Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
S

Sand (Aurore Dupin, baronne Dudevant, dite George), (suite)

Elle est d'abord romancière du cœur féminin (Indiana, 1832 ; Lélia, 1833 ; Mauprat, 1837), mais le renouveau religieux (Lamennais), démocratique (Michel de Bourges) et socialiste (Pierre Leroux) la conduit vers le monde initiatique du XVIIIe siècle (Consuelo, 1843 ; la Comtesse de Rudolstadt, 1844). Ses aspirations humanitaires et son expérience des réalités rurales du Berry lui inspirent ensuite des romans champêtres (le Meunier d'Angibault, 1845 ; la Mare au diable, 1846 ; la Petite Fadette, 1849 ; François le Champi, 1850 ; les Maîtres Sonneurs, 1853). Au printemps 1848, elle adhère avec enthousiasme à la révolution et rédige pour Ledru-Rollin le Bulletin de la République se réfugie dans la vie privée après les journées de juin 1848 et contribue, en 1852, à obtenir la grâce de plusieurs républicains, dont Pauline Roland. Sous l'Empire, son hostilité au catholicisme oriente son œuvre romanesque, toujours abondante (les Beaux Messieurs de Bois-Doré, 1858 ; la Ville noire, 1861), vers les thèmes anticléricaux (la Daniella, 1857 ; Mademoiselle de La Quintinie, 1863). Elle a laissé une très vivante Correspondance, publiée de façon posthume en 1882-1884.

Sangnier (Marc),

homme politique et intellectuel (Paris 1873 - id. 1950).

Marc Sangnier est issu de la grande bourgeoisie libérale marquée par les enseignements du pape Léon XIII qui, en 1892, appelle au ralliement des catholiques à la République par l'encyclique Au milieu des sollicitudes. Le jeune homme fonde à l'âge de 26 ans le Sillon, un mouvement destiné à mettre en pratique l'idéal du christianisme démocratique et social car, selon l'analyse que propose Sangnier dans le Sillon, esprit et méthode (1905), la démocratie « tend à porter au maximum la conscience et la responsabilité civique de chacun », et c'est pour cela qu'il faut lui apporter le concours des forces vives du catholicisme. Toutefois, après avoir été accueilli favorablement par le Vatican, le Sillon gagne trop en indépendance ; on lui reproche une dérive moderniste, et il est condamné en 1910 par le pape Pie X. Marc Sangnier se soumet, sans renoncer pour autant à toute action publique : la fondation d'un quotidien, la Démocratie (1910), celle du mouvement de la Jeune République (1912), lui en donnent l'occasion. En 1919, il est élu député de Paris. Par ailleurs, il prône la réconciliation franco-allemande, à l'occasion de congrès pour la paix et de rencontres de jeunes. En 1944, il trouve dans la présidence d'honneur du MRP une reconnaissance de son influence sur le courant démocrate-chrétien. Symbole d'un renouvellement de la pensée et de l'engagement chrétiens, Marc Sangnier reçoit des obsèques nationales, célébrées à Notre-Dame de Paris.

sans-culottes,

militants en majorité d'origine populaire qui, de 1792 à 1795, tiennent un rôle de premier plan dans la Révolution française, notamment à Paris.

Le terme « sans-culotte » apparaît vers 1790-1791, avec un sens péjoratif, pour désigner le petit peuple révolutionnaire, souvent vêtu non pas de la culotte coupée aux genoux, mais de pantalon qui couvre la jambe. Le mot acquiert une charge positive quand, dans le contexte de radicalisation de l'été 1792, les sans-culottes font leur apparition comme force politique sur la scène révolutionnaire. Leur image se complète alors par de nouveaux attributs : le bonnet rouge, la cocarde et la pique.

Origines et organisation.

• Parmi les militants les plus actifs, on compte une majorité de petits artisans et commerçants : 57 % à Paris (selon Albert Soboul), 50 % à Marseille (selon Michel Vovelle). Les membres de la moyenne bourgeoisie représentent 18 % du total à Paris et 30 % à Marseille, et les salariés de l'artisanat 20 %. Mais ces derniers forment la base de la sans-culotterie, moins visible par l'historien car moins engagée dans les structures politiques. Bien que les militantes populaires soient exclues des organisations sans-culottes, il existe bien une composante féminine de la sans-culotterie, à laquelle l'historiographie s'intéresse depuis peu. Si le sans-culotte type est un père de famille d'une quarantaine d'années, les militantes sont au contraire des femmes relativement jeunes (moins de 30 ans) ou âgées (plus de 50 ans), qui n'ont pas la charge de plusieurs enfants.

Les sans-culottes sont organisés à l'intérieur des sections (divisions territoriales et administratives créées en juin 1790, à Paris), dont ils forment en l'an II le personnel administratif. Ils se retrouvent le soir dans l'assemblée générale ou dans la société populaire de leur section, et fréquentent également les Clubs des jacobins ou des cordeliers. Ils sont armés au sein de la Garde nationale : cela leur permet de jouer un rôle décisif lors des insurrections (10 août 1792, 31 mai-2 juin 1793, printemps 1795).

Conceptions politiques et revendications.

• La notion de souveraineté populaire, comprise de façon très concrète, est au cœur des conceptions politiques des sans-culottes : le peuple est le souverain, et les députés ne sont que ses « agents », élus pour « assurer son bonheur ». De là découle leur attachement à la démocratie directe, qui se marque par différentes pratiques : surveillance et contrôle des élus, voire exigence de pouvoir les révoquer ; pétition par laquelle le peuple souverain fait entendre sa voix et ses désirs à ses « mandataires ». Le droit à l'insurrection est l'aboutissement logique de cette conception de la souveraineté populaire : si les représentants « trahissent » leur mandat, les sans-culottes considèrent que le peuple peut reprendre l'exercice de sa souveraineté et que les insurgés représentent alors la loi.

L'égalitarisme est à la base de leurs motivations socioéconomiques : aspirant à l'égalité sociale, ils refusent que l'« aristocratie des riches » remplace l'« aristocratie nobiliaire ». Une de leurs principales revendications concerne la question des subsistances, du pain. Ils appréhendent la lutte contre la vie chère en termes de droit : le droit à l'existence, considéré par eux comme le premier des droits de l'homme. « Là où il n'y a pas de pain, il n'y a plus de lois, plus de libertés, plus de République », assurent-ils dans une pétition de février 1793, en demandant le maximum du prix des denrées, qui doit, selon eux, permettre d'abolir les inégalités alimentaires. Du droit à l'existence ils passent à l'« égalité des jouissances » - des biens matériels mais aussi de l'instruction. Issus majoritairement du petit artisanat indépendant, ils ne sont pas contre la propriété privée, mais pour sa limitation, afin de faire « disparaître peu à peu la trop grande inégalité des fortunes et croître le nombre de propriétaires » (pétition de septembre 1793).