Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
C

Constitution de 1946, (suite)

Parenté avec les textes constitutionnels de 1875

• . Cette Constitution, acceptée par lassitude, définit un régime assez peu différent de celui de la IIIe République. Le préambule, qui fait référence à la Déclaration des droits de l'homme de 1789, est d'inspiration très généreuse. Mais l'équilibre des pouvoirs n'est pas établi. Le pouvoir législatif, composé de l'Assemblée nationale et du Conseil de la République, avatar du Sénat, n'est bicaméral qu'en apparence. De fait, le Conseil de la République joue surtout un rôle consultatif. Bien plus, l'effort de rationalisation du parlementarisme, censé lutter contre l'instabilité gouvernementale de la IIIe République, s'efface devant l'affirmation de la souveraineté parlementaire. Le pouvoir exécutif est en position de faiblesse face à l'Assemblée. Même si le droit de dissolution est affirmé, sa mise en œuvre s'avère difficile, compte tenu de conditions préalables assez draconiennes. Le président de la République, élu par les deux Chambres réunies, dispose cependant d'un pouvoir d'influence, en désignant le candidat à la présidence du Conseil. Ici réside l'une des principales innovations du texte : aussitôt désigné, le président du Conseil doit être investi personnellement par l'Assemblée, à la majorité absolue. Cette disposition (article 45) devrait le consacrer comme le véritable chef de la majorité parlementaire. Dès 1947, cependant, la pratique de la double investiture - du président du Conseil et du gouvernement - rompt avec la lettre de la Constitution de 1946, et entraîne un retour aux usages de la IIIe République. Instaurant un quasi-régime d'assemblée, où le gouvernement ne peut s'imposer à l'Assemblée dont il procède, la Constitution de 1946, élaborée par les partis politiques, contribue à l'instabilité ministérielle chronique dont souffre la France de 1947 à 1958. Dès son entrée en vigueur, elle est sévèrement jugée, et sera souvent rendue responsable de la faillite de la IVe République.

Constitution de 1958,

texte constitutionnel fondateur de la Ve République.

La crise ouverte par le 13 mai 1958 est celle de la IVe République tout entière, dont les institutions n'ont pu résister aux effets de la guerre d'Algérie. L'un des engagements pris par Charles de Gaulle, à son retour au pouvoir, consiste à mettre en œuvre une nouvelle Constitution qui réponde mieux aux exigences de stabilité et d'efficacité politiques.

La réforme constitutionnelle de 1958.

•  Une procédure originale préside à l'élaboration et à l'adoption des institutions qui fondent la Ve République. Tout d'abord, la loi constitutionnelle du 3 juin prend acte des projets de révision esquissés en 1955, et définit le cadre juridique du texte à proposer : le suffrage universel en tant que source exclusive du pouvoir, la séparation des pouvoirs, la responsabilité du gouvernement devant le Parlement, l'indépendance de l'autorité judiciaire, la redéfinition des rapports entre la République et les États associés. Ce canevas permet à un comité d'experts de préparer un avant-projet, sous la responsabilité du garde des Sceaux, Michel Debré. Puis un comité ministériel élabore le projet constitutionnel, que Charles de Gaulle soumet au Conseil des ministres pour approbation, après avis du Conseil d'État. Lors du référendum du 28 septembre 1958, ce texte est approuvé par près des quatre cinquièmes des votants. Seuls les communistes, une fraction du parti socialiste (SFIO), des radicaux, quelques personnalités comme Pierre Mendès France ou François Mitterrand, ont appelé à voter contre. Le 4 octobre, la nouvelle Constitution est promulguée. Sa mise en œuvre commence avec l'élection de l'Assemblée nationale, à la fin de novembre. Le 9 décembre, Charles de Gaulle est élu président de la République par le Parlement et un collège de grands électeurs.

Par rapport aux systèmes politiques antérieurs, la Constitution de 1958 apporte plusieurs innovations. À la souveraineté parlementaire se substitue le pouvoir d'État, que symbolise et incarne le président de la République. Même si celui-ci n'est pas, dans le texte, la clé de voûte du système, il dispose de prérogatives essentielles, conformément à des objectifs définis dans le discours du général de Gaulle à Bayeux (1946). Il arrête les décisions prises en Conseil des ministres, promulgue les lois, négocie et signe les traités, décrète - ou non - les mesures qui lui sont proposées, nomme aux emplois publics, et assume la fonction de chef des armées. En cas de crise grave, il peut disposer des pleins pouvoirs (article 16). Élu par un collège de notables - et non par les seuls parlementaires -, il peut se libérer de la pression politique des partis. Il nomme le Premier ministre, qui compose le gouvernement avec son approbation. Quant au gouvernement, il conduit collectivement la politique de la nation ; il partage, avec le Parlement, l'initiative des lois ; il peut utiliser la procédure réglementaire (ordonnances et décrets), tout en participant à l'élaboration du calendrier de travail des assemblées parlementaires. À l'évidence, la primauté revient à l'exécutif. Le Parlement conserve des compétences classiques : le vote de la loi et du budget ; le contrôle, par la censure, de l'action gouvernementale. Mais, dans les faits, ces capacités sont rigoureusement encadrées dans un parlementarisme rationalisé.

La Constitution de 1958 instaure donc une double séparation des pouvoirs. Au niveau de l'exécutif, le président se porte garant des institutions et inspire les choix qui guident l'action du gouvernement. Exécutif et législatif s'avèrent bien distincts : la fonction de ministre est incompatible avec celle de parlementaire. Surtout, le législatif occupe une position subordonnée. Le Conseil constitutionnel, qui veille à la constitutionnalité des lois, contribue à cet affaiblissement.

L'indépendance du pouvoir judiciaire n'est pas totalement assurée, car la justice est assimilée à une autorité dont la fonction consiste à protéger les libertés, mais dont les acteurs principaux dépendent du gouvernement. En ce sens, la Constitution de 1958 marque une régression par rapport aux régimes antérieurs.