Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
B

Blum (Léon), (suite)

Après le congrès, il s'attelle à cette tâche : à la Chambre, en tant que figure de proue du groupe socialiste ; au Populaire, devenu l'organe de la SFIO, comme éditorialiste. Blum et la SFIO sont alors confrontés au difficile problème de la participation au pouvoir : le parti socialiste, à vocation révolutionnaire, doit-il accepter les offres de ses alliés radicaux ? À cette question, posée au lendemain des victoires de la gauche en 1924 et en 1932, le parti répond par la négative. En 1926, Blum développe la distinction entre l'exercice et la conquête du pouvoir : la seconde, souhaitable mais irréalisable dans l'immédiat, suppose la prise totale du pouvoir par le prolétariat, qui pourrait alors ne pas tenir compte de la légalité « bourgeoise » ; l'exercice du pouvoir implique, au contraire, le strict respect des lois, étant soumis à un préalable - la position majoritaire de la SFIO dans une coalition de gauche victorieuse -, et doit poursuivre le double objectif d'améliorer la condition ouvrière et de préparer le changement du régime de la propriété.

En 1936, Léon Blum y est confronté, à l'issue de la victoire électorale des gauches, regroupées au sein du Rassemblement populaire. Un mouvement social de grande ampleur accompagne sa nomination au poste de président du Conseil en juin 1936. En légaliste scrupuleux, Blum respecte les délais constitutionnels requis pour sa prise de fonction ; il démissionnera un an plus tard, à la suite de sa mise en minorité par le Sénat. Son programme économique et social, dicté par le double souci d'améliorer immédiatement le sort du prolétariat - relèvement du pouvoir d'achat, congés payés, diminution du temps de travail hebdomadaire - et de faire évoluer les structures - incitations à l'établissement de rapports contractuels et à l'arbitrage -, s'actualise dans un train de réformes durant l'été 1936. Mais, dès le début de 1937, faisant preuve de réalisme, Blum décrète la « pause » des réformes. Le bilan appelle des nuances : la gestion de l'économie a pu être contestée, mais les avancées sociales restent acquises.

En politique extérieure, Blum doit faire face à des choix difficiles. Alors que le programme du Front populaire conservait comme références essentielles la sécurité collective et le désarmement, le déclenchement de la guerre d'Espagne et le rapprochement entre les puissances fascistes posent en termes aigus la question de la sécurité nationale. Personnellement favorable à un appui au gouvernement républicain espagnol, victime du soulèvement militaire dirigé par Franco, Léon Blum doit tenir compte des avis divergents au sein de sa majorité, de la profonde division de l'opinion publique et du maintien de la cohésion franco-britannique : il se rallie donc à l'idée de non-intervention, mais lance, dès septembre 1936, un programme de réarmement, qui ne portera ses fruits que deux ans plus tard.

Les épreuves et la sagesse.

• Désormais, l'attention de Léon Blum se porte sur les questions de politique extérieure. En mars 1938, alors que la majorité du Front populaire connaît ses derniers jours, il propose la constitution d'un gouvernement d'union nationale, à laquelle il doit finalement renoncer devant les réticences des formations de droite. Son second cabinet, privé de véritable majorité, ne dure pas plus de trois semaines (mars-avril 1938). Même si Blum semble, sur le moment, se résigner aux accords de Munich, il combat, à partir de la fin de 1938, l'aile pacifiste de son parti, menée par Paul Faure. En juillet 1940, la SFIO ne parvient pas à adopter une attitude commune face à Pétain : le 10 juillet 1940, 36 parlementaires socialistes seulement suivent Blum dans son refus de voter les pleins pouvoirs au maréchal, contre 90 qui les lui accordent.

Arrêté le 15 septembre 1940, sur ordre du gouvernement de Vichy, Blum comparaît à partir du 19 février 1942 devant la Cour suprême de Riom, instaurée par Pétain pour juger les présumés « responsables » de la défaite. Il y défend avec vigueur les institutions démocratiques et les réalisations sociales de son gouvernement, et donne ainsi un nouveau souffle à la Résistance socialiste, avant que Vichy, sous la pression allemande, n'ordonne l'interruption du procès. Déporté le 31 mars 1943, il est interné à Buchenwald, et soumis aux conditions particulières réservées aux otages de marque. De retour à Paris en mai 1945, Blum, qui fait désormais figure de sage placé au-dessus de la mêlée, prône une conception renouvelée du socialisme : celui-ci n'a pas seulement pour but « la libération économique et sociale », il doit viser, en définitive, à « rendre la personne humaine plus heureuse et meilleure ». Ce point de vue n'est pas admis par les tenants de la tendance dogmatique du parti, qui, en août 1946, évincent de la direction Daniel Mayer, disciple de Léon Blum. Celui-ci accepte, par civisme, de présider le gouvernement provisoire (décembre 1946-janvier 1947), le dernier avant la mise en place des institutions de la IVe République. Il meurt le 30 mars 1950, laissant le souvenir d'un républicain exemplaire et d'une haute figure intellectuelle, dont on retient l'effort soutenu pour définir un socialisme démocratique fondé sur la justice sociale et l'amélioration morale.

Blum-Viollette (projet),

projet de loi du gouvernement du Front populaire (1936) visant à octroyer la plénitude des droits civiques à un certain nombre de musulmans algériens.

Les noms de Léon Blum, alors président du Conseil, et de Maurice Viollette, ancien gouverneur général de l'Algérie (1925-1927), devenu ministre d'État chargé des affaires d'Afrique du Nord en 1936, sont restés attachés à ce projet. En vertu de celui-ci, 24 000 ou 25 000 indigènes musulmans appartenant à diverses catégories - anciens combattants volontaires ; titulaires du brevet élémentaire, de diplômes plus élevés, ou de certaines décorations ; médaillés du travail ; élus locaux ; membres des chambres de commerce et d'agriculture - auraient pu acquérir la pleine citoyenneté, tout en conservant leur statut personnel coranique. Ils auraient donc été électeurs et éligibles aux législatives, et auraient pu accéder à tous les emplois publics.