Seignobos (Charles),
historien, maître de l'école positiviste ou méthodique (Lamastre, Ardèche, 1854 - Paris 1942).
Issu d'un milieu protestant, Charles Seignobos est le fils d'un député républicain de l'Ardèche. Il entre à l'École normale supérieure en 1874, est reçu premier à l'agrégation d'histoire en 1877, puis séjourne à Rome et surtout à Berlin, avant d'entamer une carrière universitaire. Sa thèse d'histoire médiévale soutenue, il donne en 1883 ses premiers cours en Sorbonne, où il terminera sa carrière comme professeur d'histoire politique moderne et contemporaine (1925). Avec la publication de l'Introduction aux études historiques (1898), écrite en collaboration avec Charles-Victor Langlois, il se pose en maître d'une méthode historique limitée pour l'essentiel à la critique des documents écrits, à la quête de l'authenticité et à une perception de la psychologie des acteurs identique à celle de l'historien. Paradoxalement, ce maître de la méthode de recherche historique va consacrer la suite de son œuvre à des synthèses. Son Histoire politique de l'Europe contemporaine (1897) rencontre un succès public qui dépasse les cercles universitaires. Et sa participation active à la définition des nouveaux programmes de l'enseignement secondaire (1902) témoigne de son influence. Apôtre d'une histoire scientifique « aseptisée », Seignobos le radical se jette cependant dans la bataille dreyfusarde et appartient au comité central de la Ligue des droits de l'homme.
En 1903, pour défendre l'histoire face à la sociologie, Charles Seignobos affronte l'un des disciples de Durkheim, François Simiand, pour qui les sciences sociales ne peuvent rendre compte que des faits qui se répètent. Par la suite, son enseignement méthodologique en Sorbonne, ses publications (dans l'Histoire de la France contemporaine, sous la direction d'Ernest Lavisse, 1921-1922 ; l'Histoire sincère de la nation française, 1933), sont caricaturés par Lucien Febvre, qui n'y voit qu'une « histoire événementielle ». Mais une relecture actuelle de ses textes méthodologiques (De la méthode historique appliquée aux sciences sociales, 1901) révèle une conception très contemporaine de l'histoire comme connaissance par traces.
Seine (source de la),
sanctuaire gallo-romain dédié à la divinité guérisseuse de la source de la Seine, Sequana.
Découvert de 1836 à 1842, fouillé de nouveau en 1932 puis en 1953, le site révéla de nombreuses sculptures votives ainsi qu'un vase contenant 120 ex-voto et 836 pièces de monnaies. Aucune de celles-ci n'est postérieure au règne de l'usurpateur Maxime (383/388), mais un grand nombre d'entre elles furent émises au milieu du IVe siècle, signe que le sanctuaire était encore fréquenté avant le tournant anti-païen de l'Empire, sous le règne de Théodose Ier (379/395).
Lieu de pèlerinage, le site comprenait un temple, une piscine et un bassin. Les malades ou leurs proches venaient y faire leurs ablutions, jeter une pièce, dédier ex-voto et sculptures représentant les parties malades du corps. Les images livrent un tableau sélectif des maladies - ostéo-articulaires, oculaires et génitales - qui provoquaient le recours au sacré. Des figures de nourrissons emmaillotés attestent aussi des démarches de couples ou parents soucieux d'obtenir la fécondité ou la guérison de leurs enfants. Les prières des malades s'adressaient à la déesse, associée probablement à Apollon Guérisseur comme sur d'autres sites (Apollon Vorvo à Bourbonne, Virotutis à Jublains). Les sanctuaires des eaux guérisseuses étaient étroitement liés aux villes, bien que situés à l'écart. Les riches notables les édifiaient et les entretenaient à leurs frais ; les populations urbaines s'y déplaçaient, témoignant de la popularité de ces sanctuaires hospitaliers, auxquels se substitua le charisme du saint homme dans la Gaule chrétienne.
sel.
Indispensable à la survie de l'homme, le sel appartient au quotidien de la France traditionnelle et, à la différence du sucre et du poivre, n'a jamais été réservé aux élites. Aliment de base, il est aussi une substance sacrée. Sa production, qui existe en France depuis le Moyen Âge, s'est industrialisée à l'époque moderne.
Un aliment et un remède.
• Bien qu'il soit une denrée chère dans les pays de grande gabelle, le sel se retrouve sur toutes les tables d'Ancien Régime. Présenter ostensiblement le pot de sel est une marque d'hospitalité, le renverser constitue une provocation. Son absence témoigne de la misère la plus extrême. À partir du XVIe siècle, la conservation des produits par le sel permet d'atténuer les effets des pénuries. La morue de Terre-Neuve devient alors un aliment courant, et la viande salée l'emporte sur la viande fraîche. À la fin du XVIe siècle, le sel ibérique, réputé pour les salaisons, fait la fortune du port de Dunkerque, sous domination espagnole.
Le sel est aussi un remède, à la fois médical et spirituel. Dans la conception de la médecine humorale, ses vertus « chaudes et sèches » sont un antidote aux maladies « froides et moites » telles que la goutte ou l'hydropisie. On l'administre à travers des bains d'eau salée, comme purgatif et vomitif afin de réchauffer le patient. Utilisé comme désinfectant et contrepoison, il est crédité également de propriétés magiques : dans de nombreuses régions, on l'utilise pour se protéger contre les maléfices. Ainsi, en Béarn, on jette du sel dans le feu lorsque le cri de la chouette retentit, afin de se protéger de la prochaine visite des sorcières.
Enfin, le sel appartient à la liturgie. Jean Bodin le considère comme une « marque d'éternité et pureté parce qu'il ne pourrit et ne se corrompt jamais. C'est pourquoi il est commandé en la loi de Dieu de mettre du sel sur la table du sanctuaire ». Le prêtre en use d'ailleurs pour le sacrement de l'extrême-onction.
Les techniques de production.
• Le sel de mer est fabriqué à partir d'une saumure résultant de l'évaporation de l'eau de mer, et le sel gemme à partir de l'évaporation des sources continentales. On perfectionne la première technique en réduisant les bassins des marais salants afin d'allonger la durée de précipitation des impuretés avant la récolte. Sur le littoral méditerranéen, la production s'étend à Berre, en Camargue et à Peccais. Elle croît au XIIIe siècle en liaison avec le développement du port d'Aigues-Mortes. Sur la côte atlantique, à La Baie et à Brouage, l'activité saline s'intensifie, à l'occasion de la hausse des coûts du sel hanséatique et anglais.