Bonaparte (Lucien),
homme politique (Ajaccio, 1775 - Viterbe, Italie, 1840). Intelligent et indépendant, il est le seul des frères de Napoléon à ne jouer aucun rôle sous le Premier Empire avant 1815.
Engagé très jeune dans la Révolution, jacobin, il milite activement dans le midi de la France, après la sécession de la Corse. En avril 1798, il est élu député au Conseil des Cinq-Cents : il y participe, avec les néo-jacobins, au coup d'État de prairial an VII et joue un rôle déterminant dans le coup d'État de brumaire an VIII, sauvant Napoléon du désastre. Ministre de l'Intérieur au début du Consulat, il met en place les préfets et falsifie les résultats du plébiscite sur la Constitution de l'an VIII, puis est nommé ambassadeur à Madrid en novembre 1800. Membre du Tribunat, puis du Sénat en 1802, il mène grand train de vie, affichant des idées jacobines, mais son remariage avec la veuve d'un financier, alors que Napoléon lui destine la reine d'Étrurie, provoque la rupture. Exclu de la succession dynastique napoléonienne, à laquelle il se déclare hostile, il se retire à Rome en avril 1804, et il refusera toujours à Napoléon de sacrifier sa femme à un trône sans autonomie. Après l'annexion de Rome, il s'embarque pour l'Amérique en 1810, mais est capturé par les Anglais, qui le placent en résidence forcée. De retour à Rome en 1814, il reçoit du pape le titre pontifical de prince héréditaire de Canino. Pendant les Cent-Jours, il rejoint Napoléon, devient prince français et membre de la Chambre des pairs où, après Waterloo, il tente vainement d'imposer la continuité dynastique, avant de se réfugier définitivement en Italie.
Bonaparte (Louis),
homme politique (Ajaccio, Corse, 1778 - Livourne, Italie, 1846), roi de Hollande (1806/1810).
Neurasthénique et ombrageux à l'extrême, il est le plus fragile des frères de Napoléon. Guidé dès son plus jeune âge par ce dernier, qui le fait entrer dans l'artillerie, il le suit en tant qu'aide de camp lors de la campagne d'Italie et de l'expédition d'Égypte, puis remplit quelques missions diplomatiques sous le Consulat. En 1802, il est marié, contre son gré, à la fille de Joséphine de Beauharnais, Hortense, dont il se sépare en 1810, et dont il refuse de reconnaître les enfants, parmi lesquels le futur Napoléon III. Connétable - le plus haut titre militaire - en 1804, ce grand dignitaire de l'Empire est aussi sénateur, membre du Conseil d'État et commandant général de la Garde impériale. Fait roi de Hollande en 1806, il prend sa fonction au sérieux et se rebelle contre le joug napoléonien, devenant de ce fait le plus populaire des Bonaparte placés sur les trônes d'Europe. Réprouvant les effets du Blocus continental et de l'occupation française sur ses sujets, il ne cesse de se quereller avec Napoléon. Après avoir été contraint de lui céder une partie de son royaume, il entre en conflit avec l'Empereur, qui le force à abdiquer ; il s'enfuit le 2 juillet 1810, tandis que la Hollande est annexée à la France le 9 juillet suivant. Dès lors, indifférent aux événements de l'Empire, il vit dans la retraite, loin de sa famille, refusant même de siéger à la Chambre des pairs durant les Cent-Jours. Réfugié en Autriche, puis en Italie, il se consacre aux lettres jusqu'à sa mort.
Bonaparte (Jérôme),
homme politique (Ajaccio, Corse, 1784 - Villegenis, Seine-et-Marne, 1860), roi de Westphalie (1807/1813).
Benjamin de la famille Bonaparte, d'un caractère léger et irresponsable, aimant le luxe et les plaisirs, il laisse volontiers son frère Napoléon conduire sa vie. Jeune commandant de marine, il séjourne aux États-Unis en 1803 où, encore mineur, il épouse la fille d'un négociant américain, provoquant la fureur du Premier consul, qui le somme de rentrer en France et de répudier sa femme. Ayant cédé aux injonctions de son frère - entre-temps devenu empereur -, il reçoit le titre de prince français en 1805, puis est fait roi de Westphalie, royaume créé après le traité de Tilsit, avant d'être marié à la fille du roi de Wurtemberg en 1807. Flanqué de trois régents nommés par son frère, il laisse les ministres gouverner et se contente des joies d'une sinécure dorée. Bien que piètre combattant, il obtient un commandement lors de la campagne de Russie, mais, placé sous les ordres de Davout, il refuse ce poste subalterne et quitte l'armée. En octobre 1813, à la suite de la bataille de Leipzig, il est contraint de fuir son royaume, l'un des premiers à se libérer de la domination française. Réfugié en Italie après 1814, puis au Wurtemberg après Waterloo, où il combat vaillamment, et enfin à Florence, il est autorisé à rentrer en France en 1847. Au lendemain de la révolution de 1848, il s'efface devant son neveu qui, devenu Napoléon III, le fait gouverneur des Invalides, maréchal de France, premier prince du sang, et président du Sénat. Seul parmi les frères et sœurs de Napoléon Ier à mourir en France, il est inhumé aux Invalides.
bonapartisme,
courant politique qui défend le régime napoléonien et œuvre pour la restauration de la dynastie des Bonaparte après 1815.
En dépit du coup d'État du 18 brumaire, Napoléon s'efforce de fonder sa légitimité sur la volonté du peuple, qui confie sa souveraineté à l'Empereur. Dès lors, l'antiparlementarisme fait partie des principes bonapartistes. Le Mémorial de Sainte-Hélène, publié en 1823, met l'accent sur les liens, apparus dès les Cent-Jours, entre le bonapartisme et le libéralisme : Napoléon se présente comme un défenseur des acquis de 1789, fidèle à la souveraineté populaire, et favorable au principe des nationalités. En définitive coexistent, dès 1815, trois bonapartismes, définis par l'historien Frédéric Bluche : un bonapartisme autoritaire ; un bonapartisme jacobin, attaché aux principes de la Révolution ; et un bonapartisme libéral, exprimé dans l'acte additionnel aux Constitutions de l'Empire.
Le bonapartisme de la clandestinité.
• En 1815, les bonapartistes les plus compromis, tels les frères Lallemand, sont contraints à l'exil, tout en espérant œuvrer pour le retour de Napoléon. Parallèle-ment, une poignée de fidèles, souvent des héros des guerres napoléoniennes, s'engagent dans une action clandestine. Mais l'absence de projet politique cohérent conduit à l'échec de leurs conspirations ; les partisans bonapartistes renoncent alors aux équipées aventureuses, tandis que les dignitaires de l'Empire optent pour le ralliement. Le bonapartisme se dilue dès 1822 dans la gauche libérale. Il subsiste cependant, comme l'a démontré l'historien Bernard Ménager, un bonapartisme populaire, rural mais aussi urbain, particulièrement vif dans l'est de la France. Mais l'opportunité qu'offre la révolution de 1830 n'est pas saisie, faute de parti organisé.