Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
C

Calas (affaire), (suite)

Elle revêt une importance historique avec l'intervention de Voltaire. Marc-Antoine s'est-il pendu dans la maison familiale, le soir du 13 octobre 1761, comme le prétendront les Calas sur conseil de l'avocat ? Cette thèse, tardive, se heurte à de sérieuses difficultés. Est-ce un crime de rôdeur, une vengeance ? La police toulousaine, dans une ville très marquée par les divisions religieuses, a forgé son opinion : il s'agit d'un assassinat familial, voire commandé par le parti protestant, à l'encontre d'un fils prétendument en voie de conversion - il lui fallait un certificat de catholicité pour être avocat. Le parlement aboutit à la même conclusion, par huit voix contre cinq. Marc-Antoine est inhumé solennellement en terre catholique ; Jean Calas, torturé, roué en place publique, étranglé et brûlé. Le 18 mars, cependant, les autres membres de la famille sont acquittés, à l'exception d'un fils, banni à perpétuité. Ont été déterminants les déclarations contradictoires des Calas mais aussi le fiévreux climat religieux de la cité - le pasteur Rochette, en mission clandestine, est exécuté le 19 février 1762 ; le 17 mai, on célèbre le massacre des protestants perpétré à Wassy en 1562.

Informé le 20 mars, Voltaire, très agacé par les pasteurs genevois, hostiles à tout ce qu'il aime (les arts, le luxe, la tolérance, le déisme), renvoie d'abord dos à dos les fanatiques : il ne sera ni pour Toulouse ni pour Genève, deux figures de « l'Infâme ». Mais il enquête, et, dès le 4 avril, il est convaincu de l'innocence des Calas : « Criez, et qu'on crie ! » Pendant trois ans, il ne cessera de faire entendre à toute l'Europe lettrée « le cri du sang innocent ». Une prodigieuse machine d'agitation et de persuasion se met en marche : orale, épistolaire, éditoriale (Traité sur la tolérance, à l'occasion de la mort de Jean Calas, 1763, etc.), graphique (souscription lancée pour graver une estampe). En 1763, le Conseil du roi autorise à faire appel contre le jugement de Toulouse. Le 9 mars 1765, Calas est réhabilité.

C'est la première fois qu'un écrivain porte une affaire judiciaire devant l'opinion publique. Seul Voltaire, riche et glorieux, pouvait se le permettre. Le succès tient donc à l'émergence d'une opinion éclairée, à la promotion du grand homme, mais aussi à la vivace rivalité du roi et des parlements.

calendrier.

L'Europe chrétienne a hérité du calendrier julien, calendrier solaire romain promulgué par Jules César en 46 avant J.-C., qui divise l'année en 365 jours, plus un jour supplémentaire tous les quatre ans.

Les enjeux du calendrier.

• La datation des années a toutefois longtemps posé problème. Empereurs, rois et papes du Moyen Âge s'inspirent d'abord du système romain et utilisent les années de leur règne ou de leur pontificat pour dater les textes produits par leurs chancelleries. Cependant, après les travaux du moine Denys le Petit à Rome entre 530 et 550, l'ère chrétienne qui débute avec l'année présumée de la naissance du Christ, est progressivement adoptée. La diffusion de ce calendrier est nettement favorisée par les Carolingiens à partir du IXe siècle. En revanche, la date du premier jour de l'année reste longtemps fluctuante selon les régions. En effet, la date romaine traditionnelle du 1er janvier est concurrencée par d'autres jours, tels le 25 décembre, jour de Noël, le 25 mars, jour de l'Annonciation, ou encore le jour de Pâques. Ce dernier est très couramment utilisé du XIe au XVIe siècle, à l'exemple des usages de la chancellerie royale. Ce n'est qu'en 1574 qu'un édit de Charles IX rend obligatoire l'usage du 1er janvier comme premier jour de l'année dans tout le royaume. À la même époque, le retard de dix jours accumulé en quinze siècles par le calendrier julien sur le calendrier astronomique perturbant de plus en plus le calendrier religieux, la papauté entreprend une réforme : le calendrier grégorien, mis au point grâce aux progrès de l'astronomie, est promulgué par Grégoire XIII le 24 février 1582 ; il est adopté dans le royaume en décembre de la même année. Mais les régions protestantes demeurent longtemps réticentes face à une initiative que la papauté inscrit dans le cadre de la Réforme catholique : l'Alsace et Strasbourg n'adoptent ainsi le calendrier grégorien qu'à la suite de leur intégration au royaume en 1648 et 1682.

