Victor Schœlcher et Jean-Baptiste Baudin, tentent de répondre en soulevant le faubourg Saint-Antoine ; mais ils se heurtent à l'immobilisme des ouvriers, sensibles à la propagande antiparlementaire des bonapartistes. Toutefois, le 3 décembre, des barricades sont dressées dans les faubourgs du Temple, de Saint-Antoine et de Saint-Denis, tandis qu'une foule hostile, socialement hétérogène, s'amasse sur les boulevards. Le 4, la répression est engagée contre une population désarmée, faisant 380 morts.

Les réactions en province.

• Dans l'Ouest, le Nord, le Nord-Est et la région parisienne, la propagande des républicains a peu touché les populations, qui ne réagissent guère au coup d'État. En revanche, dans le Centre et le Midi, où les élections de 1849 ont révélé une France « rouge », la résistance se met en place, sans mots d'ordre nationaux, stimulée par le refus de voir ruiné l'espoir d'une République des « petits ». Dans le centre du pays, des paysans répondent aux appels lancés par des républicains. Dans le Gers, les insurgés tiennent en échec durant plusieurs jours les fonctionnaires ralliés à Louis Napoléon. Dans le Lot-et-Garonne, la révolte risque de couper l'axe Bordeaux-Toulouse et de conduire à la guerre civile ; elle s'étend également en Dordogne, dans l'Aveyron, l'Hérault et le Tarn-et-Garonne. La résistance est particulièrement vive dans le Sud-Est : les Basses-Alpes, la Drôme et le Var connaissent une insurrection généralisée jusqu'au 10 décembre, notamment grâce à l'action des sociétés secrètes. La répression qui s'ensuit est sévère : plus de 30 000 personnes sont arrêtées, 15 000, condamnées, et 60 députés, exilés. Pour les conservateurs, Louis Napoléon a sauvé la France du « péril rouge », et 7 millions d'électeurs semblent donner raison au prince à l'occasion du plébiscite du 21 décembre.

déchristianisation.

Le terme de déchristianisation ne semble pas être apparu dans la langue française avant les dernières décennies du XIXe siècle ; il n'est mentionné par Émile Littré que dans le Supplément (1877) de son Dictionnaire de la langue française, avec l'exemple suivant, tiré d'une publication de circonstance de Mgr Dupanloup, Où allons-nous ? (1876) : « Sous le nom de cléricalisme, écrit l'évêque d'Orléans, c'est le christianisme qu'ils attaquent, c'est à l'Église qu'ils en veulent, c'est la religion qu'ils outragent, c'est la déchristianisation de la France qu'ils poursuivent. »

Déchristianisation active : la déchristianisation révolutionnaire.

• « Déchristianisation : action de déchristianiser. » Dans sa sobre définition, Littré privilégie un sens actif, offensif, prospectif, lié aux intenses polémiques politico-religieuses de l'époque de Léon Gambetta et de Louis Veuillot et aux événements violents de l'histoire religieuse de la Révolution française. L'expression, d'origine catholique, reprend, en inversant le point de vue, le vocabulaire des promoteurs de la persécution antichrétienne de l'an II, lorsqu'ils se proposaient de « défanatiser » les Français et de « déprêtriser » la France.