Algérie (guerre d'). (suite)
Le revirement public du général de Gaulle a été accompagné par la majorité des forces politiques. De novembre 1954 à mars 1962, la France est passée d'un consensus favorable à l'Algérie française (les communistes, alignés sur les nationalistes algériens depuis 1946, s'en excluaient) à un autre consensus pour l'indépendance de l'Algérie (sauf l'extrême droite, qui a saisi là l'occasion de prouver son « patriotisme »). Pourtant, la guerre d'Algérie a divisé presque tous les partis : d'abord les gauches au pouvoir, de 1956 à 1958, avec Guy Mollet et Robert Lacoste, puis les droites, de 1958 à 1962. De Gaulle a été soutenu par tous ceux qui ont désiré une solution de compromis négociée avec le FLN, sans oser le dire par peur de l'armée et du nationalisme présumé de l'opinion publique. En réalité, les sondages publiés de 1956 à 1962 montrent que l'opinion de la métropole (contrairement à celle des Français d'Algérie) a très vite évolué vers la recherche d'une solution politique négociée, impliquant le droit à l'indépendance. La IVe République n'a pas été regrettée, précisément à cause de son impuissance à terminer cette guerre. La force du général de Gaulle fut de faire la politique souhaitée par la grande majorité de l'opinion métropolitaine, sinon de ses élites, nettement plus partagées. En effet, à partir des années 1956-1957, les révélations sur l'emploi de la torture déclenchèrent une « nouvelle affaire Dreyfus », dans laquelle se sont affrontés intellectuels de droite et de gauche. Cependant, leurs débats semblent avoir moins pesé sur le cours des événements que la crainte générale d'une guerre sans fin.
La paix d'Évian n'a pas tenu ses promesses de réconciliation : cessez-le-feu, amnistie générale, respect des personnes et des biens, constitution d'un État algérien par des élections libres, avec représentation proportionnelle des Français d'Algérie (bénéficiant d'une double nationalité pendant trois ans), aide française conditionnée par le respect de leurs intérêts et de ceux de la France. L'OAS tenta de rompre le cessez-le-feu par des attentats visant les quartiers musulmans d'Alger et d'Oran contrôlés par le FLN, et les forces armées restées fidèles au gouvernement. Le FLN riposta par des enlèvements de Français et d'Algériens compromis avec la France. Après le référendum du 1er juillet 1962 ratifiant les accords d'Évian, et après la transmission de la souveraineté française à un exécutif provisoire algérien sans autorité, la lutte pour le pouvoir entre les diverses factions du FLN et de l'ALN généralisa une sanglante anarchie, qui précipita l'exode vers la métropole de la quasi-totalité des Français d'Algérie et de dizaines de milliers de Français musulmans menacés de mort, puis d'Algériens privés de travail.
Pourtant, le gouvernement français a maintenu son aide financière et technique à l'État algérien, bien que celui-ci ait poursuivi le démantèlement des accords « néocolonialistes » d'Évian par des nationalisations, jusqu'à celle du pétrole saharien en 1971. Il a poursuivi la coopération scientifique et culturelle aussi longtemps que l'Algérie l'a jugée utile. Mais, la guerre civile algérienne, qui sévit dans les années 1990 et au début des années 2000, menace d'éliminer toute forme de présence et d'influence françaises en Algérie.
Contrairement aux deux guerres mondiales, la guerre d'Algérie a laissé en France un souvenir flou : date de commémoration officielle controversée et absence d'encouragement à la recherche historique, ignorance des jeunes générations, affrontement des mémoires antagonistes des partisans de la décolonisation et de leurs adversaires (rapatriés, harkis, militaires de carrière). Une histoire dépassionnée du conflit est nécessaire pour aider ceux qui l'ont vécu et leurs descendants à vivre ensemble en paix, d'autant que le problème de l'intégration d'une population d'origine musulmane dans la nation française se pose désormais en France même.