Symbolique du temps.

• Le calendrier renvoie aussi à l'organisation du temps pendant l'année, tâche impartie d'abord à l'Église : la succession des grands « temps » liturgiques (Avent, Noël, Carême, Pâques) et des nombreuses fêtes religieuses rythme la vie du chrétien et inscrit celle-ci dans le cadre de l'histoire du salut. Il en est d'ailleurs de même des journées, divisées en heures canoniales, dont la durée varie avec le cours des saisons, avant que ne s'impose progressivement, d'abord en milieu urbain avec l'essor des horloges et des pendules à partir des XIVe et XVe siècles, puis dans les campagnes, le temps mathématique des heures à durée égale. Toutefois, le calendrier agricole reste le principal outil d'organisation du temps d'une société très largement paysanne. En témoignent les représentations du calendrier au tympan des églises romanes et gothiques ou les livres pieux des princes de la fin du Moyen Âge, telles les Très Riches Heures du duc de Berry, qui rappellent le rôle fondamental joué par la succession des saisons et des activités rurales (taille de la vigne, fenaison, moisson, vendange, semailles, glandée) dans la société traditionnelle.

calendrier républicain,

calendrier révolutionnaire remplaçant le calendrier grégorien entre le 24 novembre 1793 et le 1er janvier 1806.

Le 22 septembre 1792, au lendemain de l'abolition de la royauté, la Convention nationale décide de dater tous les actes publics de l'an I de la République française, puis charge le Comité d'instruction publique de refondre le calendrier. L'idée n'est pas inédite, les années précédentes étant souvent datées du nouvel âge de la liberté. En 1792, les révolutionnaires entendent rompre avec « l'ère vulgaire » de la monarchie, synonyme d'esclavage. En décrétant l'ère nouvelle, celle de la « régénération » des Français, il s'agit de fixer la mémoire collective à partir de la fondation de la République, début d'une histoire qui doit être éternelle et irréversible. Cette tentative de maîtriser le temps, proche de l'utopie, est à la fois politique et pédagogique. Après un an de travaux, la Convention adopte, le 5 octobre 1793, un premier projet proposé au nom du Comité par le mathématicien Romme, puis, le 24 novembre de la même année, le projet définitif présenté par Fabre d'Églantine. Conçue selon le système décimal, l'année débute le 22 septembre ; elle compte douze mois de trente jours divisés chacun en trois décades de dix jours, auxquels s'ajoutent en fin d'année cinq jours complémentaires (les sans-culottides) et un sixième jour en période bissextile (la franciade). Les noms des mois s'inspirent des saisons et de l'agriculture : vendémiaire, brumaire, frimaire (automne), nivôse, pluviôse, ventôse (hiver), germinal, floréal, prairial (printemps), messidor, thermidor, fructidor (été). Le dimanche, les fêtes chrétiennes et les saints sont remplacés par des symboles révolutionnaires ou agrestes. Le calendrier, qui prend forme en l'an II de la République, période la plus radicale de la Révolution, et au plus fort de la déchristianisation, veut opposer à l'imaginaire ancien, dominé par le « fanatisme » religieux, une nouvelle mesure du temps liée à la nature et réglée par « la raison et la philosophie ». Perturbant le quotidien, bousculant des habitudes séculaires, il n'est guère appliqué par les ruraux et gêne le commerce et les affaires. Les autorités peinent à l'imposer et doivent parfois sévir : ainsi le Directoire, qui institue de grandes fêtes décadaires et punit la célébration du dimanche. Peu à peu vidé de sa substance, mais constituant, en quelque sorte, un rempart contre le retour de la monarchie, il survit au Consulat, avant d'être aboli sous l'Empire par le sénatus-consulte du 22 fructidor an XIII (9 septembre 1805), qui réintroduit le calendrier grégorien à dater du 1er janvier 1806.