Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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radical (Parti). (suite)

Survie du radicalisme ?

• À la Libération, le Parti radical souffre d'un triple handicap : il incarne la IIIe République, régime qu'une large majorité de l'opinion réprouve ; il n'est pas représentatif de l'esprit de la Résistance, même si certains de ses dirigeants ont participé au combat contre l'occupant et le régime de Vichy (Henri Queuille, Pierre Mendès France) et en ont été victimes (Jean Zay, Maurice Sarraut, Jean Moulin) ; enfin, son attachement à la propriété et à l'individualisme n'est guère en phase avec l'esprit réformateur qui souffle au lendemain de la Libération. Les résultats électoraux de 1945 et de 1946 illustrent le déclin d'un parti qui n'a pas sa place dans la configuration politique du tripartisme (formé par le PCF, la SFIO et le MRP).

La rupture du tripartisme, en 1947, offre au Parti radical une nouvelle chance puisque les coalitions de la « troisième force », qui se succèdent au pouvoir jusqu'en 1951, font appel à lui. À nouveau, les radicaux occupent des responsabilités importantes, dans les Assemblées de la IVe République (Édouard Herriot, Gaston Monnerville, Albert Sarraut) et à la tête de plusieurs gouvernements (André Marie, Henri Queuille, René Mayer). Dans la continuité du néoradicalisme des années 1938-1940, le radicalisme persiste dans son hostilité au communisme, se montre très réservé quant aux réformes de structure et au rôle de l'État dans l'économie, même s'il est favorable à certaines lois sociales (la Sécurité sociale). Demeuré attaché à la République parlementaire, il s'éloigne néanmoins de la laïcité militante. La reconstruction du parti sur des bases sociologiques traditionnelles mais de plus en plus discordantes par rapport à la France du début des années 1950 (« le parti des boutiquiers, des bureaux de tabac, des banquets législatifs..., des vertus moyennes », dénoncé par Albert Camus) limite le dynamisme d'une organisation politique dont l'électorat demeure celui des zones rurales (le Sud-Ouest, la Normandie, la Bourgogne). Seules des personnalités très influentes parviennent à maintenir une tradition en milieu urbain (Herriot à Lyon, Baylet à Toulouse).

Pierre Mendès France tente alors un effort de rénovation du parti. Connaisseur réputé des problèmes internationaux et expert économique plus que militant et politicien, il souffre d'un certain isolement au sein du Parlement. Mais l'enlisement dans lequel s'enfonce la IVe République lui confère le statut d'homme providentiel. En développant quelques thèmes choisis - la modernisation économique et sociale, le choix de l'avenir, la paix en Indochine -, il crée une dynamique autour de son nom, que relaie l'hebdomadaire l'Express. Son expérience gouvernementale, à partir de juin 1954, impressionne favorablement l'opinion mais inquiète les parlementaires : une opposition composite renverse son gouvernement en février 1955. Fort de sa popularité, « PMF » conquiert le parti, y attire des jeunes et des cadres, et élargit son audience électorale. Mais cette tentative se brise sur le drame algérien et la crise du régime : le Parti radical se disloque, et son aile droite fait sécession pour créer le Centre républicain.

L'avènement de la Ve République accélère l'effacement et le déclin du Parti radical. Divisés sur la Constitution de 1958 et les grandes orientations politiques du général de Gaulle, les radicaux perdent peu à peu leurs militants les plus dynamiques (exclusion des mendésistes, en 1959), et même leurs électeurs : dans la première Assemblée de la Ve République, ils ne peuvent constituer un groupe parlementaire. Le Parti radical se réfugie dans l'opposition : s'il approuve, majoritairement, la politique algérienne, il dénonce la « monarchie républicaine », le recours au « plébiscite », les complaisances pour l'école privée. Le tournant constitutionnel de 1962 (l'élection du président de la République au suffrage universel) pousse les radicaux à rejoindre une coalition. La majorité d'entre eux (avec Maurice Faure, président du parti depuis 1961) souhaitent une nouvelle « concentration des centres ». Mais la bipolarisation de la vie politique - résultante de l'élection présidentielle - les contraint au choix de la gauche en 1965 et les fait participer à la Fédération de la gauche démocrate et socialiste (FGDS) de François Mitterrand, qui échoue toutefois aux législatives de juin 1968.

Une nouvelle tentative de rénovation est engagée en 1969-1970 par Jean-Jacques Servan-Schreiber (« JJSS »), ancien mendésiste et fondateur de l'Express. En février 1970, « JJSS » rédige le manifeste « Ciel et terre », qui devient la charte du parti. Résolument moderniste, notamment en matière économique, cette « réforme radicale » s'inspire du socialisme scandinave et obtient quelques succès auprès des jeunes et des cadres. Toutefois, la création d'un Mouvement réformateur (1971) inquiète nombre de parlementaires radicaux, élus grâce aux reports des voix socialistes et communistes. La signature du programme commun de gouvernement par le PS et le PCF en 1972 provoque une nouvelle scission.

Sous l'impulsion de Servan-Schreiber, le Parti radical « valoisien » (ainsi qualifié à cause de son adresse, place de Valois, à Paris) rejette l'alliance avec les communistes et tente de rassembler les centristes réformateurs, en se rapprochant du Centre démocrate de Jean Lecanuet. Lors de l'élection présidentielle de 1974, la majorité des radicaux valoisiens appuie Valéry Giscard d'Estaing, puis, en 1978, rejoint l'UDF. L'aile qui accepte le programme commun constitue, en 1973, le Mouvement des radicaux de gauche (MRG), qui parvient à obtenir des sièges à l'Assemblée grâce à son alliance avec le PS.

À l'évidence, le radicalisme est vassalisé depuis les années 1970. Les quelques velléités d'autonomie sont sans lendemain : le candidat du MRG à l'élection présidentielle de 1981 - Michel Crépeau - n'obtient qu'un nombre infime de suffrages, et les gouvernements de gauche ne laissent que peu de place aux radicaux. De même, les valoisiens ne peuvent guère assurer leur identité au sein de l'UDF. Néanmoins, subsiste un « esprit radical », puisque, selon le politologue Hugues Portelli, le socialisme, depuis les années 1980, a assumé l'héritage du plus ancien parti de France.