cahiers de doléances, (suite)
...aux aspirations politiques.
• La bourgeoisie, quant à elle, critique violemment l'absolutisme monarchique et l'arbitraire judiciaire, réclame une Constitution limitant le pouvoir royal et institutionnalisant une représentation nationale investie du droit de consentir l'impôt, revendique enfin l'égalité et la liberté d'opinion. Les cahiers urbains sont donc plus politiques, et la voix du petit peuple s'y efface plus encore derrière celle des notables.
La noblesse se montre elle aussi attachée aux libertés individuelle et d'opinion, et favorable à une limitation de l'absolutisme par certaines formes d'assemblées. Elle s'est plus ou moins résignée à une égalité fiscale partielle, mais défend ses privilèges honorifiques et la structure inégalitaire de la société, dont le vote par ordre est à la fois l'expression et le garant.
Les cahiers du clergé révèlent ses divisions internes. Le souhait d'une réforme de l'État s'exprime à peu près dans les mêmes termes que ceux du Tiers. Favorable à 85 % à l'égalité fiscale, le clergé reste cependant attaché au maintien de la distinction entre les ordres : seulement 15 % de ses membres demandent le vote par tête, et très peu aspirent à l'union avec le Tiers. Les simples curés réclament une amélioration de leurs conditions matérielles. L'ordre entier, enfin, rejette la tolérance religieuse et la liberté de la presse.
Globalement, même si les cahiers de doléances ont subi l'influence des notables ruraux, des hommes de loi et des bourgeois locaux, qui filtrent la parole populaire, ils sont, sans aucun doute, « authentiques ». Leur rédaction constitue non seulement une gigantesque prise de parole inédite, mais aussi une prise de conscience majeure : l'idée qu'il est possible de transformer l'ordre existant a pénétré l'univers mental du peuple français, contribuant fortement à l'explosion de l'été 1789.