Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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féodalité (suite)

Féodalité et pouvoir central

L'historiographie contemporaine, sans bouleverser totalement le schéma traditionnel de la féodalité, lui a cependant apporté de nombreuses retouches, en révélant que plusieurs éléments fondamentaux, longtemps considérés comme sûrs, devaient au contraire être fortement mis en doute. Ainsi, pensait-on que la féodalité était liée à la disparition de la notion de fonction publique. Or c'est en s'appuyant sur cette notion, bien plus que sur le droit foncier des fiefs, que les comtes, héritiers de cette ancienne puissance publique, et, plus tard, les châtelains, détenteurs des châteaux qui représentent le lieu d'exercice de cette puissance publique, ont pu exercer sur les populations leur autorité - au titre de la seigneurie banale, beaucoup plus que de la seigneurie foncière. C'est en effet au château que se tient la cour de justice, que s'exerce le ban, c'est-à-dire le pouvoir de coercition, droit de commander, de contraindre et de punir, ou de rassembler les guerriers, l'ost féodal. En outre, contrairement à ce que l'on croyait, la plupart des guerriers ne devaient pas le service militaire au seigneur ou au roi suzerain au titre des fiefs ou bénéfices qu'ils tenaient d'eux, mais à titre de sujet obéissant à une réquisition du pouvoir « public » représenté par le roi ou ses agents.

Par ailleurs, on a pu démontrer que les liens de la féodalité ont enserré, aux XIe et XIIe siècles, beaucoup moins de terres et d'hommes qu'on ne l'imaginait. Loin d'être un ensemble de terres détenues en bénéfice ou en fief, la France des temps féodaux comptait nombre d'alleux. Les alleux, terres possédées en toute propriété (donc ne supportant aucun service de type féodal), demeurent en effet nombreux, non seulement dans le Midi - où l'on sait depuis longtemps que les rites de la féodalité s'établissent peu avant la fin du XIIe siècle –, mais aussi dans les régions que l'on considérait comme le « berceau de la féodalité », entre Seine et Meuse. On en vient aujourd'hui à se demander s'il ne faut pas considérer l'alleu comme la règle, et non l'exception. En revanche, c'est dans le Midi, où l'autorité royale se fait plus lointaine, que se développe précocement le phénomène d'émancipation des châtellenies. Ici, ce n'est donc pas la féodalité qui a affaibli le pouvoir royal, ni la faiblesse de ce pouvoir qui a conduit à la féodalité. Inversement, en Angleterre, la féodalité a été implantée d'en haut, après 1066, par un pouvoir central particulièrement fort, celui des ducs normands conquérants. Le développement de la féodalité au sens strict du terme n'est donc pas entièrement lié au déclin du pouvoir central.

On s'interroge aussi sur l'ampleur du phénomène féodo-vassalique, dont les rites, si souvent décrits, ne concernaient somme toute qu'un petit nombre d'hommes. Au terme d'un livre érudit et vigoureux, Robert Fossier pouvait conclure - et pas seulement sous forme de boutade - qu'au sens juridique du terme, aux XIe et XIIe siècles, « la féodalité n'existe pas ». Plus récemment encore, d'autres travaux ont renouvelé notre conception même des « temps féodaux », en soulignant combien la lecture que nous avons de la féodalité s'inspire de mentalités jacobines, qui nous conduisent à considérer comme « nécessairement bénéfique » l'existence d'un pouvoir central fort et comme un indice de « déclin de la civilisation » l'affaiblissement de ce pouvoir central au profit d'entités plus locales. En outre, en raison des difficultés administratives de l'époque, le système seigneurial (expression qu'il faut désormais préférer à système féodal) était peut-être le seul viable.

Enfin, certains historiens remettent en cause la connaissance même que nous croyions avoir de la « féodalité », notion juridique qui serait née non pas aux Xe et XIe siècles, mais bien plus tard, après le XIIe siècle, au moment où les juristes ont plaqué sur les réalités de leur temps un modèle juridique abstrait élaboré à partir des relations entre l'Église et ses vassaux laïcs, et non entre princes laïcs. Dans cette perspective, qui reste à explorer, le mot « fief », si fréquent aux XIIIe et XIVe siècles, n'aurait plus rien de commun avec les bénéfices de l'époque carolingienne, d'autant plus que nombre de domaines désignés alors par le mot fief sont en réalité des alleux. Bien plus, la « féodalité », loin d'être le résultat du déclin du pouvoir central et de l'administration, serait au contraire le produit du renouveau de ce pouvoir central et, surtout, du développement de la bureaucratie administrative à partir du XIIe siècle. Ces remises en question montrent bien la complexité du terme « féodalité » et l'ambiguïté des notions qu'il recouvre pour les historiens.

Fermat (Pierre de),

mathématicien (Beaumont-de-Lomagne 1601 - Castres 1665).

Conseiller au parlement de Toulouse, Pierre de Fermat doit sa postérité à ses recherches en mathématiques, qu'il effectue en « amateur ». Son œuvre, pourtant essentielle, est surtout constituée de notes éparses, en marge d'ouvrages qu'il lisait ou dans la correspondance qu'il échangeait avec Pascal et d'autres savants.

Introduisant le calcul afin de résoudre des problèmes de géométrie (géométrie analytique), Fermat forge avec Descartes, en 1637, la méthode des coordonnées, telle qu'il l'expose dans sa lettre à Descartes par sa Démonstration du lieu à trois droites. Ayant eu à se pencher sur un problème proposé à Pascal par le chevalier de Méré, Fermat est l'un des inventeurs du calcul des probabilités. En 1654, il soumet sa méthode de résolution à Pascal, qui la critique ... avant de reconnaître son erreur : « La vérité [écrit-il à Fermat] est la même à Toulouse qu'à Paris. »

Fermat est également l'artisan du renouveau de la théorie des nombres, domaine central des mathématiques, et c'est en cela surtout que ses travaux suscitèrent une grande curiosité. Étudiant les Arithmétiques de Diophante d'Alexandrie (qui vécut entre le IIe et le IVe siècle après J.-C.), il découvre en effet un théorème, dit « grand théorème de Fermat », selon lequel : si n = 2, l'équation xn + yn = zn est vraie ; mais, si n ≥ 3, la même équation n'a pas de solutions positives entières. Et il ajoute : « J'en ai découvert une démonstration véritablement merveilleuse que cette marge est trop étroite pour contenir. » Plusieurs générations de mathématiciens, assistés par des ordinateurs à la fin du XXe siècle, se sont évertués à démontrer cette conjecture. C'est seulement en juin 1993 que le Britannique Andrew Wiles en donne une démonstration. Cette longue quête a permis, entre-temps, un grand développement de la théorie des nombres, et Wiles a utilisé tous ces nouveaux outils pour prouver l'assertion de Fermat.