Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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Rochefort (Victor Henri, marquis de Rochefort-Luçay, dit Henri),

journaliste et homme politique (Paris 1830 - Aix-les-Bains, Savoie, 1913).

Petit-fils d'émigré, fils d'un marquis ruiné auteur de vaudevilles, il écrit lui-même des pièces de boulevard mais est avant tout un journaliste. Il débute en 1854 au Mousquetaire de Dumas père, entre en 1859 au Charivari, où il donne plus de 900 articles, collabore au Nain jaune, au Figaro, au Soleil, etc. Il y distille un humour féroce, affirmant par exemple en 1867 que « César est actuellement un des Romains les mieux vus à la cour. Il demanderait une sous-préfecture qu'elle lui serait accordée séance tenante ». En 1868, il lance la Lanterne, du nom d'un instrument servant « à éclairer les honnêtes gens et à pendre les malfaiteurs ». Le succès est immense : 120 000 exemplaires dès le premier numéro. Il y explique que « la France contient [...] trente-six millions de sujets, sans compter les sujets de mécontentement », imagine Rocambole prenant la place d'un ministre - et si voleur que nul ne s'en doute -, prend la défense d'Algériens exécutés pour des incendies aux causes en fait ... naturelles, et ne recule pas devant le scabreux, montrant la mère de Napoléon III, dont la vie privée fut agitée, faisant « de faux Louis ». Il accumule saisies, amendes et peines de prison, fuit en Belgique, d'où il envoie des numéros en contrebande. Candidat, malgré sa condamnation, à une élection partielle au Corps législatif en 1869, il est élu député de Paris, ville où il crée la Marseillaise : l'un de ses collaborateurs, Victor Noir, est assassiné par le prince Pierre Bonaparte, et lui-même est emprisonné pour avoir parlé des Bonaparte comme d'une « famille où le meurtre et le guet-apens sont de tradition et d'usage », dans un numéro vendu à 145 000 exemplaires avant saisie. Libéré par la révolution du 4 septembre 1870, il devient membre du gouvernement de la Défense nationale, mais démissionne dès novembre, furieux du conservatisme de ses collègues. Il lance un nouveau journal, le Mot d'ordre, y défend la Commune, ce qui le fait déporter en Nouvelle-Calédonie. Évadé en mars 1874, il ressuscite, de Suisse, la Lanterne, dirigeant désormais ses attaques contre le président Mac-Mahon. L'amnistie de 1880 permet un nouveau retour : il crée alors l'Intransigeant, contre l'opportunisme, y explique par exemple les motifs financiers de la conquête de la Tunisie. Député blanquiste en 1885, il démissionne après avoir siégé quatre mois, tourne à l'antiparlementarisme, soutient le général Boulanger - d'où un nouvel exil, jusqu'à l'amnistie de 1895 -, continue de pourfendre le gouvernement, en particulier dans l'affaire de Panamá, et poursuit sa dérive politique en devenant antidreyfusard et antisémite. Il perd l'essentiel de son public, n'écrit plus après 1907, et meurt, isolé et oublié. Mais il doit à sa plume pleine de verve un jugement indulgent de la postérité qui en a fait l'archétype du polémiste.

Rochelle (siège de La),

siège mené par Richelieu et Louis XIII à partir d'octobre 1627, et qui s'achève par la capitulation de la ville en octobre de l'année suivante.

Avec 25 000 habitants, La Rochelle, riche de sa flotte et de son commerce, est l'une des dix plus grandes villes du royaume. Gagnée à la Réforme, elle fait figure de capitale pour les protestants du Midi. Sa municipalité se conduit comme une petite république indépendante. La reprise, en 1621, des guerres contre les protestants fait de la réduction de cette citadelle une question prioritaire. La nouvelle attitude agressive de l'Angleterre aggrave le problème. Le 10 juillet 1627, une flotte anglaise, avec à son bord le duc de Buckingham et Soubise, l'un des chefs du parti protestant français, s'ancre devant La Rochelle. Prudents, les échevins lui refusent l'entrée du port. Les Anglais vont alors attaquer l'île de Ré, où ils débarquent le 25 juillet (ils en seront chassés en novembre). Cependant, le 10 septembre, les Rochelais ouvrent le feu sur les troupes royales : le siège commence.

