protestants (suite)
Après l'assassinat du roi, en 1610, un certain affaiblissement du pouvoir pendant la minorité de Louis XIII inquiète les huguenots, d'autant que la cour impose par la force le rétablissement du catholicisme en Béarn, alors entièrement réformé. Une partie d'entre eux reprend la lutte, et la monarchie a besoin de cinq campagnes (la chute de La Rochelle, où 15 000 huguenots meurent de faim plutôt que de se rendre, en 1628, en est l'épisode le plus connu) pour venir à bout du parti protestant. L'édit d'Alès (1629), qui clôt cet épisode, confirme les clauses religieuses de l'édit de Nantes, mais les assemblées du parti protestant sont interdites, et ses places de sûreté disparaissent, provoquant un nouvel affaiblissement des huguenots, qu'une bonne partie de la noblesse abandonne dès le début du XVIIe siècle.
L'application « raisonnable » de l'édit (1629-1661).
• Durant une trentaine d'années, les protestants jouissent d'une relative tranquillité. Il est possible alors de prendre la mesure de ce qu'est un « protestant français ». D'une façon générale, être protestant, c'est refuser d'admettre qu'il puisse y avoir des objets, des lieux ou des temps sacrés, car il ne saurait exister d'autre intermédiaire entre Dieu et les hommes que Jésus-Christ, connu par la méditation personnelle des Écritures. C'est aussi pratiquer un culte dépouillé où la prédication tient une place centrale et où les deux seuls sacrements sont le baptême (simple signe de l'entrée dans l'Église) et la cène (communion spirituelle avec le corps et le sang du Christ). C'est encore pratiquer une religion « familiale » : matin et soir, le père de famille dit la prière et, s'il le peut, lit un passage de la Bible, et la maisonnée chante un psaume. C'est enfin adhérer à une nouvelle éthique, austère sur le plan des mœurs privées, où le modèle n'est plus le clerc célibataire, mais le laïc marié qui vit dans le monde ; elle célèbre la valeur du travail et autorise la réussite matérielle.
Les Églises protestantes peuvent former leurs pasteurs dans leurs académies (à Saumur ou à Montauban, notamment), établir leurs consistoires, réunir leurs synodes. Certains pasteurs, tels Jean Claude, Pierre Dumoulin, Pierre Jurieu ou Charles Drelincourt, acquièrent une réelle notoriété dans les débats théologiques. En dépit des prescriptions de l'édit de Nantes, qui ont prévu des subventions de l'État, ces Églises doivent s'autofinancer. Par ailleurs, les relations entre protestants et catholiques se normalisent peu à peu. Dans plus d'une petite ville du Midi, on constate même une collaboration plutôt harmonieuse, tandis que, dans la capitale, des huguenots, tels Valentin Conrart, le fondateur de l'Académie française, ou l'amiral Abraham Duquesne, se font connaître. Ces années voient aussi l'intégration de l'Alsace au royaume de France (en 1648, pour l'essentiel, et en 1681 pour la ville de Strasbourg, Mulhouse restant indépendante jusqu'à la fin du XVIIIe siècle). Or, cette province compte de nombreuses communautés protestantes, le plus souvent luthériennes, la Réforme ayant été introduite dès les années 1520 ; les protestants alsaciens, qui ne vivent pas sous le régime de l'édit de Nantes, conservent, dans un premier temps (avant 1680), l'ensemble de leurs droits religieux.
La tentative d'élimination du protestantisme français (1661-1685).
• Dès le début de son règne personnel, Louis XIV - sans doute inquiété par la révolution anglaise - inaugure une politique bien différente. Fortement encouragé par l'Église catholique, qui n'a jamais accepté le pluralisme religieux, il commence par appliquer l'édit de Nantes en l'interprétant de la façon le plus restrictive possible. On s'en prend d'abord aux institutions en interdisant, sous des prétextes divers, la célébration du culte dans de plus en plus de localités et en détruisant des temples. En outre, on exclut les huguenots d'un nombre croissant de professions, on supprime leurs écoles, on interdit les enterrements le jour, etc., le tout étant assorti d'une promesse d'avantages matériels pour ceux qui abandonneraient leur foi. Mais cette politique ne rencontre qu'un succès limité, et renforce le sentiment anticatholique des huguenots. La cour décide alors d'utiliser tous les moyens pour tenter d'éradiquer le protestantisme. Dès l'été 1681, les dragonnades - qui impliquent l'usage de tous les degrés de la violence - se multiplient. Terrorisés, de nombreux protestants cèdent et abjurent. Le 18 octobre 1685, Louis XIV signe l'édit de Fontainebleau, qui révoque l'édit de Nantes. En Alsace, le pouvoir exerce une intense pression ; mais, même s'il recourt fréquemment aux brimades et vexations, en général il n'use pas de la force ; le plus souvent, les protestants conservent la possibilité de célébrer leur culte.
Le temps des persécutions et de la clandestinité (1685-1787)
Répression et résistance (1685-1715).
• Ce n'est certes pas la première fois qu'un souverain demande à ses sujets de se convertir, mais l'édit de Fontainebleau a cela d'exorbitant - même pour l'époque - qu'il exige la conversion tout en interdisant l'émigration de ceux qui refusent d'abjurer, ce qui revient à nier leur liberté de conscience. En outre, comme il devient très vite évident que les huguenots ont uniquement cédé sous la contrainte et qu'ils ne sont nullement convertis, le pouvoir adopte, dans les années suivantes, des mesures de plus en plus répressives : amendes collectives, mise à mort pour les pasteurs, mise aux galères pour les hommes, emprisonnement interminable pour les femmes, enlèvement d'enfants, interdiction d'inhumer ceux qui ont refusé les sacrements catholiques (ils doivent être « jetés à la voirie ») ; sous peine de voir leurs enfants privés d'héritage, les huguenots doivent recourir à l'Église catholique pour se marier et faire baptiser leurs enfants, etc. Cet arsenal répressif est maintenu pendant un siècle. Les huguenots ont d'ailleurs coutume d'appeler cette période celle « du Désert », par allusion aux années d'épreuves vécues par le peuple d'Israël, après sa sortie d'Égypte, dans le désert du Sinaï.