Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
F

Fresnel (Augustin Jean),

physicien (Chambrais, aujourd'hui Broglie, Normandie, 1788 - Ville-d'Avray 1827).

Fils d'architecte, Augustin Fresnel devient ingénieur des Ponts et Chaussées à la sortie de l'École polytechnique. À partir de 1815, s'ennuyant en province comme ingénieur d'État, il multiplie les travaux scientifiques. Il s'intéresse bien vite à un débat qui remonte au XVIIe siècle et qui oppose les partisans de la théorie corpusculaire de la lumière, disciples d'Isaac Newton (la lumière est composée de corps qui se déplacent en ligne droite et frappent les objets), et ceux d'une théorie ondulatoire (la lumière est un éther en mouvement), héritiers de Christiaan Huygens. Grâce aux progrès de l'analyse mathématique, l'outil alors le plus moderne, le « pape » de la science française, Pierre Simon de Laplace (1749-1827), a renforcé l'hypothèse de Newton. Fresnel entre dans le débat armé des mêmes outils mathématiques et d'une passion pour l'instrumentation (il invente des lentilles utilisées ensuite dans les systèmes d'éclairage), qui, réunis, lui permettent en peu d'années de renverser les conclusions de Laplace, à partir de mesures répétées, très fines, de la réfraction de la lumière sur diverses surfaces. Très disputée, l'œuvre de Fresnel est interrompue par sa mort précoce, à 39 ans. Elle est néanmoins soutenue dans les cercles académiques, notamment par François Arago (1786-1853), puis confirmée par les calculs de Hippolyte Fizeau et Léon Foucault sur la vitesse de la lumière (1848-1851). Elle féconde bien des voies de la physique contemporaine.

Freycinet (Charles de Saulces de),

homme politique (Foix, Ariège, 1828 - Paris 1923).

Polytechnicien, chef d'exploitation des Chemins de fer du Midi en 1856, puis spécialiste international des problèmes d'assainissement, il vient tard à la politique. En 1870, pendant la guerre franco-allemande, il se met au service du gouvernement de la Défense nationale, devient préfet du Tarn-et-Garonne, rejoint Gambetta à Tours, est nommé délégué à la Guerre. Sénateur de la Seine de 1876 à 1920, républicain modéré lié à certains radicaux, ministre des Travaux publics de 1877 à 1879 dans les cabinets Dufaure et Waddington, il lance le plan de grands travaux, dit « plan Freycinet », qui doit permettre (selon ses propres mots prononcés au Sénat en mars 1878) « d'activer le mouvement des travaux publics en France, afin d'y retenir les capitaux qui, sans cela, vont partout, en Italie, en Espagne, au Pérou [...], tout en perfectionnant l'outillage commercial et industriel de la nation ». Huit milliards seront investis pour moderniser le pays, désenclaver les campagnes, soutenir l'économie malgré la crise mondiale.

Freycinet est quatre fois président du Conseil (1879-1880, 1882, 1886, 1890-1892), et cumule cette fonction avec celle de ministre des Affaires étrangères en 1880 et 1882, et avec celle de ministre de la Guerre en 1890-1892. Jules Ferry, dont il soutient l'action, est à plusieurs reprises son ministre de l'Instruction publique. En 1886, le gouvernement Freycinet est le premier où des radicaux siègent avec les modérés et - autre innovation - comprend un ministère du Commerce et de l'Industrie. Après avoir pris Boulanger comme ministre de la Guerre (pour plaire aux radicaux) dans son troisième ministère (1886), il combat sans faiblesse le boulangisme. Il est le premier civil à être ministre de la Guerre (de 1888 à 1893) et promeut alors des réformes importantes : adoption du fusil Lebel et du canon de 75, durée du service militaire portée à trois ans. Il est aussi un des artisans de l'alliance franco-russe. Accusé d'avoir étouffé le scandale de Panamá, il doit quitter le gouvernement en 1893. Il redevient néanmoins ministre de la Guerre en 1898, au moment de l'affaire Dreyfus, se préoccupant surtout de faire respecter l'armée, attitude qui fait de lui un antidreyfusard. Au terme d'une longue carrière, qui fut marquante dans la période d'installation et d'enracinement de la IIIe République, il sort de sa semi-retraite de président de la commission sénatoriale de l'Armée, pour être, d'octobre 1915 à décembre 1916, ministre d'État du gouvernement d'Aristide Briand, au titre de l'« union sacrée ».

Friedland (bataille de),

bataille du 14 juin 1807, remportée par l'armée française contre les Russes, qui met fin à la campagne de 1807 et aboutit à la paix de Tilsit.

Après la sanglante bataille d'Eylau (8 février 1807), les opérations des armées françaises contre les coalisés se concentrent autour de Dantzig, qui tombe le 26 mai. La reprise des combats est décidée le 5 juin par le commandant russe Bennigsen. Napoléon le repousse jusqu'en Prusse-Orientale, près de la ville de Friedland. L'avant-garde française, commandée par Lannes, engage le combat pour acculer les Russes à la rivière Alle, sur laquelle trois ponts seulement permettent la retraite. Après avoir rapidement étudié le terrain, Napoléon décide de tenter une manœuvre pivotante pour prendre les Russes au piège. La bataille commence à 5 heures de l'après-midi avec l'avancée rapide de l'aile droite, commandée par Ney, qui parvient, après des combats acharnés, à s'emparer de la ville de Friedland, coupant ainsi la retraite de l'armée russe. Vers 7 heures du soir, l'aile gauche et le centre, commandés respectivement par Mortier et par Lannes s'avancent. Les Russes sont pris en tenaille et subissent de lourdes pertes, car les fuyards se noient dans l'Alle. Vers 10 heures du soir, la victoire est éclatante : 25 000 Russes ont été tués ou blessés, les pertes françaises se limitant à 8 000 hommes.

La bataille de Friedland est considérée comme le « modèle de la bataille offensive ». Son importance psychologique est sans doute égale à celle d'Austerlitz, car elle oblige le tsar Alexandre Ier à rencontrer Napoléon et à conclure la paix de Tilsit.

Froissart (Jean),

écrivain et chroniqueur (Valenciennes, peut-être né en 1337 - id., entre 1404 et 1410).

Il est l'auteur d'un roman arthurien tardif, Meliador (entre 1365 et 1388), et de poèmes courtois ou allégoriques, mais c'est surtout en tant que chroniqueur qu'il passe à la postérité. De 1361 à 1368, il est le protégé de Philippa de Hainaut, épouse du roi d'Angleterre Édouard III, qui lui permet de se renseigner sur le conflit franco-anglais. Il regagne ensuite le Hainaut, où Robert de Namur l'invite à terminer son premier livre des Chroniques. Puis Guy de Châtillon lui procure une sécurité matérielle définitive, et donne un essor décisif à son œuvre historique : rédaction de la deuxième version du premier livre - qui relate le début de la guerre de Cent Ans et s'inspire d'un ouvrage du chanoine Jean le Bel (1383) -, du deuxième livre - consacré aux guerres de Flandre (avant 1388) - et, à l'occasion d'un voyage chez Gaston Phébus (1388), du troisième livre, où les confidences autobiographiques voisinent avec le récit d'un conflit en Espagne (1389). Retiré à Valenciennes à la fin de sa vie, Froissart écrit encore un quatrième livre, concernant les règnes de Charles VI et de Richard II, et remodèle totalement son premier livre.