Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
C

Constitution civile du clergé, (suite)

Une profonde déchirure.

• Lors des débats, certains députés contestent la compétence de l'Assemblée sur une question d'ordre religieux. La réforme suppose, en effet, confusion entre Église et nation. La religion catholique est considérée, de fait, comme religion d'État. Les quelques opposants à la Constitution civile critiquent surtout le système d'élection. Ils proposent la tenue d'un concile national ou l'intervention du pape. Mais la réunion d'un tel concile reviendrait à reformer le clergé en ordre, alors que les ordres ont été abolis en février 1790, et les gallicans s'opposent à toute intrusion de Rome.

Dans les jours qui suivent le vote du décret, il n'y a pas de rupture franche. Si la majorité du haut clergé exprime son opposition dans un texte diffusé en octobre 1790 - l'Exposition des principes sur la Constitution civile du clergé -, elle souhaite éviter le schisme et attend l'avis du pape. C'est également avec le souci de préserver l'unité que le roi accepte le décret, le 22 juillet 1790. Mais, la réforme tardant à être appliquée, l'Assemblée décide de mettre le clergé à l'épreuve. La loi du 27 novembre 1790 exige des ecclésiastiques qu'ils prêtent serment sous huit jours. Le haut clergé est massivement « réfractaire » au serment, mais environ 52 % des prêtres et vicaires se conforment à la loi. La scission entre prêtres assermentés ou constitutionnels et prêtres insermentés ou réfractaires se dessine donc avant que la condamnation tardive de Pie VI soit rendue publique. Les brefs Quod aliquantum (10 mars 1791) et Caritas (13 avril 1791) condamnent la Constitution civile du clergé, mais aussi les principes de 1789. Dès lors, la rupture entre une Église constitutionnelle et une Église romaine est consommée. Les prêtres réfractaires sont tolérés jusqu'au printemps 1792. Puis, avec la guerre et la chute de la royauté, leur situation se dégrade. La vague de déchristianisation de l'an II nuit également à l'implantation du clergé constitutionnel. Malgré la séparation de l'Église et de l'État de 1795, les tensions religieuses ne s'apaisent qu'avec le Concordat de 1801.

Pour certains historiens, la Constitution civile du clergé est la plus grave erreur commise par les révolutionnaires : cette réforme est, en effet, l'une des principales causes d'opposition populaire à la Révolution. Cependant, il faut reconnaître que ce décret n'est pas antireligieux dans la mesure où il s'interdit de toucher au domaine proprement spirituel.

Constitutions consulaires et impériales,

Constitutions de l'an VIII (13 décembre 1799), de l'an X (4 août 1802) et de l'an XII (18 mai 1804) qui organisent le régime consulaire et impérial.

Ces trois textes forment un ensemble qui établit le pouvoir personnel de Bonaparte. Aussi s'agit-il, en fait, de différentes étapes dans la mise en place d'un régime unique.

L'affaiblissement des organes législatifs.

• Au lendemain du coup d'État des 18 et 19 brumaire an VIII (9 et 10 novembre 1799), qui met fin au Directoire, les commissions législatives se réunissent pour élaborer un nouveau texte constitutionnel. Le projet de Sieyès est rejeté par Bonaparte, qui entend construire un régime à la mesure de ses ambitions. La Constitution de l'an VIII est adoptée par un petit comité - et non par une assemblée élue - le 22 frimaire (13 décembre 1799). Ce texte bref, qui ne compte que quatre-vingt-quinze articles, est marqué par plusieurs ruptures avec les Constitutions de l'époque révolutionnaire : il ne comprend aucune déclaration des droits, ni des devoirs. Les « droits de cité » deviennent des droits subjectifs des citoyens face à l'État, et ne sont donc pas des droits naturels comme en 1789 et en 1793. La qualité de citoyen n'est pas soumise à un cens (montant d'impôts nécessaire pour être électeur) : tous les Français de plus de 21 ans ont le droit de vote ; mais le système de représentation favorise l'influence des notables puisque les électeurs établissent des « listes de confiance » aux niveaux communal, départemental et national, listes dans lesquelles sont choisis les membres des assemblées. Ce système - qui n'est pas sans rappeler celui des promotions militaires - est une application du principe énoncé par Sieyès selon lequel « l'autorité vient d'en haut, la confiance d'en bas ». L'organisation des pouvoirs - deux organes législatifs (le Tribunat, composé de 100 membres, et le Corps législatif, de 300), un Conseil d'État et un gouvernement confié à trois consuls - n'offre qu'un semblant de continuité avec les principes de la séparation des pouvoirs. En effet, les organes législatifs ne sont plus souverains, car le Sénat conservateur, formé de membres inamovibles, devient le gardien de la constitutionnalité des lois. Le Conseil d'État élabore les projets de lois, le Tribunat les discute et les transmet au Corps législatif qui doit les voter ou les refuser sans pouvoir les discuter. Les organes législatifs sont en réalité bien faibles par rapport au gouvernement, dont le rôle dépasse très largement les compétences exécutives : non seulement celui-ci est le seul à posséder l'initiative des lois, mais il nomme également, et sans contrôle, à tous les emplois administratifs et militaires. Le système des trois consuls (Bonaparte, Cambacérès et Lebrun) installés pour dix ans n'est qu'une fiction destinée à rendre plus acceptable le pouvoir du Premier consul, Bonaparte. L'article 95 précise que la « Constitution sera offerte [...] à l'acceptation du peuple français ». Les résultats du plébiscite (proclamés seulement le 7 février 1800) - plus de trois millions de « oui » et 1 562 « non » - sont révélateurs de l'état d'une opinion qui cherche à jouir paisiblement des acquis bourgeois de la Révolution : la sûreté des personnes et des propriétés, l'égalité civile et, surtout, l'irrévocabilité de la vente des biens nationaux sont réaffirmées dans le texte soumis à la ratification.

Vers l'Empire.

• De l'an VIII à l'an X, le Sénat s'investit du droit de modifier la Constitution par des sénatus-consultes. En mai 1802, Bonaparte fait approuver le Consulat à vie par plébiscite. Le sénatus-consulte du 16 thermidor an X (4 août 1802) tire les conséquences de ce vote en réorganisant les pouvoirs. En effet, la Constitution de l'an X affaiblit encore les organes législatifs (le Tribunat est réduit à 50 membres et divisé en sections), renforce le contrôle de Bonaparte sur le processus électoral et, surtout, lui donne l'initiative des modifications constitutionnelles. Elle marque un tournant vers un régime de plus en plus personnel. Cette évolution trouve son expression ultime dans le sénatus-consulte du 28 floréal an XII (18 mai 1804) par lequel Bonaparte devient « Napoléon Ier, empereur des Français ». S'agit-il d'un régime nouveau ? En fait, dans ce texte de mai 1804, on assiste à un renforcement des aspects centralisateurs et monocratiques du régime, auquel est conféré le décorum de la cour impériale et du principe d'hérédité. Les attributions du Sénat et du Conseil d'État sont encore augmentées, tandis que les organes législatifs deviennent de simples chambres d'enregistrement (le Tribunat est même supprimé en 1807).