Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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missions intérieures. (suite)

• S'il semble que le XVIIIe siècle ait connu un essoufflement de l'ardeur missionnaire, le souci de reconquête des âmes, pendant la Restauration, va relancer les missions. Malgré un effort général, des différences apparaissent très vite, au gré des initiatives locales et, surtout, de la ferveur des populations. Les missions du XIXe siècle sont des missions de « réveil » de la foi plutôt que d'évangélisation. Elles sont parfois assurées par les jésuites et les montfortains, mais, d'une manière générale, par des compagnies de prêtres créées dans toute la France. L'évolution vers une forme de professionnalisation - ou, du moins, de spécialisation - est très nette. Les missionnaires ne manquent pas d'innover, en développant le recours aux images adaptées aux besoins et aux attentes des populations concernées, en organisant des conférences dialoguées ; ils essaient également, comme dans les grandes missions lancées dans l'ouest de la France, au cours des années 1920, de délivrer leur message dans des salles banalisées plutôt que dans des églises, de manière à toucher des non-pratiquants. Le degré de perfectionnement pédagogique ne peut cependant dissimuler une inadéquation de plus en plus évidente entre le message et les besoins, même si les missions rurales se poursuivent, au moins en Bretagne, jusque vers 1950. « Alors que les hommes du XVIIe siècle cherchaient explicitement le choc, la commotion spirituelle, ceux du milieu du XXe siècle procèdent par une action lente, plus technique, plus modeste aussi, tenant davantage compte du déchiffrement d'une réalité humaine » : on ne peut définir mieux que l'historien Michel Lagrée le passage du temps de la mission à celui de l'Action catholique.

Mitterrand (François),

homme politique (Jarnac, Charente, 1916 - Paris 1996).

Sa longévité politique, sa personnalité et, surtout, ses quatorze années de présidence ont fait de François Mitterrand l'une des figures de la vie politique du XXe siècle. Personnage énigmatique, il a suivi une trajectoire singulière qui lègue à l'historien nombre d'interrogations.

Sous le signe des années 1930 et de la guerre.

• Né dans une famille catholique de la bourgeoisie provinciale, François Mitterrand poursuit ses études secondaires au collège Saint-Paul d'Angoulême, où il affiche son penchant pour la littérature et l'histoire.

En 1934, il s'installe à Paris (chez les pères maristes), pour faire sa licence en droit et Sciences Po. Happé par le tourbillon politique, il s'engage à l'extrême droite - un engagement qui relève d'une culture familiale de droite exacerbée au contact de l'effervescence parisienne. Nombre d'étudiants de sa génération se tournent alors vers les extrêmes, au nom de la liberté de l'esprit. Il est vrai qu'en adhérant aux Volontaires nationaux des Croix-de-feu, Mitterrand exprime un besoin d'action pressant. Néanmoins, s'il manifeste, il n'aime guère les rixes du Quartier latin. Certes, il n'apprécie ni le Front populaire ni Léon Blum, il dénonce la « IIIe » ; mais, au fond, si la subversion et l'exaltation le charment, l'affrontement le rebute.

Diplômé en 1937, appelé au service militaire en 1938, mobilisé en 1939, il est blessé, fait prisonnier, puis envoyé en Allemagne en juin 1941. À la fin de l'année, il s'évade et, dès 1942, travaille au Commissariat au reclassement des prisonniers. Sa présence à Vichy, soulignée par l'« affaire de la francisque » (il est décoré en décembre 1943), a suscité un débat. Est-elle si étonnante ? Non, en raison du legs familial et de son récent passé politique. Certes, il est légitime de poser la question de son regard sur la politique antisémite de Vichy, mais cette interrogation ne saurait dénaturer la lecture de son « autre » guerre. Si Mitterrand adhère au régime de Vichy et de Pétain, comme tant de patriotes germanophobes croyant au recours, il finit par voir les limites de cette « solution » ; il refuse un poste au Commissariat aux questions juives et, à l'automne 1942, fonde un mouvement de Résistance de prisonniers et d'évadés. À la fin de 1943, « Morland » - son nom de guerre - s'envole pour Londres, puis Alger. Sa première entrevue avec de Gaulle prélude à leurs mauvaises relations de toujours : il refuse de fondre son mouvement avec les autres mouvements de prisonniers. À la Libération, pourtant, il est secrétaire général aux Prisonniers de guerre.

L'ascension.

• Mitterrand épouse Danielle Gouze en octobre 1944. Il n'a pas siégé à la Constituante. Il a été rayé de la liste des compagnons de la Libération. Qu'à cela ne tienne ! Il se lance en politique. Il échoue en juin 1946, puis est élu député de la Nièvre en novembre. Il rejoint l'UDSR, le pilier du centre droit. Il se méfie des communistes, mais souligne leur loyauté. Il se défie de la SFIO. Il est fidèle à ses amis d'extrême droite, et, pourtant, côtoie le groupe Octobre, un cénacle d'extrême gauche... L'homme porte l'éclectisme en bandoulière ; il n'est pas un idéologue. En dehors de son appétit politique, son profil reste flou. Seule certitude, il refuse le retour à la IIIe République, à son « catéchisme de la combine et du maquignonnage ».

En 1947-1948, Ramadier puis Schuman le nomment ministre des Anciens combattants. Il bénéficie alors de son « centrisme ductile », de sa réputation d'efficacité, que sa verve et son arrogance ne gâtent pas, au contraire, lors des débats parlementaires. Secrétaire d'État à l'Information, puis à la Présidence (1948-1949), il va devenir une personnalité de premier plan en accédant au ministère de la France d'outre-mer (juillet 1950-juillet 1951) : il éloigne le Rassemblement démocratique africain (RDA) de l'influence communiste, une manœuvre qu'apprécie le monde politique, majoritairement intégrationniste. Réélu député en 1951, il devient ministre d'État sous Edgar Faure : une promotion majeure. Puis le décalage vers la droite de la « troisième force » l'interdit de gouvernement. En juin 1953, Laniel le rappelle, comme ministre d'État du Conseil de l'Europe, mais Mitterrand démissionne en septembre pour protester contre la déposition du sultan du Maroc. Dans la foulée, rompu aux jeux d'appareil, il prend la direction de l'UDSR, puis se rapproche du mendésisme.