Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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Paris (suite)

Ces institutions complexes, qui sont le résultat de la sédimentation séculaire d'organes et de compétences, sont officiellement balayées le 15 août 1789 par une assemblée des « représentants de la Commune de Paris ».

En mai 1790, l'Assemblée nationale constituante précise le fonctionnement de la municipalité : divisée en quarante-huit sections, la ville est désormais gérée par un maire élu pour deux ans. Outre le conseil municipal, un conseil général de la Commune est institué. Ce système, dont le bon fonctionnement dépend de l'accord des sections, dure peu de temps : le 10 août 1792, au moment où la monarchie s'effondre, des « commissaires insurgeants » se constituent en Commune insurrectionnelle après avoir renversé la municipalité légale. Obligées par la Convention à procéder à de nouvelles élections pour mettre en place une Commune légale, les sections, en raison de nombreux votes contradictoires, mettront plusieurs mois à élire leurs représentants. Robespierre entend alors subordonner le nouveau conseil général de la Commune, dominé par Hébert, au pouvoir du Comité de salut public. Après la chute de la Commune hébertiste, en mars 1794, et après celle des partisans de Robespierre, le 10 thermidor an II (28 juillet 1794), la Commune n'a plus d'existence réelle : sur les 144 membres qui composent son conseil général, seuls 13 sont en liberté, les autres sont emprisonnés ou ont été guillotinés. La municipalité est officiellement supprimée, et la capitale passe sous la tutelle de l'État. Ces décisions sont confirmées en octobre 1795, lorsque le décret sur la division du territoire national remplace le département de Paris par le département de la Seine. Désormais, Paris relève d'un régime municipal d'exception.

Si l'on met à part l'année 1848 - deux maires sont nommés du 24 février au 19 juillet - et les années 1870 et 1871 - deux maires, François Arago et Jules Ferry, sont également nommés -, la ville n'aura plus de maire jusqu'à l'élection de Jacques Chirac, le 25 mars 1977. Les raisons d'une telle situation font l'objet d'un consensus, près de deux siècles durant, des acteurs de la vie politique et administrative : au fond, Paris est une ville à part. Le préfet de la Seine, le baron Haussmann, ne s'encombre d'ailleurs pas de périphrases lorsqu'il déclare : « La capitale appartient au gouvernement », et « si Paris est une grande ville, c'est surtout la capitale d'un grand Empire, voilà pourquoi c'est un préfet de l'Empire qui y remplit les fonctions administratives qu'exerce partout ailleurs un maire ». Sur un tout autre ton, en 1974, le Premier ministre, Jacques Chirac affirme encore, lors d'un entretien publié par France-Soir : « Le caractère très spécifique de la Ville de Paris ne permet en aucun cas d'envisager un maire élu. Paris est la capitale de la France, une ville d'une très grande ampleur où les problèmes sont bien particuliers, ce qui justifie que son organisation soit spécifique. »

Le poids politique et démographique de la ville au xixe siècle

L'une des principales caractéristiques de l'urbanisation de la France au XIXe siècle est la prééminence de sa capitale, mais aussi des communes qui l'environnent. En 1811, la ville intra muros compte 622 000 habitants et les communes de sa banlieue à peine 8 000, soit au total 630 000 habitants ; un siècle plus tard, sa superficie a doublé, sa population atteint 2 888 000 habitants et la banlieue 1 266 000 million, soit au total 4 154 000 millions.

La banlieue parisienne a toujours eu une croissance plus vigoureuse que la commune-centre, sauf pendant le Second Empire ; mais il s'agit là d'un artifice statistique dû à l'annexion des communes situées entre le mur des Fermiers généraux et les Fortifications (Belleville, Montmartre, Vaugirard...). L'agglomération parisienne - la définition en est constante - connaît un taux de croissance moyen annuel très supérieur à celui des autres villes de France, même si la période qui suit le Second Empire enregistre un net ralentissement.

Dès l'époque médiévale, l'émigration a joué un rôle essentiel dans la croissance urbaine. À la fin du XIXe siècle, un statisticien américain, Adna Weber, a bien montré la différence qui sépare à cet égard Londres de Paris : alors que, dans la capitale anglaise, la croissance naturelle (différence entre les naissances et les décès) représente 84 % de la croissance de la ville, le solde migratoire à Paris (différence entre l'immigration et l'émigration) rend compte des deux tiers de la croissance totale ; même l'annexion de la banlieue proche compte plus (20 %) que la croissance naturelle (15 %). Après les années 1870, l'immigration vers l'agglomération parisienne est essentiellement absorbée par les banlieues, et une différence apparaît en fonction de l'origine des migrants. Alors que ceux qui quittent de petites communes rurales s'installent en banlieue, les habitants originaires de grandes villes s'établissent à Paris intra muros. Dans ce dernier cas, il s'agit d'un véritable mouvement de délocalisation des élites. Jean Bouvier, étudiant les Bonnardel, une famille lyonnaise passée de la batellerie aux grandes affaires, décrit ainsi le phénomène : « En 1894, comme pour consacrer l'évolution produite, Jean-Marie Bonnardel quitte le terrain lyonnais et s'installe définitivement à Paris, au 44 de l'avenue des Champs-Élysées. C'en est fait : ce fils du capitalisme lyonnais abandonne en pleine force de l'âge, à 46 ans, le milieu qui l'a formé. »

Les habitants originaires de Paris qui élisent résidence en banlieue représentent, à cette époque, un banlieusard sur cinq. Les différences d'une commune à l'autre sont parfaitement perçues par les contemporains. De manière générale, on peut affirmer que, plus le niveau social d'une banlieue est élevé, plus la part des natifs de Paris y est forte. Cela est attesté par les monographies du conseil général de la Seine qui associent le caractère bourgeois des communes de l'Ouest avec la présence des villégiatures de Parisiens : « Par suite des goûts de villégiature dont les Parisiens témoignent de plus en plus et des facilités qu'ils ont à les satisfaire, les villas, luxueuses ou modestes, gagnent chaque jour davantage sur les terrains affectés à la culture... »