Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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Vadier (Marc Alexis Guillaume),

homme politique (Pamiers, Ariège, 1736 - Bruxelles 1828).

Membre du Comité de sûreté générale du 14 septembre 1793 au 1er septembre 1794 - soit durant tout l'an II de la Révolution –, Vadier est à ce Comité ce que Robespierre est au Comité de salut public. Fils d'un receveur des décimes du clergé de Pamiers, il est un temps soldat (1753-1757), puis petit propriétaire terrien dans sa région natale. En 1768, il commence des études de droit à Toulouse et, bachelier en 1770, il achète une charge de conseiller au présidial (tribunal local) de Pamiers. Élu député aux états généraux de 1789, il prête le serment du Jeu de paume mais ne joue alors guère de rôle politique marquant. Lorsque la Constituante se sépare, il devient président du tribunal du district de Mirepoix (Ariège). Député à la Convention en 1792, il siège avec les montagnards et vote la mort de Louis XVI. Sa véritable carrière commence au début de la Terreur, lorsqu'il est élu au Comité de sûreté générale, qu'il préside bientôt. Très actif, il fait poursuivre inlassablement prêtres, nobles et girondins, mais aussi Danton et les indulgents, contre lesquels il s'acharne et dont il obtient la condamnation, les faisant exclure des débats lors de leur procès. Il est surtout l'ennemi de Robespierre, qu'il juge trop modéré et dans lequel il veut voir un tyran. En fait, il s'agit là d'un conflit d'autorité, auquel s'ajoutent des griefs personnels, le Comité de salut public empiétant sur les compétences du Comité de sûreté générale. Après la fête de l'Être suprême, Vadier, athée notoire, exploite l'affaire Catherine Théot (une illuminée qui voit en Robespierre un Messie) contre l'Incorruptible, puis, profitant de l'absence de celui-ci, exacerbe les divisions au sein des deux Comités. Dénoncé sans être nommé le 8 thermidor an II (26 juillet 1794) par Robespierre, qui conclut à la nécessaire épuration du Comité de sûreté générale et à sa subordination au Comité de salut public, Vadier entre dans la conjuration du 9 Thermidor, où son intervention sera décisive. Resté montagnard après la chute de Robespierre, il est bientôt poursuivi comme terroriste et condamné par contumace à la déportation, après la journée du 12 germinal an III (1er avril 1795), à laquelle il n'a pris aucune part. Arrêté en juin 1796 à Toulouse, il est inclus dans la conjuration des Égaux, à laquelle il est pourtant étranger et, bien qu'acquitté, il demeure en prison jusqu'en septembre 1799. Dès lors, sous une constante surveillance policière, il vit dans la retraite, jusqu'aux Cent-Jours où il adhère à l'Acte additionnel. Il est condamné à l'exil, sous la Restauration, par la loi du 12 janvier 1816.

Vaillant (Marie Édouard),

ingénieur, médecin et homme politique (Vierzon, Cher, 1840 - Saint-Mandé 1915).

Né d'un père notaire et homme d'affaires, et d'une mère attachée à sa foi catholique, Édouard Vaillant n'était pas appelé à devenir le socialiste révolutionnaire qu'il fut. Sorti ingénieur de l'École centrale en 1862, il est reçu docteur ès sciences en 1865 et docteur en médecine. Il partage alors avec une partie de la « Jeunesse des Écoles » du Quartier latin des sentiments proudhoniens, dont il se défait lors d'un séjour en Allemagne pour se rapprocher du blanquisme. Dans le même temps, il adhère à la Ire Internationale.

Combattant durant la guerre de 1870, il se montre patriote, hostile à tout abandon. La Commune le nomme à sa commission exécutive en tant que délégué à l'Instruction publique. Si le temps lui manque pour accomplir des transformations profondes, il s'efforce pourtant d'en jeter les bases : laïcisation, enseignement technique et féminin, réforme démocratique des études médicales. Après la Semaine sanglante, il se réfugie à Londres, où il fait la connaissance de Karl Marx, à la pensée duquel il se rallie, avant de revenir à ses convictions blanquistes. Rentré en France après l'amnistie de juillet 1880, il devient en 1881 l'un des principaux dirigeants d'un petit parti blanquiste, le Comité révolutionnaire central, qui se transforme en 1898 en Parti socialiste révolutionnaire. Élu conseiller municipal du XXarrondissement de Paris en 1884, il y est ensuite régulièrement élu député de 1893 à 1914. Il ne cesse de jouer un rôle de premier plan dans l'histoire du socialisme français et international, participant notamment en 1901 à la création du Parti socialiste de France. Il est dreyfusard, travaille à l'unification des mouvements socialistes et lutte contre la guerre, au coude à coude avec Jaurès. En 1914, une fois le conflit déclaré, il s'engage avec ferveur dans la politique d'« union sacrée », renouant sans doute avec l'esprit de 1870.

Valérien (mont)

, colline qui domine la ville de Suresnes, à l'ouest de Paris ; site religieux au Moyen Âge et à l'époque moderne, puis site militaire, un fort y ayant été bâti, devenu, après 1945, un haut lieu de la mémoire du second conflit mondial.

La colline a longtemps été habitée par des ermites avant que, en 1634, un prêtre nommé Hubert Charpentier y fonde une congrégation et y élève un calvaire et un chemin de croix. Construit en 1830, consolidé lors de l'édification de l'enceinte de Paris en 1840, le fort du mont Valérien joue un rôle important en 1870-1871 : resté sous le contrôle des Français lors du siège de Paris, il permet de tenir les Prussiens à distance, et sert de point d'appui au moment de la vaine tentative de sortie dite « de Buzenval » (19 janvier 1871) ; pendant la Commune, il est tenu par les troupes versaillaises, qui repoussent l'offensive des fédérés en direction de Versailles, le 3 avril. Il abrite ensuite une prison et des unités télégraphiques militaires.

Pendant l'Occupation, plusieurs milliers de personnes, tirées des camps de détention ou des prisons, sont exécutées par les nazis dans les fossés qui entourent le fort. Ce dernier devient, dès 1945, un lieu de commémoration, symbole des sacrifices de la Résistance mais surtout haut lieu de la mémoire gaullienne : le 11 novembre 1945, l'inhumation - dans une crypte surmontée d'une croix de Lorraine - de 15 victimes de la guerre (3 résistants, 2 déportés, un prisonnier mort en captivité, 9 combattants de la France libre), puis, le 18 juin 1946, la cérémonie au cours de laquelle le général de Gaulle ranime la flamme de la crypte avec un flambeau allumé sur la tombe du Soldat inconnu de l'Arc de triomphe, inscrivent les morts de 39-45 dans la lignée de ceux de 14-18. Sous la IVe République, de Gaulle se rend chaque année au mont Valérien pour y célébrer l'anniversaire du 18 Juin. Dès son retour au pouvoir en 1958, il y fait élever le Mémorial de la France combattante, et, l'année suivante, y inaugure une dalle perpétuant le souvenir des prisonniers exécutés par les Allemands. En 1981, le président Mitterrand y vient à son tour célébrer l'Appel du 18 juin. De 1954 à 1985, les cérémonies de la Journée nationale de la déportation se déroulent au mont Valérien, avant que d'autres lieux ne lui soient préférés. À la fin du XXe siècle, le recul de la mémoire privilégiant, à la manière gaullienne, l'unité nationale et l'émergence d'une mémoire spécifique du génocide ont retiré au mont Valérien une partie de son importance.