Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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Louis XIII (suite)

La déclaration de guerre

En 1634 - après plusieurs années de victoires éclatantes -, l'armée suédoise était vaincue à Nördlingen, et la cause impériale semblait l'emporter. Gaston d'Orléans multipliait les intrigues avec les Espagnols, qui firent prisonnier l'Électeur de Trèves, protégé de la France. Selon les formes féodales, Louis XIII fit porter le 19 mai 1635 une déclaration de guerre au cardinal-infant don Ferdinand, qui, à Bruxelles, gouvernait les Pays-Bas espagnols. La guerre éclatait, qui devait durer jusqu'en 1659.

La vie du royaume - et de son roi - allait être dominée par ce grand conflit. En 1635, les offensives françaises se soldèrent par une débandade. En 1636, la France fut assaillie de toutes parts. L'armée espagnole pénétra jusqu'à Corbie, à 120 kilomètres de Paris, et un vent de panique s'éleva dans la capitale. Le roi et le Cardinal durent gagner Compiègne, pour diriger les opérations militaires : l'assaut des Espagnols s'essouffla, mais la Champagne et la Bourgogne furent ravagées.

Les révoltes populaires

La situation à l'intérieur même du pays était difficile, car les révoltes populaires se multipliaient. En effet, les populations prenaient les armes pour résister aux collecteurs de l'impôt. Les soulèvements des croquants touchèrent, dans le Sud-Ouest, les villes et les campagnes. Parfois, les révoltés se donnaient comme chefs de petits gentilshommes. En 1637, les hommes d'armes écrasèrent les insurgés : la bataille fit un millier de morts. Durant l'été 1639, le gouvernement dut affronter la révolte des « nu-pieds » : l'insurrection partit d'Avranches, où l'on crut que les autorités voulaient établir la gabelle (l'impôt sur le sel) dans des paroisses où elle n'était pas instaurée. Dans ces paroisses, dites « de quart bouillon », le sel était obtenu à partir des sables salins de la baie du Mont-Saint-Michel. Le soulèvement gagna Rouen et toute la Normandie. Des commis des gabelles furent tués à Rouen en août, et Richelieu décida de réprimer cette révolte. Le colonel Gassion, à la tête de mercenaires étrangers, rétablit l'ordre en Basse-Normandie en écrasant les insurgés devant Avranches, le 30 novembre 1639. Le chancelier Séguier en personne vint séjourner à Rouen avec des conseillers d'État : doté de pouvoirs exceptionnels, il jugea quelque trois cents prisonniers et fit condamner à mort le principal meneur, Gorin. Le parlement de Rouen, qui n'avait pas réagi face aux événements, fut suspendu pour un an, et des villes comme Avranches, Vire, Caen ou Rouen perdirent des privilèges. Cette répression spectaculaire montrait la volonté de Richelieu de faire un exemple.

Les dernières conspirations

Le pouvoir royal envisagea de faire payer une taxe sur les biens d'Église ; l'assemblée du clergé céda à cette menace et accorda 4 millions de livres au roi. Richelieu humilia aussi le monde des officiers en multipliant les offices nouveaux qui dévaluaient les anciens. La haute noblesse s'agitait : en 1641, le comte de Soissons, dit « Monsieur le Comte », prince du sang qui, après une conspiration, s'était réfugié à Sedan, reçut les encouragements du cardinal-infant et entra dans le royaume avec une petite armée. Les troupes royales chargées de l'arrêter furent battues à la bataille de La Marfée (juillet 1641). Mais, accidentellement, sans doute, le comte reçut un coup de pistolet et mourut sur le champ de bataille.

En 1642, ce fut le temps de la conjuration du marquis de Cinq-Mars. C'est Richelieu lui-même qui avait poussé Cinq-Mars, le fils d'un de ses fidèles, à gagner l'amitié du roi, car le monarque, solitaire, avait besoin d'affection. Louis XIII avait gratifié le jeune homme de charges prestigieuses : il était ainsi « Monsieur le Grand » (le grand écuyer). Ce favori entendit jouer un rôle politique et se débarrasser de Richelieu, qui avait fait sa fortune. Il fomenta un coup d'État contre le ministre, avec le soutien de l'Espagne. Fut-il encouragé par Louis XIII à tenter une ouverture vers Madrid, face au Cardinal qui, toujours, prolongeait la guerre ? Quoi qu'il en fût, le jeune homme se laissa entraîner jusqu'à signer un traité. Il s'agissait de chasser Richelieu et de faire nommer Gaston d'Orléans lieutenant général du royaume, afin de conclure la paix avec l'Espagne - comme ce dernier s'y était déjà engagé - par une restitution réciproque des conquêtes. Peut-être la reine Anne d'Autriche, elle-même, fut-elle au courant du complot, et peut-être le révéla-t-elle pour conserver la garde de ses fils, que l'on voulait alors lui enlever.

Louis XIII se rendait dans le Sud pour faire le siège de Perpignan. Richelieu, malade, dut rester à Narbonne. Bientôt, il eut entre les mains une copie du traité que Cinq-Mars avait conclu avec l'Espagne. Cette preuve, signe du remarquable réseau de renseignements que Richelieu avait su tisser en Europe, permit de convaincre le roi, qui était las des caprices du grand écuyer. Cinq-Mars fut arrêté le 13 juin 1642. Son ami François de Thou, issu d'une illustre famille de magistrats et d'historiens, était au courant du complot et ne l'avait pas dénoncé. Les deux jeunes gens furent jugés, condamnés à mort, et décapités à Lyon. Le duc de Bouillon, qui s'était compromis dans cette affaire, ne sauva sa tête qu'en cédant sa principauté de Sedan à Louis XIII.

Le bilan d'un règne

Malgré ces secousses intérieures, la France jouissait d'une situation favorable : dans le Sud et dans le Nord, les armées espagnoles avaient été battues, et, à la fin de décembre 1641, la France et la Suède avaient prévu l'ouverture de deux congrès de paix, l'un à Münster pour les puissances catholiques, l'autre à Osnabrück pour les protestantes.

Le 4 décembre 1642, le cardinal de Richelieu s'éteignait. Un capucin diplomate, connu sous le nom de Père Joseph (mort en 1638), avait été son zélé serviteur. Mazarin, talentueux négociateur au service du pape, avait su gagner à son tour la confiance de Richelieu. Dès la mort du Cardinal, Louis XIII appela l'Italien au Conseil et permit le retour à la cour de quelques adversaires du Cardinal, tel Gaston d'Orléans. Le 21 avril 1643, le dauphin (futur Louis XIV) fut baptisé, et Louis XIII lui choisit Mazarin comme parrain. Le 14 mai 1643, Louis XIII mourait à Saint-Germain-en-Laye.