Arrivés sur place le 12 octobre, Louis XIII et Richelieu mobilisent près de 30 000 hommes, bien encadrés et bien payés. Pour bloquer le port, l'architecte Métezeau élève une digue de 1 500 mètres, à laquelle travaillent des milliers de paysans requis. Toujours présent, le Cardinal fait régner l'ordre dans la véritable ville qu'est devenu le camp du roi : voleurs et violeurs sont exécutés. Dirigée par le Père Joseph, une armée de capucins pourvoit aux besoins spirituels. Parfois, Richelieu lui-même donne la communion aux officiers. Aile marchante de la Réforme catholique, les assiégeants doivent être exemplaires. En face, les assiégés sont décimés par la famine - d'autant que le Cardinal a refusé de laisser évacuer les femmes et les enfants. Toutefois, galvanisés par leur maire élu en avril 1628, l'amiral Jean Guiton, qui menace de tuer quiconque parlera de se rendre, ils repoussent les assauts. Mais les expéditions de secours anglaises échouent ; à bout de force et désireux d'éviter une mise à sac et un massacre final, les échevins capitulent le 28 octobre 1628. Le 1er novembre, Louis XIII entre dans une ville qui compte moins de 6 000 survivants. Richelieu a plaidé pour l'indulgence : seuls le maire et quelques échevins sont bannis, et le culte protestant est maintenu. Cependant, la messe est rétablie, les remparts sont rasés, la ville perd ses privilèges. Partout en France, de grandes fêtes célèbrent le triomphe du roi et du catholicisme. L'influence de Richelieu en sort grandie, et, jusque dans les manuels scolaires de la IIIe République, le Cardinal restera l'homme à la grande cape rouge arpentant la digue devant La Rochelle.

Rochet (Waldeck),

homme politique (Sainte-Croix, Saône-et-Loire, 1905 - Nanterre, Hauts-de-Seine, 1983).

Son père, un artisan fervent républicain, a choisi son prénom en hommage à Waldeck-Rousseau. Contraint de travailler comme ouvrier maraîcher dès l'âge de 8 ans, il adhère aux Jeunesses communistes en 1923, et au PCF l'année suivante, suit une formation à l'école des cadres de Moscou au début des années 1930, et devient membre du comité central en 1936, où il s'affirme comme le spécialiste des questions paysannes. Député de 1936 à 1939 (le PCF est dissous par décret en septembre 1939), il est arrêté en octobre 1940, en même temps que d'autres députés communistes, pour reconstitution d'organisation dissoute, et est emprisonné en France, puis à Alger. Libéré en février 1943, il représente alors le parti auprès du général de Gaulle. De nouveau député à la Libération, il poursuit parallèlement son ascension politique au sein du PCF : membre suppléant du bureau politique en 1945, puis titulaire en 1950, il est secrétaire général adjoint en 1961, avant de succéder à Maurice Thorez au poste de secrétaire général en mai 1964. À l'instar de l'action menée par Khrouchtchev en URSS entre 1953 et 1964, il amorce une nouvelle ligne politique, plus ouverte : sous sa direction, le PCF désapprouve l'intervention soviétique à Prague en 1968 (tout en cautionnant la politique de normalisation), et inaugure une politique d'union de la gauche en soutenant la candidature de François Mitterrand lors de l'élection présidentielle de 1965 puis en se rapprochant de la Fédération de la gauche démocrate et socialiste (FGDS). Waldeck Rochet étant très malade à partir de 1969, c'est Georges Marchais, interlocuteur privilégié des Soviétiques, qui signe le programme commun de gouvernement avec le PS, en juin 1972, puis lui succède au poste de secrétaire général en décembre de la même année.