francophonie, (suite)
Progrès et ambiguïtés.
• Le terrain associatif a devancé les initiatives officielles : dès 1952 se crée l'Association internationale des journalistes de presse de langue française ; en 1961 voit le jour l'Association des universités partiellement ou uniquement de langue française, qui regroupe quelque 150 établissements et 400 départements de français. Mais c'est seulement après le départ du président de Gaulle que la francophonie s'organise lentement sur le plan institutionnel : en 1971 est mise en place l'Agence de coopération culturelle et technique, axée sur les problèmes de formation. Puis, au milieu des années 1980, les obstacles verrouillant le processus sont quasiment levés. À cette date, la brouille canado-québécoise prend fin, les Africains se montrent soucieux de trouver de nouveaux espaces de coopération, et François Mitterrand est déterminé à s'engager en faveur de la francophonie. Le premier sommet est organisé à Paris en 1986. D'autres suivront, à Montréal en 1987, à Dakar en 1989. La francophonie s'y affirme comme un nouvel espace de solidarité, dans lequel le Canada joue un rôle grandissant : en 1987, le Premier ministre canadien profite du sommet pour annoncer l'effacement de la dette des pays africains. François Mitterrand lui répondra, deux ans plus tard, en exprimant solennellement son vœu d'effacer la créance française d'aide publique au développement en Afrique. Cependant, la francophonie ne se limite pas à des symboles et à des déclarations spectaculaires. De nouvelles institutions sont constituées, tels le Comité international de préparation des sommets, ou le Comité international de suivi, ainsi qu'un certain nombre de commissions, le tout reposant sur le travail de base des nombreuses associations.
Des écueils guettent pourtant la francophonie : l'accusation de néocolonialisme subsiste au sein de certaines élites africaines ; le risque de banalisation qui en ferait un organisme d'aide au tiers-monde est évoqué ; la recomposition de l'Europe de l'Est fait concurrence aux États du Sud ; les grands-messes des sommets apparaissent comme des gaspillages financiers. Cependant, des réussites, dont la reconnaissance récente des littératures francophones, couronnent ce long processus. En remettant des prix littéraires à des écrivains tels que Antoine Maillet (Canada), Tahar Ben Jelloun (Maroc), Patrick Chamoiseau (Antilles) ou Amin Maalouf (Liban), qui ont su reconstituer un espace littéraire plus grand et plus riche, la France rompt avec une longue tradition jacobine de centralité, de supériorité, de fixité et d'unicité de la langue française.