reine. (suite)
Usages du pouvoir.
• Plusieurs mères ou épouses des héritiers légitimes du trône ont dirigé, de manière occulte ou proclamée, les affaires du royaume. Lorsque le roi meurt et que l'héritier du trône n'a pas atteint la majorité, la reine devient régente et gouverne au nom de son fils : c'est le cas, entre autres, de Blanche de Castille, de Marie de Médicis et d'Anne d'Autriche. Blanche de Castille, que son mari Louis VIII n'a jamais manqué de consulter sur les questions politiques, exerce même la régence à deux reprises : d'abord à la mort de son époux, ensuite lorsque son fils Louis IX, en 1248, entreprend une croisade en Terre sainte. De la même manière, il arrive que le roi confie la régence à sa femme lorsqu'il guerroie au loin : Henri II laisse ainsi plusieurs fois le gouvernement du royaume à Catherine de Médicis.
Durant ces périodes de régence, la reine doit souvent faire face à des troubles - mouvement populaire des pastoureaux et révolte de vassaux (Blanche de Castille), Fronde aristocratique et parlementaire (Anne d'Autriche) - et affronter une opinion publique qui ne manque pas une occasion de lui rappeler qu'elle est « étrangère » au royaume de France. Si la reine, dans ces circonstances, dispose de pouvoirs explicitement énoncés, il peut également arriver qu'elle règne dans l'ombre d'un souverain, ou qu'elle partage avec lui le pouvoir effectif. L'exemple le plus célèbre est celui de Catherine de Médicis, qui détient une réelle autorité sous les règnes successifs de ses trois fils, François II, Charles IX et Henri III ; fait paradoxal : celle que l'opinion a qualifiée d'étrangère et accusée de toutes les perfidies machiavéliques fait preuve, au début des guerres de Religion, d'un sens indéniable de l'État et de la grandeur de la monarchie. De la même façon, Anne d'Autriche, qui, en s'attachant les services de Mazarin, s'attire une impopularité d'une rare violence, apparaît guidée par le souci de laisser à son fils un royaume intact.
Représentation de la monarchie.
• Le roi régnant, le rôle de la reine est moindre ; il n'est pas pour autant aisé. Associée à la majesté royale, l'épouse doit animer une vie de cour où les prérogatives de la reine mère et les intrigues nouées par les maîtresses royales ne lui facilitent pas la tâche. L'Espagnole Marie-Thérèse, épouse effacée de Louis XIV, souffrira toujours de mal parler le français et de ne pas maîtriser les codes mondains. Lorsque la reine, par sa légèreté et ses habitudes dispendieuses, perd le sens de ce qu'elle doit à la représentation monarchique, elle alimente toutes sortes de rumeurs et d'accusations ; c'est le cas de Marie-Antoinette, dont les agissements ne sont pas étrangers au climat délétère où sombre la cour à la veille de la Révolution. Quelques reines, manifestement peu à l'aise dans une représentation réduite à la superficialité courtisane, ont su remplir leurs devoirs de souveraine en animant des foyers de culture : Anne de Bretagne, femme de Louis XII, protège les arts et les lettres, tandis que Marie Leszczynska, femme de Louis XV, devient le centre d'un groupe savant où musique et histoire sont à l'honneur.
D'une manière générale, le rôle de la reine reste quelque peu ingrat : privée d'intimité - son accouchement est public -, condamnée à accepter les aventures amoureuses de son royal époux, obligée d'affronter une cour et une opinion publique hostiles, elle est bien souvent, selon la formule d'un historien contemporain, « confinée dans la procréation et la dévotion ».