Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
M

mercantilisme,

politique d'intervention économique visant à augmenter la richesse monétaire par l'excédent commercial.

Le « système mercantile », que dénoncent Adam Smith et les libéraux à la fin du XVIIIe siècle, n'est pas vraiment une doctrine achevée mais plutôt un ensemble de pratiques fort anciennes.

Un nationalisme économique.

• Dans les cités médiévales comme sous le règne de Louis XI, notamment, les autorités politiques veillaient déjà à réglementer certaines activités économiques et à se protéger contre la concurrence de leurs voisins. Peu à peu, avec le renforcement de la monarchie, l'idée d'une unité économique nationale est apparue. Au XVIIe siècle, le développement des appareils administratifs et l'invention - par Laffemas et Montchrestien - de l'économie politique comme théorie du gouvernement ont légitimé une conception instrumentale de l'économie : la richesse du pays est mise au service de la puissance monarchique ; elle doit manifester la grandeur de l'État et la gloire du monarque. Il faut un pays prospère pour contribuer à l'impôt et entretenir une armée nombreuse. Le mercantilisme est une sorte de « nationalisme économique » avant la lettre, au service de l'État royal.

Ces idées sont fort communes dans l'Europe d'Ancien Régime, mais c'est en France qu'elles trouvent leur expression la plus rigoureuse et la plus systématique avec Colbert : d'où le terme de « colbertisme », souvent synonyme de « mercantilisme ».

Colbert et la « guerre d'argent ».

• Pour le ministre de Louis XIV, la richesse d'un pays réside dans son stock de métaux précieux. Comme l'or et l'argent n'existent qu'en quantité finie, les États se trouvent nécessairement en concurrence pour attirer sur leur territoire le maximum d'espèces métalliques. Le commerce international est le principal instrument de cette « guerre d'argent » : chaque pays essaie d'éviter toute sortie d'espèces et de s'assurer une balance commerciale excédentaire. L'échange est considéré comme un jeu à somme nulle, dans lequel ce qui est gagné par l'un est perdu par l'autre. Chacun se bat alors pour avoir une plus grosse part d'un gâteau dont le volume serait fixe. C'est une vision assez pessimiste de l'économie, qui exclut toute idée d'une croissance possible. Il faut donc exporter plus qu'on importe, vendre des produits à forte valeur ajoutée (les biens manufacturés) et n'acheter que des marchandises bon marché (des matières premières).

Toute la politique de Colbert est marquée par cette obsession de la balance commerciale. L'essor des exportations passe par un effort intense d'encouragement aux manufactures, sous la forme de subventions et de privilèges royaux. Colbert tente aussi d'attirer en France les meilleurs techniciens étrangers. Il réglemente certaines fabrications, car il est persuadé que seule la qualité élevée des produits leur garantit des débouchés extérieurs. Il freine les importations par des tarifs douaniers prohibitifs pour décourager la concurrence étrangère sur le marché intérieur. Il développe aussi la marine et les compagnies de commerce, auxquelles il accorde des monopoles afin de réserver aux nationaux le bénéfice des échanges. Ces compagnies ont pour mission de conquérir des colonies afin de s'assurer un approvisionnement en matières premières à bas prix et de futurs marchés d'exportation.

Un bilan mitigé.

• Cette politique commerciale agressive donne une impulsion incontestable à l'économie française, mais elle conduit à la guerre avec la Hollande, et son volontarisme ne rencontre pas la pleine adhésion des milieux d'affaires. L'écart reste grand entre les objectifs posés et les résultats obtenus.

Au XVIIIe siècle, les libéraux remettent en cause les fondements mêmes des politiques mercantilistes : à leurs yeux, la richesse ne réside pas dans l'accumulation de monnaie mais dans la circulation accrue des marchandises ; la notion de croissance ruine la vision pessimiste d'une quantité finie de richesse sur terre ; surtout, l'idée apparaît que l'échange peut profiter aux deux partenaires. Le mercantilisme, économie politique de la rareté, semble dépassé à ceux qui entrevoient l'univers enchanté de la consommation généralisée.

Mercier (Louis Sébastien),

écrivain (Paris 1740 - id. 1814).

Polygraphe infatigable, auteur d'une œuvre abondante, Mercier est un personnage mal connu. Fils d'un marchand fourbisseur, orphelin de mère à l'âge de 3 ans, il est élève externe au Collège des Quatre-Nations à partir de 1749. On sait peu de choses sur ses études et sur sa jeunesse, sinon qu'il fréquente le café Procope à la fin des années 1750, qu'il va au théâtre et qu'il admire Voltaire. En 1763, il écrit son premier texte en vue d'obtenir un prix de l'Académie française et part enseigner la rhétorique à Bordeaux jusqu'en 1765. Revenu à Paris, il se consacre à l'écriture et s'essaie à tous les genres : poésie, discours, contes philosophiques et moraux, théâtre. En 1770, il publie un roman d'anticipation dans la tradition utopiste, l'An 2440, rêve s'il en fut jamais, qui lui vaut une certaine célébrité. À cette époque, il rencontre Rousseau, qui exerce sur lui une influence déterminante et auquel il consacrera un ouvrage en 1791. Dans la décennie 1770, il écrit de nombreuses pièces ainsi que des essais sur le théâtre. Au cours d'un voyage à Londres (1780), lui vient l'idée d'un tableau comparatif de Paris et de Londres : c'est ainsi qu'il commence à rédiger son œuvre majeure, le Tableau de Paris (publié en six volumes, de 1781 à 1788), qui sera suivie en 1798 des six volumes du Nouveau Paris. À la parution des premiers volumes, Mercier doit fuir en Suisse, où il demeure quatre ans, travaillant au Tableau de Paris et rédigeant une sorte de Journal, Mon bonnet de nuit. Rentré à Paris à la fin de 1785 ou au début de 1786, il s'intéresse de plus près aux affaires politiques, dans le cadre de l'effervescence pré-révolutionnaire. Attentif aux questions politiques et sociales, il publie entre 1789 et 1791 une feuille d'opinion, les Annales patriotiques et littéraires, et collabore à d'autres journaux favorables à la Révolution. Député à la Convention en 1792, proche des girondins, il s'élève contre la Terreur, est arrêté en octobre 1793 et libéré après le 9 Thermidor. Il réintègre alors l'Assemblée et poursuit sa carrière politique à la Convention, puis au Conseil des Cinq-Cents jusqu'en 1797. Membre de l'Institut, il continue à écrire, dédiant notamment au Premier consul sa Néologie, dictionnaire de mots nouveaux qu'il souhaite mettre à la disposition des jeunes auteurs et qui a exercé une certaine influence au début du XIXe siècle. Critique à l'égard du régime napoléonien, il reste en retrait de la vie publique et des honneurs de l'Empire. Il meurt oublié de tous, et son œuvre, d'une originalité féconde, n'a été redécouverte que ces dernières décennies.