priorité d'âge entre frères et sœurs justifiant divers privilèges coutumiers apparus entre le milieu du Xe et la fin du XIIe siècle.
Appelés aussi « droit d'aînesse », ces privilèges se fondent, d'une part, sur l'interdiction féodale d'« abréger » le fief afin de préserver la qualité du service militaire dû au seigneur et, d'autre part, sur les valeurs sociales de solidarité et de communauté qui rendent inconcevable la perspective d'une division du patrimoine familial à la mort de son chef. Ces privilèges se sont maintenus jusqu'en 1789 en pays de coutume ; ailleurs, la liberté testamentaire permettait de « faire un aîné », car l'aînesse flattait l'orgueil aristocratique ; elle était « la clé de voûte et la principale colonne de la famille ». Essentiellement nobiliaires, ces privilèges s'appliquent pourtant aux successions roturières dans quelques coutumes (Pays basque, Pyrénées, Manche). Ils gratifient alors l'enfant premier né.
Malgré la diversité coutumière de l'ancienne France, les privilèges d'aînesse des successions nobles se définissent globalement comme des règles applicables seulement en ligne directe avec représentation, au profit du fils premier né, légitime ou légitimé, sauf dans les coutumes de l'Ouest, qui ne distinguent pas selon le sexe. Le droit d'aînesse, dirions-nous aujourd'hui, est « d'ordre public » : il s'impose aux parents, qui ne peuvent disposer librement de leurs biens, ainsi qu'au bénéficiaire, qui ne peut y renoncer.
Ces privilèges sont honorifiques (port des armes familiales, préséance...), mais surtout utiles : l'aîné recueille un préciput, c'est-à-dire les fiefs titrés, la principale habitation familiale et ses dépendances, et, dans certaines coutumes, la « part avantageuse », portion plus ou moins large des autres biens composant l'hoirie. Investi de la majeure partie de l'actif successoral, l'aîné devrait légitimement en assumer le passif ; mais, parce qu'en ancien droit « meubles sont le siège des dettes », il ne lui incombe qu'une part du passif, proportionnelle à la quotité des meubles recueillie.
Abolis dans la nuit du 4 août 1789, leurs effets annihilés par les décrets du 15 mars 1790 et du 8 avril 1791, ces privilèges seront partiellement rétablis en 1808 par Napoléon Ier avec les « majorats ». En 1826, Charles X proposera en vain de renforcer la situation patrimoniale de l'aîné. Les Républiques décideront d'en finir avec cet ultime privilège successoral : une loi du 7 mai 1849 limitera les possibilités de transmission des majorats ; une autre, en 1905, rachètera leurs droits aux derniers titulaires.