homme politique, dirigeant socialiste, chef du gouvernement de la République en 1936-1937, 1938 et 1946-1947 (Paris 1872 - Jouy-en-Josas, Seine-et-Oise, 1950).
L'éveil à la politique.
• Léon Blum est né à Paris, le 9 avril 1872, dans une famille juive d'origine alsacienne marquée par des traditions religieuses, dont le jeune Léon se détourne très vite, même si, par la suite, il présentera son sens aigu de l'esprit de justice comme un lointain héritage de la foi de ses pères. Élève brillant, il est reçu à l'École normale supérieure en 1890, mais il en est exclu l'année suivante, à la suite d'un échec à l'examen de licence. Il se tourne alors vers la faculté de droit, et réussit, en 1895, le concours du Conseil d'État, où il fait carrière jusqu'en 1914, comme auditeur, puis comme maître des requêtes, avant de devenir commissaire du gouvernement. Il affirme alors un souci constant de protéger les droits individuels, tout en ménageant une possibilité d'arbitrage par la puissance publique. Parallèlement, Léon Blum se consacre à l'activité littéraire, publiant, à partir de 1892, des chroniques et des comptes rendus critiques dans la Revue blanche, qui compte alors parmi ses collaborateurs Gide, Proust et Anatole France. Essayiste, il rédige notamment Nouvelles conversations de Goethe avec Eckermann (1901), mélange révélateur de l'esprit « fin de siècle », marqué par le dilettantisme, l'esthétisme et l'égotisme, mais qui témoigne parfois d'une hardiesse de pensée bien en avance sur son époque.
Cependant, la politique n'est pas absente de cette première partie de l'existence de Léon Blum. En 1893, il fait la connaissance de Lucien Herr, bibliothécaire de l'École normale supérieure de la rue d'Ulm, qui l'initie aux théories socialistes et le convertit à la cause de Dreyfus. Dans le combat dreyfusard, mené avec passion, il rencontre Jean Jaurès, et se lie d'une amitié indéfectible avec le grand tribun. Pour Blum comme pour Jaurès, le socialisme ne peut, sans se renier, abandonner l'héritage de la République, mais il doit le dépasser, le but ultime restant la transformation totale de la société, fondée sur le changement du régime de la propriété. Ce socialisme de synthèse s'inspire peu du marxisme ; sans renoncer à l'idée de révolution - ce qui le distingue d'un réformisme -, il met en valeur les notions d'humanisme et de démocratie.
Personnalité indépendante, Blum, sous l'influence de Lucien Herr, découvre, en 1899, les nécessités de l'organisation en adhérant au groupe de l'Unité socialiste. Durant les années suivantes, aux côtés de Jaurès, il œuvre à l'unification des forces socialistes. Son rôle, sans être alors de premier plan, s'avère utile en pratique : Léon Blum, en effet, participe activement à la création et au lancement de l'Humanité en 1904, tant au point de vue financier que par sa collaboration littéraire. Il accepte comme un préalable à l'unité socialiste les conclusions du congrès d'Amsterdam portant condamnation du ministérialisme, bien qu'il ait, antérieurement, observé avec intérêt le déroulement de l'expérience Millerand, socialiste appelé à participer au gouvernement par Waldeck-Rousseau. Cependant, une fois l'unité réalisée au sein de la SFIO en avril 1905, et tout en restant très proche de Jaurès, Blum s'écarte de la politique militante, mal à l'aise, peut-être, devant les débats sur l'« antipatriotisme » internationaliste.
Blum et l'exercice du pouvoir.
• En 1914, rallié, à l'instar de son parti, à l'« union sacrée », il devient chef de cabinet de Marcel Sembat, ministre socialiste des Travaux publics, et occupe pendant vingt-sept mois ce poste, où il acquiert une connaissance précise des rouages du pouvoir. Ses réflexions, consignées dans les Lettres sur la réforme gouvernementale (publiées en 1918), le pousseront à réclamer l'instauration d'une présidence du Conseil dotée de réels moyens et soumise à un contrôle parlementaire rationalisé. Au sein du parti, membre de la majorité favorable à l'« union sacrée », il n'en émet pas moins des réserves face à la pratique réformiste de ses camarades, tout en condamnant sans équivoque la dictature bolchevique. Cette position « centriste » fait de lui une personnalité clé du parti au lendemain de la guerre.
Député, pour la première fois, à 47 ans, secrétaire du groupe restreint des socialistes élus en 1919 à la Chambre, il prend part à la controverse relative à l'adhésion à la IIIe Internationale. Irrémédiablement hostile aux méthodes bolcheviques, il fonde un « comité de résistance socialiste ». Lors du congrès de Tours, le 27 décembre 1920, il prononce le grand discours de refus aux « vingt et une conditions » : la SFIO, parti « d'éducation populaire et de propagande politique », ne peut, même si elle reste un mouvement révolutionnaire qui ne doit pas se laisser enfermer dans la légalité, se transformer en un organisme soumis à une direction clandestine, et dans lequel les minorités ne pourraient plus s'exprimer. Persuadé qu'il y a « contradiction formelle et absolue entre ce qui a été le socialisme et ce qui sera demain le communisme », Blum estime nécessaire que « quelqu'un garde la vieille maison ».