Calas (affaire), (suite)
Elle revêt une importance historique avec l'intervention de Voltaire. Marc-Antoine s'est-il pendu dans la maison familiale, le soir du 13 octobre 1761, comme le prétendront les Calas sur conseil de l'avocat ? Cette thèse, tardive, se heurte à de sérieuses difficultés. Est-ce un crime de rôdeur, une vengeance ? La police toulousaine, dans une ville très marquée par les divisions religieuses, a forgé son opinion : il s'agit d'un assassinat familial, voire commandé par le parti protestant, à l'encontre d'un fils prétendument en voie de conversion - il lui fallait un certificat de catholicité pour être avocat. Le parlement aboutit à la même conclusion, par huit voix contre cinq. Marc-Antoine est inhumé solennellement en terre catholique ; Jean Calas, torturé, roué en place publique, étranglé et brûlé. Le 18 mars, cependant, les autres membres de la famille sont acquittés, à l'exception d'un fils, banni à perpétuité. Ont été déterminants les déclarations contradictoires des Calas mais aussi le fiévreux climat religieux de la cité - le pasteur Rochette, en mission clandestine, est exécuté le 19 février 1762 ; le 17 mai, on célèbre le massacre des protestants perpétré à Wassy en 1562.
Informé le 20 mars, Voltaire, très agacé par les pasteurs genevois, hostiles à tout ce qu'il aime (les arts, le luxe, la tolérance, le déisme), renvoie d'abord dos à dos les fanatiques : il ne sera ni pour Toulouse ni pour Genève, deux figures de « l'Infâme ». Mais il enquête, et, dès le 4 avril, il est convaincu de l'innocence des Calas : « Criez, et qu'on crie ! » Pendant trois ans, il ne cessera de faire entendre à toute l'Europe lettrée « le cri du sang innocent ». Une prodigieuse machine d'agitation et de persuasion se met en marche : orale, épistolaire, éditoriale (Traité sur la tolérance, à l'occasion de la mort de Jean Calas, 1763, etc.), graphique (souscription lancée pour graver une estampe). En 1763, le Conseil du roi autorise à faire appel contre le jugement de Toulouse. Le 9 mars 1765, Calas est réhabilité.
C'est la première fois qu'un écrivain porte une affaire judiciaire devant l'opinion publique. Seul Voltaire, riche et glorieux, pouvait se le permettre. Le succès tient donc à l'émergence d'une opinion éclairée, à la promotion du grand homme, mais aussi à la vivace rivalité du roi et des parlements.