Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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Jublains, (suite)

Les bâtiments d'habitation de la ville, tout comme les nécropoles, ne donnent pas une impression de grande richesse. De fait, il semble qu'à partir du IVe siècle Jublains perde son intérêt stratégique, avant de péricliter progressivement. Le site a été aménagé pour la visite et comporte un musée.

Juifs

Si l'implantation des Juifs en France est extrêmement ancienne, leur histoire est d'abord régionale, éclatée entre quatre communautés différentes : celles de Lorraine, d'Alsace, du Sud-Est et du Sud-Ouest.

Conversions forcées et expulsions scandent les étapes des migrations des Juifs, tandis que les croisades constituent un tournant fondamental, entraînant pour eux des spécialisations professionnelles nouvelles. Depuis le décret d'émancipation du 27 septembre 1791, on assiste à l'intégration progressive des Juifs dans la société française, à un rythme variable selon les régions. Cependant, les poussées d'un antisémitisme qui a succédé à l'antijudaïsme médiéval, conjuguées à différentes vagues d'immigration - d'Europe centrale et orientale, puis d'Afrique du Nord -, ont ralenti ce mouvement.

La constitution des communautés médiévales

Venue de Palestine, d'Afrique du Nord ou d'Italie, la première vague d'immigration juive en France touche la partie méridionale de la vallée du Rhône et le Sud-Ouest entre la fin du Ier siècle et le IIIe siècle. À partir de la fin du IVe siècle, les témoignages écrits attestent l'extension des communautés vers le nord, suivie d'un mouvement migratoire inverse, du nord au sud, provoqué par des tentatives de baptêmes forcés. On ne sait pas avec certitude si Dagobert expulse les Juifs de son domaine - Austrasie, Neustrie et Aquitaine - entre 631 et 638, mais leur nombre diminue dans ces régions entre la fin du premier tiers du VIIe et le début du IXe siècle. L'immigration en provenance d'Espagne entraîne, à partir du IXe siècle, la constitution de nouvelles communautés. S'installant le long de la vallée du Rhône et de la Saône, elles remontent vers le nord, et se ramifient depuis Bordeaux ou Metz au cours du Xe siècle. Ces mouvements s'accompagnent de l'amorce d'un développement culturel spécifique, au moment où le texte du Talmud devient accessible en France. Shlomo ben Isaac, dit Rashi (1040-1105), procède à un commentaire exégétique de la Bible et du Talmud dont s'inspireront ultérieurement des théologiens chrétiens.

À partir de 1095, lors de la première croisade, les communautés situées entre la Loire et Rouen, accusées d'être de connivence avec les musulmans, sont victimes de massacres à grande échelle. Au cours de la deuxième croisade, les Juifs sont soumis à une contribution destinée à financer l'expédition militaire des chrétiens. En 1171, une série d'accusations de meurtres rituels pousse à nouveau les Juifs à fuir le Nord pour s'installer au Sud, et entraîne le développement d'une implantation juive en Languedoc. Onze ans plus tard, Philippe Auguste promulgue le premier décret d'expulsion du domaine royal, suivi d'un rappel, sans grand effet, en 1198. Dès lors, de nouvelles communautés s'installent hors du domaine royal (en Alsace, à Strasbourg, en Champagne, dans le duché de Bourgogne, en Provence et en Languedoc), tandis qu'en France même, à la suite d'interdictions répétées de résider dans les petites localités, les Juifs gagnent les grandes villes.

Les tentatives de conversions forcées ponctuent l'ensemble de la période médiévale. Les apostats constituent une cible privilégiée pour l'Inquisition, notamment après l'adoption par Clément IV, en 1267, de la bulle Turbato corde qui les assimile à des hérétiques. Une quarantaine de conciles légifèrent contre les Juifs durant cette période : les repas pris en commun entre Juifs et chrétiens sont interdits, ainsi que les mariages mixtes ; la circulation des Juifs durant les fêtes de Pâques, la création de boucheries juives, le comportement des Juifs durant les fêtes chrétiennes et la pratique de l'usure font l'objet de réglementations strictes. Les Juifs sont soumis au port de la rouelle (1269) et au paiement d'une dîme ecclésiastique. Les polémiques antijuives qui s'étaient développées au XIIe siècle deviennent affrontement, qui culminera avec la disputation de 1240 (en réalité un procès intenté au Talmud), laquelle aboutit à l'autodafé de vingt-quatre charretées de livres hébreux en place de Grève, suivi, un peu partout, d'appels à la destruction du Talmud. Mais l'existence d'établissements religieux n'est pas mise en cause et la pratique reste autorisée.

L'expulsion par Édouard Ier des Juifs d'Angleterre, en 1290, provoque un nouvel accroissement de leur population en France. C'est pourtant peu après, en 1306, que se produit la plus grande expulsion des Juifs du royaume : près de 100 000 bannis vont s'installer dans le Hainaut, à Metz, en Alsace, en Comté, en Savoie, en Dauphiné, en Provence ou au-delà des Pyrénées. Dès 1315, en échange de contributions fiscales élevées, les Juifs ont la possibilité de revenir en France pour une durée limitée. Ce délai est prolongé à plusieurs reprises, jusqu'au décret rendu par Charles VI, le 17 septembre 1394, qui prononce à nouveau leur expulsion. Le départ des Juifs engendre la création de nouvelles communautés dans les provinces limitrophes. Au cours du XIVe siècle, les Juifs ont dû affronter les massacres et les baptêmes forcés dans le sillage de la « croisade des pastoureaux » (1320), ainsi qu'une succession de persécutions liées à l'épidémie de la Peste noire (1347-1349), qui éprouvent tout particulièrement les communautés de Provence, de Savoie et du Dauphiné.

Durant tout le Moyen Âge, les Juifs sont légalement soumis au pouvoir royal ou à celui des seigneurs locaux. L'autorité fiscale et juridictionnelle constitue l'enjeu de cette concurrence, la question de leur présence dans le royaume relevant de l'autorité exclusive du roi de France. Avant les croisades, l'éventail des activités exercées par les Juifs est large, la production et le commerce du vin constituant un secteur privilégié. Ainsi, les Juifs de Provence, très présents dans l'industrie, se distinguent notamment dans le commerce maritime. Le crédit juif se développe considérablement entre le XIIe et le XVe siècle, souvent pratiqué comme activité accessoire par des médecins, nombreux dans le Sud et le Sud-Est. L'activité des prêteurs donne lieu à une exploitation fiscale souvent inique. Lors des expulsions, le Trésor recouvre les créances de ces derniers et confisque leurs biens. Ils ne peuvent alors revenir qu'à condition d'acquitter un « droit d'entrée ».