Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
G

Grande Armée (la), (suite)

Les pertes sévères subies à Eylau (1807), notamment, contraignent Napoléon à compléter ses forces par des levées importantes de conscrits. Au début de 1808, les effectifs restent sensiblement les mêmes que ceux de 1805, mais la composition de la Grande Armée commence à être modifiée : si les trois quarts des hommes sont encore français, les contingents des États alliés sont de plus en plus nombreux. En 1809, il faut recourir à des levées extraordinaires et « rétroactives » (sur les classes de 1806 à 1810) pour compléter les effectifs. La Grande Armée de 1809 possède donc une expérience moins grande que sa devancière. Non seulement le nombre d'unités étrangères augmente en proportion, mais ces dernières font désormais partie du corps de bataille, et non plus des troupes auxiliaires. Le nombre des soldats s'accroît, mais la qualité manœuvrière militaire diminue. Ces tendances vont en s'accentuant dans la Grande Armée de 1812 : à peine la moitié des 600 000 hommes qui la composent sont originaires des cent trente départements « français ». La retraite de Russie oblige Napoléon à faire feu de tout bois pour reconstituer ses forces. Le problème le plus criant n'est pourtant pas celui de la troupe, mais celui des officiers : on intègre des officiers réformés, des élèves des écoles militaires... Ces éléments inexpérimentés résistent mal aux épreuves de la campagne d'Allemagne. En 1814, Napoléon ne peut plus compter que sur des forces limitées. On utilise alors les fameux « Marie-Louise », ces jeunes conscrits levés grâce à un sénatus-consulte obtenu par l'impératrice.

Instrument exceptionnel forgé par la Révolution, la Grande Armée ne résiste pas à la poursuite des guerres napoléoniennes. Cette usure est l'un des facteurs qui expliquent les défaites de la fin du règne.

Grande Mademoiselle (Anne Marie Louise d'Orléans, duchesse de Montpensier, dite la),

petite-fille de France (Paris 1627 - id. 1693).

Fille de Gaston duc d'Orléans, immensément riche de par sa mère née Bourbon-Montpensier, elle espère épouser Louis XIV. Mais Mazarin s'appuie sur son physique ingrat, son port viril et peu avenant, son âge (onze années de plus que le roi), pour lui ôter ses illusions. Dépitée, elle s'engage dans la Fronde, s'empare d'Orléans (1652), fait tirer le canon de la Bastille sur l'armée du roi (1652) pour aider Condé devant la porte Saint-Antoine. Exilée en son château de Saint-Fargeau (1652-1657), elle écrit ses Mémoires, espère encore, puis assiste au mariage du roi avec une autre cousine germaine (1659) !

Elle rencontre alors le comte de Lauzun (1633-1723) et se met à nourrir pour ce petit gentilhomme une passion destructrice. En 1670, encore vierge à 43 ans, elle veut l'épouser ; le roi accepte ; mais elle veut Lauzun pour héritier ! Louis enferme alors ce dernier à Pignerol (1671) et obtient, avant de le libérer, en 1680, que la duchesse donne la plupart de ses biens au duc du Maine. La Grande Mademoiselle a alors 54 ans et le mariage semble conclu, car elle comble Lauzun de largesses. Mais, trompée, elle le quitte en 1684. Lauzun, veuf, épousera à 62 ans Mlle de Lorge, âgée de 16 ans, pour oublier ses neuf années de prison en compagnie de Fouquet, dues à l'amour fou de cette princesse baroque.

Grande Peur,

mouvement de panique collective qui gagne les campagnes entre le 20 juillet et la première semaine d'août 1789, et qui signe l'émergence d'une conscience politique paysanne.

 

Dès le printemps 1789, le pays connaît nombre d'émeutes frumentaires dues à la crise économique et à la désastreuse récolte de 1788, entraînant montée des prix et peur de la disette, et jetant sur les routes une foule de mendiants. Durant l'hiver 1788-1789, la campagne pour les élections aux états généraux, qui secoue profondément le royaume, et la rédaction des cahiers de doléances font naître l'immense espoir que le roi apporte son secours et répare les torts infligés par les seigneurs et les privilégiés. En juillet, à la crainte de la faim, récurrente en période de moissons, s'ajoutent l'écho déformé de la prise de la Bastille et la rumeur du « complot aristocratique » (réaction punitive des privilégiés contre la nation révolutionnaire), rumeur plausible entretenue par la peur archaïque du brigand ou de la soldatesque étrangère. Il suffit d'une fumée lointaine, d'un vent de poussière, du mouvement de quelques mendiants errant ou d'une équipe de moissonneurs pour que des villageois prennent les armes contre les pilleurs et les massacreurs. La troupe ainsi constituée et le son du tocsin alarment à leur tour le village voisin, la fausse nouvelle, la peur et la réaction défensive se propageant alors de village en village. Cependant, une fois l'erreur dissipée, les paysans, loin de désarmer, courent au château voisin - mais aussi parfois à l'abbaye ou au bureau du fisc -, s'emparent des archives seigneuriales, terriers et titres féodaux, dont ils font un feu de joie, pillant et brûlant, à l'occasion, la demeure du châtelain.

Cette panique contagieuse - cependant peu sanguinaire -, qui se retourne contre le système féodal, embrase les campagnes de façon fulgurante. Elle se diffuse depuis six épicentres (Beauvaisis, Champagne, Franche-Comté, Maine, Poitou et Clermontois), avant de gagner plus des deux tiers du royaume, n'épargnant que quelques régions (Bretagne, Lorraine, Alsace, Landes, Béarn, bas Languedoc et littoral provençal). Face à un mouvement aussi massif et tout à fait imprévisible, l'Assemblée constituante, qui doit son pouvoir à la révolte, n'a d'autre alternative que d'abolir les privilèges - de façon ambiguë - dans la nuit du 4 août 1789. Car, si la Grande Peur réveille la solidarité paysanne contre un adversaire commun (le seigneur), elle fait aussi apparaître d'autres ennemis : « aristocrates » spéculateurs incarnés par les marchands de grains ou les bourgeois rentiers.

Grandes Chroniques de France,

somme historique élaborée progressivement du XIIIe au XVe siècle, pour partie par les moines de l'abbaye de Saint-Denis.

En 1274, Primat, moine à l'abbaye de Saint-Denis, compose, sur l'ordre du roi et en langue française, une histoire de la monarchie et du royaume de France depuis ses origines jusqu'à la mort de Philippe Auguste, en 1223. Il utilise pour son œuvre des chroniques élaborées précédemment à l'abbaye, spécialisée dans la recherche historique depuis le XIIe siècle. Des moines dionysiens (Guillaume de Nangis et Richard Lescot) poursuivent cet ouvrage jusqu'à la mort de Philippe de Valois, en 1350. Mais, lorsque Charles V décide de faire écrire l'histoire du règne de son père ainsi que celle du sien, il rompt avec la tradition d'une écriture monastique et confie l'ouvrage à son chancelier Pierre d'Orgemont. Les Chroniques de France sont alors prolongées jusqu'à 1380, date de la mort du monarque. C'est une œuvre royale, nationale et chrétienne qui contient tous les grands mythes de la monarchie et prend le parti de la famille royale. Ainsi, Richard Lescot, moine-chroniqueur des années 1328-1344, est-il le premier historien à invoquer la loi salique pour soutenir l'accession des Valois au trône.