maîtresses du roi. (suite)
À l'âge classique, la théorie des « deux corps du roi » s'incarne dans le concubinage adultère, donc chrétiennement pécheur, du souverain. Son corps mystique (le principe royal) est transmis par le sacre, grâce à la descendance dynastique assurée par l'union avec l'épouse (la reine). Le corps charnel du roi, gouverné par des appétits et des sentiments chan-geants, fait choix de maîtresses dont la position sociale demeure donc instable : seules se maintiennent en grâce les talentueuses opiniâtres, habiles médiatrices des faveurs royales, élevées au rang de « favorites ». Aucune d'entre elles n'est cependant devenue l'épouse du roi, à l'exception de la marquise de Maintenon, avec laquelle Louis XIV se marie secrètement après la mort de Marie-Thérèse d'Autriche.
L'adultère royal peut se muer en une sorte de polygamie si la maîtresse reçoit, telle Gabrielle d'Estrées, les honneurs dus à la reine, et si sa progéniture est légitimée, voire, sous le règne de Louis XIV, unie aux héritiers de souche. Les bâtards mâles reconnus sont, au XVIIe siècle, un ferment de troubles, par leurs menées contre l'État (le comte de Clermont, fils de Marie Touchet et Charles IX ; les Vendôme, lignée issue des amours de Gabrielle d'Estrées et d'Henri IV), puis par le désordre que leur présence introduit dans le principe dynastique lorsque Louis XIV fait droit à sa succession aux deux fils de la marquise de Montespan. Cependant, très rares sont les maîtresses qui, telle Diane de Poitiers, distinguée par le roi Henri II, ou la Pompadour, réussissent à participer aux affaires politiques. Jeunes, séduisantes et gaies par définition, elles dominent en revanche les fêtes, inspirent et protègent les artistes, suscitent ou consacrent les modes. Si leurs dépenses personnelles coûtent peu au Trésor, leur éclat et la réputation de prodigalité qui les entoure font d'elles de commodes boucs émissaires. Les quatre derniers rois français, de Louis XVI à Louis-Philippe, n'ont, quant à eux, pas élu de maîtresse officielle.